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Après la suspension du « plan social » à RFI : lettre aux ministres

Nous publions ci-dessous une lettre envoyée par l’intersyndicale FO, SNJ et CGT de RFI aux ministères de la Culture, du Travail, des Affaires étrangères, de l’Economie et au Premier ministre (Acrimed)

Paris, le 6 octobre 2009

Monsieur le Ministre,

Le Comité d’entreprise de RFI, soutenu par l’intersyndicale FO, SNJ et CGT et par la mobilisation des salariés, se bat depuis janvier contre un plan de licenciements secs, qui prévoit la suppression de 206 postes pour motifs économiques. Nous vous adressons ce courrier pour vous présenter la situation telle qu’elle est aujourd’hui, 9 mois après l’annonce du plan social à RFI.

L’arrêt de la Cour d’Appel de Paris prononcé le 28 septembre, stipule notamment, sans contestation possible, l’obligation, pour RFI, de procéder à « une recherche effective et sérieuse de toutes offres de reclassement existantes  » au sein de l’audiovisuel public « pour les inclure au PSE avant la consultation du CE » ainsi que l’obligation, pour la direction, de suspendre la procédure d’information/consultation du CE « sur le PSE litigieux jusqu’à la mise en œuvre  » de cette disposition.

La mise en œuvre « effective et sérieuse » de cette disposition de l’arrêt constitue une véritable opportunité, pour tous les acteurs de sortir enfin du plus long conflit qu’ait connu l’audiovisuel public, puisque cette mise en œuvre :

- favoriserait, par la négociation, le retour à l’apaisement et l’instauration d’un réel dialogue social auquel la direction s’est jusqu’à présent refusée ;

- permettrait d’éviter le recours à des licenciements contraints que le personnel de RFI récuse ;

- éviterait une inadmissible « casse sociale » ; nous vous rappelons que des propositions de départs volontaires, agrémentées de réelles incitations financières favorables sont admis, dans leur principe, par l’intersyndicale.

Par son attitude et ses déclarations publiques, la direction démontre clairement qu’elle se refuse à saisir l’opportunité d’un règlement de la crise :

- la direction minimise la signification réelle de cet arrêt « « Cette modification, c’est juste un coup de Tipex », avance Geneviève Goetzinger, directrice déléguée de RFI, interrogée par Libération.

- la direction travestit la réalité de la décision de la Cour d’Appel en affirmant de façon mensongère que le « PSE est validé » alors qu’il est suspendu pour cause « d’irrégularités » et « d’insuffisances » dans ses modalités ;

- la direction tente de contourner son obligation du respect de la chose jugée en affirmant qu’elle va apporter « quelques retouches » à son plan dont la procédure sera relancée « très rapidement » alors que la démarche exigée par la Cour suppose la mise en œuvre d’une étude de grande ampleur - et nécessairement de longue durée - pour la recherche « sérieuse et effective » des possibilités de reclassement auprès de toutes les sociétés de l’audiovisuel public ;

- la direction bafoue l’esprit même de cet arrêt en affirmant qu’elle ne renoncera pas aux « départs contraints » alors que la démarche de la Cour suggère au contraire de tout faire pour les éviter (voir interview de M.de Pouzilhac dans Les Echos du 6 octobre 2009).

L’attitude irresponsable de la direction nous conduit une nouvelle fois à vous lancer un appel solennel pour :

- contraindre la direction à respecter une décision de justice qui ne souffre d’aucune ambigüité et ne peut être sujette à aucune interprétation minimale ;

- procéder d’urgence à la nomination d’une personnalité incontestée comme médiateur social chargée de procéder, dans les meilleurs conditions, à l’étude effective et complète de toutes les possibilités de reclassement de personnels de RFI au sein de tout l’audiovisuel public ;

- décider immédiatement le gel de tout PSE à RFI en instaurant un moratoire d’une durée suffisante (un an au moins) sans lequel il serait faux de prétendre que l’on peut réellement explorer sérieusement toutes les voies de reclassement, une telle démarche supposant une étude approfondie des documents de gestion de l’emploi, à court et long terme, dans toutes les sociétés de l’audiovisuel public

- mettre en place une commission chargée de gérer toutes les demandes de départs volontaires (sur la base d’un véritable volontariat et sans restriction liée au profil des candidats) et de faire le point de tous les départs à la retraite possibles sur une durée à définir.

La direction de RFI est aujourd’hui totalement discréditée aux yeux du personnel en raison :

- de l’absence de tout fondement économique pouvant justifier un plan social, les comptes 2008 faisant clairement apparaître que l’essentiel du défit de RFI participe d’une dramatisation outrancière de la situation réelle de l’entreprise par le biais d’un alourdissement du résultat lié à l’introduction de charges ou provisions exceptionnelles et ponctuelles (7,3M€ sur 8,7M€, soit un déficit réel d’exploitation de 1,4M€ seulement qui ne peut être qualifié de déficit récurrent et qui devrait servir de base pour apprécier honnêtement la situation selon les critères habituels de gestion publique), par le passage sous silence de l’existence d’une trésorerie constamment positive de 20M€ et de la lourde responsabilité de l’Etat qui, de 2004 à 2008, s’est livré à une véritable discrimination budgétaire (les ressources allouées à RFI n’ont augmenté en moyenne que de 3,4% durant cette période contre 11,9% pour les autres sociétés de l’audiovisuel publique), ce qui avait conduit le Conseil d’administration à voter un budget 2008 en déséquilibre ;

- de l’absence de toute justification sur la situation de l’audience dont les nouveaux dirigeants affirment qu’elle est en baisse alors qu’elle a globalement augmenté en Afrique (avec l’implantation de 35 émetteurs FM supplémentaires entre 2004 et 2008) comme le prouvent tous les sondages réalisés durant cette période par la Direction des Etudes, qu’elle est, mathématiquement, restée stable en Amérique Latine où elle repose essentiellement sur une diffusion assurée par 200 radios partenaires.

- A France 24, on parle de notoriété, de grandes lignes stratégiques, mais jamais d’audience. Elle est pourtant inférieure à celle de Cuisine Télé. Paradoxalement, les licenciements frapperont RFI où l’audience et l’efficacité sont présentes. <

- de l’absence de tout dialogue social raisonnable de nos dirigeants, que ce soit sur les préavis de grève, les débats en Comité d’entreprise qui n’aboutissent sur aucune prise en compte des arguments des élus de l’instance. L’ouverture de négociation sur les accords de substitution des conventions collectives qui n’a pas été effective et est retardée  ;

- de la perte totale de confiance d’une grande majorité du personnel qui a massivement voté une motion de défiance à l’égard des dirigeants actuels, sans compter l’opposition d’une bonne partie de l’encadrement qui a ouvertement critiqué leurs méthodes de management en publiant, en interne, un manifeste très explicite ;

- de l’absence de toute vision stratégique réelle concernant RFI, les dirigeants affichant clairement leur volonté de réduire RFI à la portion congrue au profit de France 24 en contradiction avec les orientations définies par le Président de la République (« il s’agit de faire plus et mieux ») et en cantonnant la "radio mondiale" à un rôle exclusif en Afrique, privant ainsi la France du rayonnement qui lui est pourtant nécessaire pour lutter efficacement avec ses concurrents dans la « bataille mondiale de l’information » et qui altèrerait l’image de l’information française à l’étranger ;

- des mensonges à répétition du Président Pouzilhac affirmant, lors de son arrivée, qu’il n’y aurait aucun licenciement sec et que l’AEF allait, au contraire, créer des emplois ;

- du conflit d’intérêt que représente la position de Christine Ockrent au sein de RFI et de l’AEF dans la mesure où elle est la compagne du Ministre des Affaires étrangères et où, même si ce ministère n’est plus officiellement en charge de la tutelle, le rôle de RFI est étroitement lié à l’action extérieure de la France dévolue au Quai d’Orsay ;

L’Etat, unique actionnaire, doit assumer ses responsabilités en reprenant « la main » à RFI pour se suppléer à des dirigeants qui :

- de façon, irresponsable, ont fait le choix délibéré d’affaiblir pour longtemps, par leurs dénigrements publics et mensongers (situation financière faussement aggravée, niveau de l’audience volontairement tronqué), la position de la radio vis-à-vis de ses concurrentes internationales et des gouvernements des pays où elle diffuse, et dont les premiers effets se font déjà sentir (coupures d’émetteurs en Afrique, notamment, où l’on commence à dire que "l’on peut se passer d’une radio qui n’a pas l’audience qu’elle prétendait avoir", échec du projet d’ouverture de FM au Maroc en raison de la méfiance des autorités face à un média dévalué par sa propre direction, etc.)

- de façon outrancière, ont fait le choix délibéré de faire ouvertement table rase des compétences des personnels et de son adhésion connue à des réformes nécessaires en avançant l’idée d’une prétendue « modernisation » pour mieux fustiger de... prétendus « archaïsmes » ;

- se révèlent, chaque jour un peu plus, incapables de gérer une crise sociale sans précédent dont ils sont les seuls responsables.

En vous lançant cet appel, Monsieur le Ministre, en faveur de la nomination d’un médiateur social, nous n’avons d’autre objectif que de manifester notre volonté de sortir de ce conflit dont l’issue ne peut résider que dans l’élaboration d’une solution raisonnable excluant tout licenciement sec (ou « départ contraint »), ce qui serait possible avec un plan de départs basé uniquement sur le volontariat et des reclassements dans tout l’audiovisuel public.<

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.

Au nom de l’intersyndicale et des élus de l’intersyndicale FO, SNJ et CGT du Comité d’entreprise,

Maria Afonso, secrétaire du C.E

 
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