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Retraites : Traitons l’information sans œillères (SNJ)

Nous publions ci-dessous un communiqué du SNJ (Acrimed)

Une fois encore, les journalistes de France et de Navarre, de la presse écrite et de l’audiovisuel, du Web, des villes et des campagnes sont amenés à traiter du sujet des retraites. Ils le font avec une (sur ?)abondance d’informations, de données et de références. Dossiers, enquêtes, interviews se succèdent ; « spécialistes » es retraites et « grands » économistes de tous bords aussi.

Tous y vont de leur litanie mais, malheureusement, c’est trop souvent la même : le problème des retraites est d’origine démographique, la population vieillit, l’espérance de vie s’allonge, donc il y aura de plus en plus de vieux, donc il faut travailler de plus en plus tard pour assurer leurs (nos) retraites…CQFD !

Avec cette argumentation, la voie est toute tracée, vers une « vérité » là aussi unique : il n’y a pas d’autre solution que le recul de l’âge légal et l’augmentation du temps de cotisation. Depuis des mois, il n’y a pas – ou peu – de place dans nos médias pour d’autres analyses. Elles existent pourtant.

Des infos partielles…

La simple reprise des slogans et des petites phrases politiques, ciselés pour faire appel au « bon sens populaire » ou masquer de véritables enjeux, est trop souvent favorisée au détriment des analyses économiques, démographiques, et à l’exposé de données chiffrées comparatives expliquant les spécificités françaises et les problématiques macroéconomiques. Des pans entiers de la vaste problématique des retraites sont occultés. À titre d’exemple, les effets des différentes mesures éventuellement retenues sur les retraites complémentaires sont oubliés. De même, le traitement des mobilisations, syndicales ou autres, est trop souvent traité de manière simpliste, sous l’angle réducteur de l’événementiel. Pourtant, seule la présentation de la totalité des alternatives peut éclairer vers un véritable choix de société.

Observons également que les conclusions du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) n’ont été que partiellement répercutées. Le volet démographique a été largement commenté, à l’inverse de l’aspect développement du travail que le rapport préconise pourtant : moins de chômage, c’est plus de salariés, donc plus de cotisants, donc plus de rentrées de cotisations… là aussi, CQFD !

Faisons remarquer que les déficits abyssaux, prévus pour 2050, de 100 milliards d’euros dans les caisses de retraite, sont marqués du sceau de la crise. C’est donc elle qui les accentue. C’est donc elle qu’il faut combattre en priorité (mais le veut-on ?) et pas seulement l’effet de la démographie sur les régimes de retraites.

Et que dire des projections à 50 ans (« foutaises » disent certains) dans un monde qui évolue désormais à la vitesse d’une liaison Internet. Pouvait-on sérieusement, en 1960, annoncer ce qui se passe aujourd’hui ?

En outre, si l’aspect économique de la question des retraites – et donc du travail – doit être traité, qu’il le soit dans toute sa dimension. D’abord en ce qui concerne les choix budgétaires et fiscaux : trouver de l’argent ne peut se résumer à taxer toujours les mêmes. Ensuite, la productivité n’a jamais été aussi grande dans le monde et aussi en France. Des gains colossaux ont été accomplis. Et l’on voudrait nous faire croire – et croire encore – que l’on ne travaille pas assez, pas assez longtemps, pas assez vieux dans notre pays.

Enfin, comment donner un avenir aux jeunes si les emplois ne sont pas libérés par les effets des départs en retraite ?

Ces quelques éléments de réflexion ne vont pas forcément dans le sens du vent mauvais et de cette réforme. Mais de plus en plus de voix autorisées les portent. Encore faut-il qu’elles arrivent jusqu’aux oreilles des auditeurs, des téléspectateurs, jusqu’aux yeux des lecteurs de la presse dans son ensemble.

Des infos plurielles !

Sur l’aspect social, nous sommes face à une remise en cause radicale d’une conquête de première importance. De 60 ans, l’âge légal de la retraite risque ainsi de passer à 62 ans. Qu’on y songe, c’est tout simplement comme si, par exemple, on proposait de repasser de 5 à 4 semaines de congés payés. Ou de retourner aux 39 heures sans aucune compensation.

Au moment où, enfin, le projet de réforme est connu, au moment où les organisations syndicales et les citoyens continuent – et vont continuer – de manifester, au moment surtout où l’on va entrer dans le vif du sujet avec, à l’automne, le débat parlementaire devant tous les Français, les journalistes de France et de Navarre, qui sont aussi concernés directement, ne peuvent pas se limiter à une couverture passive de cette actualité.

Le relais des divers points de vue, leur mise en perspective, l’analyse, l’enquête sont autant de moyens qui, sans être contradictoires avec le respect d’une ligne éditoriale, doivent permettre aux équipes rédactionnelles de faire vivre les débats de société comme celui sur les retraites.

N’oublions pas enfin que le traitement uniforme de certains sujets d’actualité, sous le poids d’une « pensée unique » au sein des rédactions en chef, contribue grandement à la défiance croissante des Français, révélée à chaque nouveau sondage d’opinion, envers les journalistes et les organes de presse. Les équipes rédactionnelles doivent l’avoir toujours présent à l’esprit et exercer une vigilance constante sur les pratiques professionnelles et la qualité de l’information.

Pour le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, le rôle des médias et des journalistes est une des pierres angulaires de la démocratie. Il justifie à la fois leur existence, les dispositions légales et statutaires propres aux journalistes et aux entreprises de presse.

C’est pourquoi le SNJ lance un appel confraternel à celles et ceux qui ont pour charge de transmettre l’information, de la remettre dans tout son contexte et d’élargir les champs de vision. Le robinet d’info ne doit pas, ne peut pas être uniforme, ni tiède, ni neutre. Les sources d’informations sur les retraites sont multiples et il y a au moins 62 façons de traiter la question…

Paris, le 28 juin 2010

 
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