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« L’Europe, l’Europe... »

Bernard Guetta parle de Bernard Guetta

... pour lui-même et quelques autres.
par Henri Maler,

Représentant du pluralisme à plusieurs voix mais à sens unique, Bernard Guetta est en train de prendre, dans les esprits et dans les coeurs, la place convoitée de Jean-Marc Sylvestre. Pourtant, ils ne sont l’un et l’autre que des symptômes ou, plus exactement, des porteurs et des acteurs de rapports de pouvoir : c’est à ce titre surtout qu’ils nous intéressent. Or quand Bernard Guetta parle de Bernard Guetta, ce sont des positions de pouvoir qui parlent par sa bouche. Grande ouverte lors de l’émission « Arrêt sur images » du 8 mai 2005.

Ecoutons Bernard Guetta...

Quand Bernard Guetta est contesté pour ses chroniques sur France Inter, il répond dans ... L’Express ou dans Le Temps : privilège de l’éditorialiste multicarte. Mais, depuis peu, il dispose d’un droit de réponse un peu partout à des critiques qui ne s’expriment dans les « grands médias » que par effraction. Ce droit de réponse illimité est un autre privilège des éditorialistes.

Ainsi quand Libération interroge Bernard Cassen, Bernard Guetta se voit octroyer le jour même et sur la même page un entretien qui équivaut à une réponse [1] : au nom de ce souci d’équilibre qui, justement, fait défaut dans la plupart des grands médias, et en particulier ... sur France Inter. De même, lorsque Daniel Schneidermann, dans « Arrêt sur Images » (ASI), le 8 mai dernier, met en question de traitement médiatique de la campagne référendaire, il invite simultanément Eric Zemmour, du Figaro et... Bernard Guetta, pour qu’il puisse répondre aux critiques de ceux qui trouvent ... qu’on entend trop Bernard Guetta. Ou plus exactement (car nul ne songe à priver Bernard Guetta de sa liberté d’expression) que l’on entend trop de chroniqueurs, d’éditorialistes et de présentateurs qui, à quelques nuances près, s’expriment tous dans le même sens, notamment sur France Inter.

Cet abus de position dominante, Bernard Guetta préfère, à sa façon, ne pas le voir et ne rien en savoir. A sa façon. C’est pourquoi nous vous offrirons bientôt à la suite de cet article une transcription (presque) intégrale de ses propos : ne boudons pas notre plaisir, car c’en est un, d’entendre Bernard Guetta parler de Bernard Guetta. A sa façon, mais comme la quasi-totalité de ses confrères. Et c’est en cela qu’il est exemplaire et nous intéresse.

Ecoutons donc Bernard Guetta, invité (avec Eric Zemmour) de l’émission « Arrêt sur images » du France 5, 8 mai 2005. Thème de l’émission : « Référendum : les médias sont-ils neutres ? ». [Une transcription (quasi) intégrale est disponible en fin d’article [2].]

Acte I : Héraut du « oui », Bernard Guetta chante la geste de Bernard Guetta

Quand vient le moment d’aborder ce thème, Daniel Schneidermann évoque « le vent de fronde » qui souffle contre les grands médias audiovisuels, et pour en dire la raison, il précise : « C’est une question de temps de parole, mais aussi de ton des journalistes »

Une journaliste d’ASI, Christelle Ploquin s’adresse alors à Bernard Guetta et met en question ses chroniques sur France Inter : des « chroniques dans lesquelles depuis plusieurs mois vous prenez assez clairement position sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui  »

- Bernard Guetta : Je peux vous arrêter ? Pas depuis plusieurs mois, pas du tout. [Et pourtant cela dure depuis plusieurs mois...]
- Daniel Schneidermann (ironique) : Depuis plusieurs années ? [C’est ironique, mais exact, s’agissant non du Traité mais de la construction de l’Europe... comme Guetta en conviendra plus tard.]
- Bernard Guetta : Non, écoutez...
- Daniel Schneidermann : On va d’abord écouter une chronique, Bernard

L’extrait de la chronique en question dénonce de façon virulente la « terrible erreur que la France est à la veille de commettre » en songeant à voter non.

Daniel Schneidermann reprend la parole : « Au moins c’est clair, la couleur est annoncée, les mots ne sont pas mâchés [...] Alors, premier reproche qu’ils vous aient fait, on vous dit : « vous êtes éditorialiste sur une chaîne de service public, vous seriez donc tenu à une certaine impartialité. »

Tout le monde a compris que le problème posé est celui de l’affichage monocolore de convictions « sur une chaîne de service public » et que la question concerne le droit des auditeurs. Guetta, pour sa part n’a entendu que le mot « impartialité », qui menace son droit à lui. Il riposte donc par le récit de sa propre légende qui est une légende des origines : son adoubement comme chevalier de l’Europe prédestiné à participer à la croisade du « oui ». Ainsi, quand on met en question le caractère ouvertement partisan de l’une de ses chroniques Bernard Guetta dégaine... son curriculum vitae : « Petit retour en arrière d’abord.  » Suit alors le long récit d’une révélation europhile, que nous vous épargnons.

Daniel Schneidermann finit par se risquer à l’interrompre en lui concédant que sa conviction est un droit, et lui demande si c’est « le rôle d’une chaîne de service public d’être aussi monocolore à son heure de plus grande écoute. »

Mais Bernard Guetta n’a pas fini de chanter la légende de Bernard Guetta. Il continue donc à différer la réponse à la question : «  Attendez , il y a plusieurs éléments de réponse à cela. D’abord une ou deux phrases quand même pour... J’ai voulu vous dire par là que chez moi la construction européenne est une conviction de plus de 15 ans. » ? Et Bernard Guetta poursuit pour défendre ce que personne ne lui conteste et qu’il définit ainsi : « Je n’ai jamais, je le dis très directement, je n’ai jamais eu l’idée que je devais être, que je devrais être impartial dans un éditorial. Je suis éditorialiste. Un éditorialiste, c’est un regard. C’est un regard qui est affirmé, qui est argumenté, mais c’est évidemment un regard. »

- Daniel Schneidermann insiste : Est-ce qu’il ne faudrait pas un Guetta pro-non juste avant vous ou juste après vous ?
- Bernard Guetta : Attendez une seconde , j’y viens.
- Eric Zemmour : C’est la chaîne qui est coupable, c’est pas lui.
- Bernard Guetta : Attendez une seconde , attendez une seconde. [...]

De petits récits en délais d’attente, la question de Daniel Schneidermann - « Est-ce que c’est le rôle d’une chaîne de service public d’être aussi monocolore à son heure de plus grande écoute ? » - reste toujours posée. L’interruption d’Eric Zemmour - « C’est la chaîne qui est coupable, c’est pas lui » - est l’occasion de la relancer.

Acte II : Bernard Guetta se porte garant de son pluralisme

- Bernard Guetta : Je ne crois pas que France Inter soit coupable en quoi que ce soit. Pour deux raisons.
- Daniel Schneidermann : Quand même. C’est quand même très, très monocolore le matin.
- Bernard Guetta : Et bien non. Je ne suis pas d’accord avec vous. Pas du tout. Absolument pas
- Daniel Schneidermann : Il n’y a pas un Guetta pro-non. Il n’y a pas quelqu’un qui soit aussi éloquent que vous, qui ait un rendez-vous quotidien avec les auditeurs.
- Bernard Guetta : Vous êtes gentil avec moi. Il y a une tranche de 7 à 9. Deux heures. Deux heures d’émission. Sur ces deux heures d’émission, ma chronique dure 2 min 50 et il m’arrive, mais pas toujours, de répondre aux questions des auditeurs dans la tranche 9 h moins 20 - 9 h. Mon intervention...
- Daniel Schneidermann : Où est-ce que le non s’exprime, Bernard Guetta, dans cette tranche ?
- Bernard Guetta : Alors attendez, dans deux domaines. Premièrement avec les invités. Premièrement avec les invités, je répète. C’est quand même important.
- Daniel Schneidermann : Quelle est la proportion des invités pro-oui et pro-non dans le dernier mois sur Inter, vous le savez ?
- Bernard Guetta : Non, moi je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c’est que chaque matin, quand je sors du studio, j’entends Stéphane Paoli et son assistante dire : « Est-ce que demain matin, on invite tel noniste ou tel oui-iste ? » Et là, la réponse est à chaque fois : « Ah non pas un noniste parce qu’ils sont en avance, ah non pas un oui-iste parce qu’ils sont en avance, etc. Il y a un décomptage très précis. Moi, c’est pas mon boulot, mais je les entends. Je les entends. Attendez, vous me disiez : « un autre éditorialiste ». [...] »

Bernard Guetta qui s’informe par ouï-dire du nombre d’invités (et préfère ne rien savoir) n’a pas encore répondu sur la présence d’éditorialistes. Il va le faire ! ... En parlant de Bernard Guetta ! Car « je est un autre » et Guetta aussi...

- Bernard Guetta : Attendez, vous me disiez : « un autre éditorialiste ». [...] Il y a un décomptage très précis. Moi, c’est pas mon boulot, mais je les entends. Je les entends. Attendez , vous me disiez : « un autre éditorialiste ». Vous voulez que je réponde là-dessus ?
- Daniel Schneidermann : Allez-y
- Bernard Guetta : Depuis que je fais cette chronique à France Inter, c’est-à-dire depuis 13 ou 14 ans, quelque chose comme ça, je ne sais plus, pas mal d’années, il m’est arrivé plus souvent qu’à mon tour de prendre position dans mon édito sur une foule de sujets. Evidemment. A peu près sur tous les sujets, mais notamment sur des sujets extraordinairement controversés dans l’opinion française. Je vous rappelle que j’étais contre l’intervention militaire au Kosovo. Je crois que les deux tiers des Français étaient pour. »

Que faut-il comprendre ? Qu’une divergence de Bernard Guetta sur l’intervention au Kosovo est une garantie de pluralisme sur le Traité constitutionnel ?

- Daniel Schneidermann (A propos de l’intervention militaire au Kosovo] : Bernard Guetta, là il n’y avait pas de référendum. Là, il y a référendum, c’est différent. On appelle les Français à voter. On doit les informer : est-ce qu’il faut voter oui, est-ce qu’il faut voter non ?
- Bernard Guetta : Alors d’accord, ça c’est le problème de la comptabilité entre les forces politiques. Ce n’est pas le problème d’un éditorialiste. Election ou pas, référendum ou pas. Attendez, ne soupirez pas. [...]

Ne soupirons pas ! Bernard Guetta vient seulement de dire que, comme la plupart de ses confrères en commentaires, il se soucie du pluralisme éditorial du service public comme d’une guigne. Ce n’est pas son problème. Et le pluralisme anémié qui, plus généralement, domine les médias de masse, qu’ils soient publics ou privés, en raison de leur mode d’appropriation et de contrôle, il s’en soucie sans doute encore moins.

Suit alors la comptabilité du nombre d’intervenants établie par ASI, puis une séquence consacrée aux experts ou prétendus experts. L’occasion est à nouveau donné à Bernard Guetta de dire son mot. Pas très brièvement, il est vrai.

Acte III : La pédagogie, la propagande... et Bernard Guetta.

-Daniel Schneidermann : Un commentaire sur toutes ces séquences de pédagogie ?
_ - « C’est de la fausse pédagogie » déclare Eric Zemmour : « C’est de la propagande. C’est une tentative d’explication d’un texte sans son contexte. [...] »

- Daniel Schneidermann se tourne vers Bernard Guetta : Alors sur les deux séquences que vous venez d’entendre, on est dans la pédagogie ou on est comme le dit Eric Zemmour dans la propagande ?
- Bernard Guetta : Ecoutez, je sais pas. Non, je ne sais pas définir ça.
- Daniel Schneidermann : C’est important quand même.
- Bernard Guetta : Laissez-moi y venir. Je ne sais pas définir ça parce que je ne sais pas, je ne connais pas exactement le sens des mots pédagogie, propagande ou je ne sais pas quoi.
- Daniel Schneidermann : C’est inquiétant.

En effet... On peut, certes, discuter du sens des mots, mais tout le monde peut comprendre la différence, même si la frontière n’est pas étanche, entre la diffusion d’un savoir (assorti le cas échéant de l’exposé de positions en présence) et la propagation de convictions. Mais reprenons...

- Daniel Schneidermann : C’est inquiétant.
- Bernard Guetta : Mais non. Pourquoi ? Qu’est-ce que c’est de faire de la pédagogie sur un projet de Traité comme celui-là ? Moi, je ne sais pas et j’ai pour ma part choisi une autre voie, tout à fait différente dont je vous parlerai tout à l’heure.
- Daniel Schneidermann : C’est clair. Mais ces séquences [les interventions d’ « experts »] que vous voyez, que vous avez entendues avec nous, qui ne sont pas, à la différence de ce que vous faites, des éditoriaux qui affichent la couleur et qui disent : « Moi je prends position, moi je pense que ». C’est des séquences qui sont censées dire : « Le texte est comme ça » et qui cachent plein de choses comme vient de le dire Christelle et...
- Bernard Guetta : [...] quand vous prenez un Traité établissant une Constitution. Déjà c’est compliqué. [...] La posture de l’expert neutre là-dessus je n’y crois pas. [...]. Je ne crois pas que les deux experts que vous venez de nous montrer fassent de la propagande.
- Eric Zemmour : C’est de la pédagogie unique...
- Bernard Guetta : Mais non !
- Daniel Schneidermann : Alors c’est quoi ?
- Bernard Guetta : C’est mission impossible.

Daniel Schneidermann s’apprête à enchaîner sur un autre point. Mais Guetta n’a pas perdu de vue son intention de parler à nouveau de... Guetta : Je peux ajouter encore un mot ? C’est pourquoi moi j’ai choisi une voie complètement différente ».

Et Daniel Schneidermann a beau essayer d’éviter cette nouvelle digression, Bernard Guetta parvient, après moult circonlocutions, à exposer sa méthode, qui n’aurait rien à voir avec celle de ses confrères. Résumé : « Donner des arguments du non pour les réfuter. » Cette pédagogie à sens unique se distingue clairement de la propagande...

Acte IV : L’idéologie, les classes et... Bernard Guetta

Une séquence est alors consacrée aux cris du cœur des journalistes en faveur du « Oui ». Bernard Guetta ayant, à cette occasions, invoqué des « automatismes de langage », pour expliquer les phrases spontanément favorables au « Oui » de certains journalistes de la télévision, Eric Zemmour reprend : Moi, je pense qu’ils ne sont pas de mauvaise foi, ils sont aliénés au sens où on le disait dans les années 70. Il y a une vraie aliénation idéologique de la classe médiatique depuis 20 ans qui, à 80 ou 90 % pense la même chose et ça ressort régulièrement à chaque moment de tension de la société française depuis 20 ans. Et ça tend, avec les moyens modernes de télévision, ça ressemble de plus en plus à de la propagande parce qu’ils pensent tous de la même façon. Ils ne se rendent même pas compte, ils se croient objectifs, c’est ça qui est le plus dangereux. Et après des interruptions confuses : Je pense qu’il y a une idéologie dominante, pour parler clair [...]. »

- Daniel Schneidermann (à Bernard Guetta) : Est-ce qu’il y a de l’aliénation inconsciente ?
- Bernard Guetta : Je n’aime pas votre expression de, comment vous avez dit : classe médiatique, classe journalistique ?
- Eric Zemmour : C’était pour faire comme classe politique mais...
- Bernard Guetta : J’aime pas non plus classe politique. On n’appartient pas à la même classe, on n’appartient pas au même groupe, on n’a pas les mêmes idées politiques. C’est pas parce que vous et moi sommes journalistes, vous au Figaro, moi à France Inter, moi éditorialiste, c’est un peu différent, mais peu importe, que nous représentons le même groupe.
- Eric Zemmour : Je ne suis pas d’accord. Il y a justement une grande uniformisation sociologique...
- Bernard Guetta : Non

Cette dénégation stupéfiante en prépare une autre. Mais reprenons :

- Eric Zemmour : Je ne suis pas d’accord. Il y a justement une grande uniformisation sociologique...
- Bernard Guetta : Non
- Eric Zemmour : ... des journalistes et donc une grande uniformisation idéologique des journalistes. Justement, c’est le grand fait depuis 20 ans, que là vous niez, et d’après moi à tort, justement parce que vous êtes dans l’idéologie dominante. Evidemment, quand on est dans l’idéologie dominante, on pense toujours que c’est pas l’idéologie dominante. Mais ça, c’est un classique depuis deux siècles.
- Bernard Guetta : Alors, écoutez, je vais vous dire : je suis dans l’idéologie dominante, moi ?
- Eric Zemmour : Oui.

Bernard Guetta explique alors qu’en soutenant Gorbatchev il était à contre-courant de l’idéologie dominante. Comme si le moindre désaccord ou la plus petite différence, réelle ou supposée, suffisait à rompre les consensus les plus importants. Comme si les multiples façons de dire « oui » au Traité constitutionnel étaient une démonstration suffisante de pluralisme...

Après un échange sur... Gorbatchev, Daniel Schneidermann reprend : Dans le débat sur le référendum avec les positions que vous prenez, vous vous sentez dans l’idéologie dominante ou pas ? ». Ce qui nous vaut l’échange suivant :

- Bernard Guetta : Je ne pense pas, premièrement, que ce soit une idéologie.
- Daniel Schneidermann : C’est quoi ?
- Bernard Guetta : Non, non. Je dirais que c’est une ambition commune d’une génération.
- Eric Zemmour : Ça s’appelle une idéologie.
- Bernard Guetta : Non ! Pourquoi ? Mais pas du tout.
- Eric Zemmour : C’est les termes mêmes d’une idéologie.
- Bernard Guetta : Mais non, enfin ! Une idéologie, on sait ce que c’est, une ambition, c’est tout à fait autre chose.
- Eric Zemmour : Mais Bernard, l’idéologie, c’est pas mal !
- Bernard Guetta : A mes yeux, si.
- Eric Zemmour : Ah ben non.
- Bernard Guetta : Si. A mes yeux, si.
- Eric Zemmour : Non.
- Bernard Guetta : A mes yeux, si.
- Eric Zemmour : Le génie des idéologies, c’est de se faire passer pour des non idéologies.

On ne saurait mieux dire, en l’occurrence, que le journaliste du Figaro. Les dénégations de Bernard Guetta valent leur pesant de sourires : le lecteur trouvera dans la transcription que nous publierons prochainement ci-dessous la suite des échanges dont nous le privons ici. Mais surtout ces dénégations signalent les croyances partagée savec ses confrères et consoeurs spécialisés dans le commentaire. Un spécialité qui en fait des journalistes hors du commun. Hors du commun des journlalistes, comme on peut le vérifier quelques instants plus tard...

... A l’occasion de la séquence consacrée aux « questions des journalistes ». Ce sont alors les « remous » dans les rédactions (pour reprendre le terme employé par Daniel Schneidermann) qui sont évoqués.

- Daniel Schneidermann : D’ailleurs, c’est un phénomène que l’on observe dans beaucoup de médias, un décalage entre la direction, les rédactions en chef, qui souvent sont favorables au oui et la base des rédactions qui est plus partagée, disons. Je ne sais pas si vous l’avez observé à France Inter ?
- Bernard Guetta : Non mais j’y suis très peu. J’y suis entre huit heures du matin et neuf heures du matin. Je suis en studio. Et ensuite, je pars. Et, à L’Express, j’envoie mon papier par email. Je n’y vais pratiquement jamais. [...]

Le chroniqueur, comme on le voit, n’est pas un journaliste ordinaire. Ainsi ceux qui sculptent l’image du journalisme et qui, le cas échéant, discréditent une rédaction, sont complètement étrangers aux débats qui les traversent.

Epilogue : Bernard Guetta est habité

Dernière séquence. Le décompte des étrangers qui sont intervenus à la télévision donne les résultat suivant : 100 % des étrangers sont intervenus en faveur du oui. Mais plutôt que de se prononcer sur ce point Bernard Guetta choisit de prendre à partie la chroniqueuse d’ASI qui a parlé des propos « exaltés » de Jérémy Rifkin.

- Bernard Guetta : Vous voyez comme c’est facile les dérapages dans le vocabulaire. Rifkin, « exalté par le rêve européen ». Il y a bien une petite nuance d’ironie ?
- Eric Zemmour : C’est mérité.
- Chroniqueuse : Lui-même le joue comme ça.
- Bernard Guetta (à Eric Zemmour, pas à la chroniqueuse) : Vous avez lu son livre ?
- Eric Zemmour : J’ai lu beaucoup de choses de Rifkin et là vraiment c’est mérité. Quand il...
- Bernard Guetta : Je sais pas, je sais pas. Moi j’ai lu son livre que j’ai trouvé très bon.
- Daniel Schneidermann : Qu’est-ce que vous auriez dit ?
- Bernard Guetta : Pardon ?
- Daniel Schneidermann : Si c’est pas exalté, qu’est-ce que vous auriez dit ? Emporté ?
- Bernard Guetta : Habité.
- Daniel Schneidermann : C’est pas très loin.
- Bernard Guetta : Ah non ! C’est tout à fait différent. Si vous me dites que je suis habité par l’ambition européenne, j’assume complètement. Si vous me dites que je suis exalté par l’ambition européenne, ça me plaît pas.
- Eric Zemmour : Mais c’est pas mal aussi l’exaltation de temps en temps.

La modestie et la lucidité aussi...

Répétons-le : Quand Bernard Guetta parle de Bernard Guetta, ce n’est pas lui qui nous importe, ni même les individus qui, pris un à un, opinent de façon similaire, mais les positions sociales qui s’expriment à travers des prises de positions. Et celles-ci traduisent, chez la plupart des commentateurs qui diffèrent surtout par leur degré d’arrogance, une même position de pouvoir : celle des gardiens d’un espace médiatique mutilé, incapable de donner droit de cité à une véritable diversité. Un même pouvoir : un tantinet exorbitant.

Henri Maler, avec Muriel Brandily

[Trancription de Muriel Brandily et David Rambourg]

Voir également : Bernard Guetta célèbre sa propre importance


Ci-dessous : la transcription (quasi) intégrale des propos de Bernard Guetta

 
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Notes

[1« Ce que je dis n’est pas parole d’évangile »], entretien, avec Bernard Guetta, Libération, 30 avril 2005

[2Ajoutée le 12 juin 2005.

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