Un premier exemple pour commencer.
Libération du 19 avril 2002. A la "Une" :
« Nos derniers sondages
La bof présidentielle
Selon l’enquête Libération-Louis-Harris, 59 % des Français jugent les législatives plus importantes »
D’où leur vient ce « jugement » ? Peu importe ?
Ce sondage est le dernier d’une série, où se trouvait posée notamment la question suivante :
« Aujourd’hui, les projets respectifs du candidat Jacques Chirac et du candidat Lionel Jospin vous paraissent-ils globalement : Très différents, Assez différents - Pas très différents - Quasiment identiques ? »
Ce choix entre deux candidats alors que 16 candidats sont en lice introduit un premier biais.
L’absence de questions permettant de déterminer quels critères les sondés mettent en oeuvre pour « juger » des différences et quel jugement (positif, négatif ou... indifférent) ils portent sur l’existence de telles « différences » introduit un second biais.
Enfin, non contents d’amalgamer, sous chaque catégorie, des réponses hétérogènes par leur valeur et par leur sens, nos sondeurs additionnent sans scrupule « Très différents » et « Assez différents » d’un côté, « Pas très différents » et « Quasiment identiques » de l’autre.
On arrive ainsi au résultat suivant : 65 % des sondés ne voient pas de différences entre les candidats.
Peut-être, en effet, ces différences sont-elles inexistantes, faibles ou imperceptibles... Mais le sondage dépolitise d’emblée les problèmes, en renvoyant la réponse à l’agrégation de réponses individuelles et hétérogènes, produites par le sondage lui-même, qui impose une situation et une problématique jusque dans l’énoncé savoureux qui invite à se prononcer « globalement »...
Elections 2002 : (1) Sondeurs et médias : des partenaires rivaux, (2) Plaidoyers hypocrites, (3) Sondages d’opinion dans la " bof presse ".