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L’actualité des médias n°37 (31 janvier au 14 février 2005)

par William Salama,

I. Bonnes nouvelles ?

 Pour les affaires, il semble bien. Bonnes nouvelles ...

Pour les grands groupes médias :
- « Croissance de 8,2 % pour Lagardère Média en 2004  », ses revenus ont progressé de 8,2 %, dopés par les acquisitions sa branche livre (Les Echos du 11 février 2005).
- M6 a annoncé un chiffre d’affaires de 1,192 milliard d’euros, soit une croissance de 1,4%. Ses recettes publicitaires progressent de 4,1% à 598,8 millions d’euros.
- Quant aux revenus de TF1, ils sont en hausse de 3% à 2,8 milliards d’euros.

Pour leurs pourvoyeurs : Publicis a engrangé un revenu de 3,83 milliards d’euros en 2004 avec une croissance organique de 4% sur l’année et Havas a annoncé mercredi une croissance organique de 2% en 2004, « conforme à ses prévisions ».

Au crédit du groupe d’édition « Editis », une hausse de 3 % du chiffre d’affaires (La Tribune, 11 février 2005).

 Pour la crédibilité des médias, c’est moins sûr. Pourtant, le 18ème baromètre sur « la confiance des Français dans les médias » (sondage TNS Sofres pour La Croix, Le Point) [1] indique ceci : pour 53% des Français (on aura traduit : des personnes interrogées, et encore [2]...), la radio est le média le plus « fiable » ; la confiance dans la presse écrite reste stable à 48%, celle de la télévision baisse de 2 points à 45%, et seuls 23% des Français ont confiance dans l’information délivrée sur Internet.

Apprécions cette perfide question, à peine orientée, posée par les commanditaires (de presse payante) aux sondés : « L’interruption de la parution de ces gratuits durant la période des fêtes (faute de recettes publicitaires suffisantes) et leur silence sur l’actualité de ces semaines, notamment le tsunami en Asie de Sud, n’ont-elles pas altéré leur image auprès du public ? » A priori non : 34 % des personnes interrogées déclarent faire davantage confiance à la presse payante, 41 % ne pas faire la différence et 25 % ne pas avoir d’opinion. L’épouvantail de cette année est bel et bien les gratuits dont « l’émergence est acquise » admet Le Parisien (3 février 2005).

II. Publicité et dépendances

 Investissements Publicitaires - La quinzaine des (presque) bonnes nouvelles. C’est la fête, tonitruent nos médias, bien arrosée par ce chiffre de 10,2 % d’investissements publicitaires en sus pour 2004 [3] (18,2 milliards d’euros - une misère), largement alimentée par le secteur des télécommunications (dont les dépenses médias ont bondi de 27,1%), l’automobile (+13%) et la grande distribution (+12,8%). Or tous les médias « n’ont pas profité à parts égales des 18,2 milliards flambés par les annonceurs » tempère Libération (11 février 2005), et, évidemment, seule la presse quotidienne payante en a le moins recyclé alors que les « investissements publicitaires sur les seules éditions parisiennes de 20 minutes et Métro se sont envolés de 58 % »...

 Publicité et service public. Il n’y a pas que TF1 qui fourmille de ressources pour les multiplier (lire « Mesure du temps de cerveau disponible » dans http://www.acrimed.org/article1904.html)... France Télévisions Publicité lance ainsi une nouvelle offre commerciale destinée à ses sites Web : un spot en ouverture des journaux télévisés est rediffusé sur les sites internet france2.fr et france3.fr (CB news 3 février 2005).

 Sédentarité, publicité, obésité. « Télé, jeux vidéo et leur corollaire, la sédentarité, sont les grands pourvoyeurs de surpoids, voire d’obésité chez les enfants dès l’âge de 10-11 ans. On le sait déjà depuis plusieurs années. Mais une nouvelle étude menée en Haute-Savoie, le montre de façon très claire » s’emporte Le Figaro (8 février 2005) qui rappelle que « malheureusement lors du vote de la loi de santé publique, discutée l’été dernier au Parlement, les publicités pour les aliments trop sucrés pendant les programmes destinés à la jeunesse n’ont pas été interdites. »

 Sport et TV (1) : le ski sur la mauvaise pente. Une épreuve de la Coupe du Monde de ski en Italie a été annulée. Motif : les techniciens de la RAI faisant grève, les organisateurs ont craint d’être attaqués en justice par les sponsors pour non visionnage de leurs bienfaits mercantiles. « La riche et tumultueuse histoire des rapports entre la télévision et le sport  » comme le crie au loup L’Equipe (10 février 2005) dans un édito aussi alarmiste que fataliste (« Bormio, pente dangereuse ») ...

 Sport et TV (2) : le football aux enchères. « Les droits TV du prochain championnat d’Europe des Nations de football, l’Euro 2008, qui se disputera en Suisse et en Autriche, seront commercialisés par une agence de marketing (SportFive). [Et] seront maintenant vendus pays [...] en exclusivité à une seule chaîne » [4] (Stratégies Newsletter, 3 février 2005).

Le football est un tel enjeu qu’une étude indique (ou espère) que la télévision haute définition (TVHD), qui « tarde à démarrer en Europe par rapport aux Etats-Unis et au Japon, pourrait recevoir " un coup d’accélérateur décisif " à l’occasion de la Coupe du monde de football de 2006 [...] » (Stratégies Newsletter, 9 février 2005, « selon une étude Bipe/Eurostratégies réalisée pour la Commission européenne »).

Le football est un tel enjeu (bis) que la justice enquête sur Canal + et six grands clubs : elle s’intéresse au versement de 160 millions d’euros par la chaîne cryptée au sujet la retransmission de matchs en exclusivité (détails dans Le Figaro du 10 février 2005).

 Sport et TV (4) : le rugby au cœur de la mêlée. Le comité d’organisation du Tournoi des six nations (rugby) remet en jeu les droits télévisés de la compétition. Une consultation a été lancée en début d’année, à laquelle FranceTélévisions, TF 1, M 6 et Canal + ont participé. « Ce sera la meilleure offre financière qui l’emportera, comme le souligne Jacques Laurans, le président du Comité des six nations  » (Le Figaro Economie, du 11 février 2005). On voit mal France Télévision enchérir ... A ce propos, ô hasard, NRJ, en nouvel opérateur de téléphonie, vient de signer un accord avec ledit Comité des six nations lui permettant une exploitation exclusive de la diffusion sur terminaux mobiles des images du Tournoi.

 Le sport en cheval de Troyes de la TVHD. D’ailleurs, une étude indique (ou espère) que la télévision haute définition (TVHD), qui « tarde à démarrer en Europe " par rapport aux Etats-Unis et au Japon, pourrait recevoir " un coup d’accélérateur décisif " à l’occasion de la Coupe du monde de football de 2006, selon une étude Bipe/Eurostratégies réalisée pour la Commission européenne » (Stratégies Newsletter, 9 février 2005).

II. Audiovisuel

 Audiences - la quinzaine des moins bonnes nouvelles. Les sondages, audimats et autres études de scrutation coulent comme une diarrhée ... En un an, TF1 (à 32,2 %) et M6 (à 12,2 %) ont perdu chacune 0,5 point de parts d’audience, selon des chiffres Médiamétrie. Il n’y a pas péril en leurs maisons, mettant leurs œufs dans d’autres paniers ... Du côté du service public, sur cette même période, France 2 reste stable à 19,7 %, France 5 (7,2 %) et Arte (4,2 %) gagnent des téléspectateurs, tandis que France 3 recule de 0,5 point à 14,8 %.

 Radio - Plan de réaménagement 2006. En vertu de la loi de juillet 2004 sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, le CSA prome(u)t ’’un nouveau plan de fréquences’’. Une révolution à venir selon Le Monde (10 et 11 février 2005 en direct du "Rendez-vous annuel des décideurs indépendants des ondes" », soit : le "Radio !" !). Car évidemment, le CSA lance une consultation (la ‘’transparence’’).

Évidemment (bis), il va falloir suivre de près le lobbying des « opérateurs », pour qui le « réaménagement de la bande FM est crucial. Chacun espère y trouver un peu plus de fréquences. » Mais sachant que la radio publique en occupe actuellement la moitié, (comment) sera-t-elle rognée ?

Et évidemment (ter), pour couronner le tout, on retrouve les sésames de la convergence et du numérique, « le Plan FM 2006 consiste à dépoussiérer la bande FM, le salon Radio ! S’intéresse de plus en plus assidûment au numérique. Utilisée dans la "fabrication" du son, cette technologie pourra apporter du texte ou de l’image avec le son, muscler les voies de transmission, ou être reçue sur les téléphones mobiles.  »

Tiens tiens ... en septembre prochain, RTL annonce offrir à ses auditeurs de France 1 500 récepteurs de radios numériques (sous la forme de gains à des jeux concours - pour lesquels ils faudra certainement appeler à 0.34 d’euros la minute ?) afin de populariser les formes de diffusion numérique (Stratégies Newsletter, 10 février 2005).

 Chaînes infos - CII en 2006 si... Le lancement de La chaîne d’information internationale dépend de Bruxelles, ce qui irrite le Figaro Economie (31 janvier 2005) : « A l’examen depuis des mois, le dossier de la chaîne internationale pousse Bruxelles à poser toujours de nouvelles exigences, que Paris s’efforce d’honorer » Ensuite, « reste à convaincre les journalistes de France Télévisions de travailler avec TF1 » (Libération du 3 février 2005). Si cela flanche, il y aura peut-être CNN¸ en plein repositionnement stratégique (« le président de CNN International, tourne résolument le dos à l’information sensationnelle  »), qui se propose charitablement d’ « aider la future chaîne d’information internationale française si celle-ci lui en fait la demande  » (Le Figaro du 3 février 2005). Et comme un malheur n’arrive jamais seul, L’Express (7 février 2005) croit savoir que Jean-Pierre Elkabbach qui défendait avec tant de passion sa nouvelle chaîne (Public Sénat) est prêt à la lâcher pour cette autre.

Le Figaro du 15 février 2005 confirme le lancement et ajoute Michèle Cotta dans la cour des prétendants.

 Chaînes infos - Le pétrolier Shell sponsorise l’actualité. La chaîne info Euronews lance un programme de discussions en association avec ... Shell qui « combine télévision, presse et Internet pour un face-à-face avec l’actualité », qui propose aux téléspectateurs un « thème de discussion dont ils peuvent débattre », sur le forum du site d’Euronews (Stratégies Newsletter, 1er févier 2005). Quel type d’association ?

 Chaînes thématiques - Autorisation de rachat. Le CSA autorise le rachat de la chaîne TMC par les groupes TF1 et AB avec approbation du ministère de l’Economie (merci à lui). Cependant (connaissant certainement les lascars ?), sous réserve qu’ils garantissent « l’indépendance éditoriale et l’autonomie en matière d’information » (Libération du 14 février).

 Business de la TNT (1) : sondage et études. Un sondage Médiamétrie mis en avant, le 2 février 2005, indique opportunément que « 6 Français sur 10 de plus de 18 ans connaissent la Télévision numérique terrestre (TNT) ». Ce qui réjouira certainement l’électronique grand public ; laquelle, on le sait, mise sur la TNT comme sa future niche dorée, et, via son syndicat (le Simavelec), y va de son petit évangile : « Cette année, 700.000 terminaux destinés à la réception de la télévision numérique terrestre (TNT) gratuite devraient être acquis par les consommateurs français. Un chiffre qui devrait probablement quadrupler dès 2006, selon les estimations rendues publiques hier par les  » (Les Echos, 3 février 2005).

A 100 euros le décodeur, est-elle si gratuite que cela la TNT ? Et d’ailleurs, sur ce créneau, l’opérateur Internet Neuf Telecom annonce d’ailleurs en fanfare (Les Echos, 14 février 2005) intégrer un décodeur sur son modem (ce qui signifie prendre un abonnement chez lui. CQFD).

 Business de la TNT (2) : vers un nouveau retard à l’allumage ? Lancement toujours fixé au 31 mars 2005. Les Français et les industriels devront-ils toutefois encore patienter ? Suite à l’annulation des autorisations de 6 chaînes de Canal + et Lagardère en décembre dernier (lire nos éditions précédentes), il en manquait donc. Or, depuis le 15 février 2005, il en manque désormais d’autres : les chaînes Comédie !, Cuisine TV et Match TV se désistent, en raison des coûts de diffusion trop élevés à leur goût.

De fait, le CSA a dû repousser, pour la quatrième fois depuis le début de la saga, la date de clôture de l’appel aux candidatures des fréquences de la TNT (initialement prévue le 18 février 2005). De nouvelles prétentions se sont déclarées : Nextradio (holding de BFM et de RMC) ; Lagardère et France Télévisions qui ont annoncé s’associer pour proposer une chaîne jeunesse destinée à l’offre gratuite de la TNT) (Correspondance de la presse 7 février 2005). Une chaîne que contrôlerait Lagardère à hauteur de 49% quand France Télévisions en prendrait « 20% » à « 34% ».

 Fonds d’investissements et câblo-opérateurs. « Cinven organise la fusion du câble de Canal+ et de France  » titrent Les Echos du 9 février 2005. Le fonds d’investissements, à peine pris les réseaux de France Télécom Câble (FTC), puis de NC Numéricâble (NCN) et, enfin, de TDF Câble, a notifié le 28 janvier son projet à la Commission européenne pour que celle-ci le « valide ou non » dans les deux mois. Un « non » peu probable lorsque l’on sait que Cinven a préparé à l’attention de la Commission un document « consacré à l’analyse de la position concurrentielle du nouvel ensemble », si bien chiadé et embrouilleur qu’il servirait de référence aux apprentis lobbyistes.

 Convergence Télé et mobile - M6 signe, Canal + étudie le territoire. Après NRJ (voir plus haut), à son tour « M6 a signé un "accord de partenariat" avec Orange ». Ils lanceront une offre commerciale pour « séduire les jeunes ». Puis une fois rôdé, M6 deviendra ensuite un opérateur à part entière : car « on ne s’improvise pas téléphoniste » - on se maque avec eux ? - selon Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6 (La Tribune du 11 février 2005).

Enfin, Les Echos du 14 février 2005 nous apprennent que « Le groupe Canal+ a demandé, en janvier, au CSA, une licence expérimentale de TV sur les mobiles » avec une technologie dérivé de la TNT. Après des tests, le but est de savoir comment le consommateur sera bouffé : « Faut-il privilégier le paiement à l’acte ou bien opter pour un surplus à l’abonnement au téléphone mobile et à la télévision payante ? Une autre expérimentation est en préparation, menée par TDF, tous les groupes audiovisuels et tous les opérateurs mobiles ».

III. Presse écrite

 Kiosquiers - Mesures de désengorgement. On imagine leur bonheur : « Après des mois de négociations, les 1 500 éditeurs des 4 000 titres qui peuplent les magasins de presse ont adopté un ensemble de mesures par lesquelles ils s’engagent à raison garder.  » Raison garder... En effet, ces mesures visent à « soulager les marchands de journaux qui, dans un magasin moyen, cohabitent avec 6 000 exemplaires de journaux ! » (Libération, 1 février 2005).

 Fonds d’investissements - De l’importance du contrôle de la presse économique. Artemis - une holding financière appartenant à 100% à la famille Pinault (Le Point, la Fnac, le Printemps, la Redoute, Gucci, l’équipe de football du Stade rennais ... et en procès sur l’affaire d’Executive Life) - a pris le plein contrôle du quotidien financier L’Agefi.

 Presse quotidienne régionale - Yalta à l’Ouest. Le groupe France Antilles [5] « cherche un partenaire » pour ses journaux normands (Paris Normandie, (Le Havre-Presse et le Havre Libre).

Sur le coup, Le Figaro du 9 février 2005, donnait le groupe Ouest France prétendant, en ce sens que cela lui aurait permis d’asseoir « son installation en Normandie ». Mais, depuis son accord de principe sur le rachat du pôle Ouest de la Socpresse (Le Courrier de l’Ouest, Presse Océan et Le Maine Libre) en date du 11 février 2005 (AFP), rien n’est moins sûr... En tous cas rien de nouveau.

Resterait donc en lice, le groupe Amaury (Parisien, L’Equipe, Tour de France, Paris-Dakar), déjà présent « en zone limitrophe de la Haute-Normandie » (l’Oise) qui « pourrait avoir intérêt » (sic) à étendre sa zone « d’influence » (re-sic) plus à l’Ouest. Sinon, il y aura toujours des « médias étrangers pour « mettre un « pied » en France » (Le Figaro du 9 février 2005).

Le fait est que France-Antilles (appartenant à la Comareg) cherche à se développer ailleurs (et par ailleurs) « en médias locaux qu’ils soient gratuits ou payants, en presse écrite ou en télévision locale », selon Frédéric Aurand, son dirigeant (Le Figaro Economie, 31 janvier 2005). Et il est donc en quête de fonds de roulement, ce à quoi il s’emploie (lire la suite).

 Presse gratuite. Le phénomène gratuit auquel Le Nouvel Observateur (9 février 2005) consacre un bon gros dossier - « Voyage dans les journaux gratuits » (lien périmé, décembre 2013) - n’est plus un phénomène, mais une réalité économique (lire plus bas ‘’Baisse de la pagination en PQN et prix du papier’’). Et ipso facto un investissement stratégique. Quelques informations :

- Cession - Metrobus (du groupe Publicis) qui détient 55 % d’A nous Paris (l’hebdo gratuit de la Ratp en situation fragile) a décidé de céder sa participation majoritaire. La Comareg qui veut se concentrer notamment sur son Paru Vendu (devenu concurrent d’A nous Paris) devrait logiquement vendre ses 15 %. Le groupe Métro souhaitant, lui, profiter du réseau de distribution de la Ratp et Roularta (actionnaire à 30 %), est preneur (Les Echos 08 février 2005).
- Segmentation - La société de production Extro développe un projet de quotidien gratuit consacré à la télévision (lettre Satellifax, 8 février 2005).
- Extension - Face à Métro, 20 Minutes va lancer une édition à Nantes début mars, à 30 000 exemplaires en partenariat éditorial avec ... Ouest-France (Le Figaro Economie, du 31 janvier), qui ne crache pas sur les gratuits et pour cause : il est « indirectement actionnaire de la société d’édition de 20 Minutes ». En effet, 20 Minutes est détenu à 50 % par le groupe Sipa, éditeur d’Ouest-France, via Sofiouest (25%) et SPIR Communication (25%).

 Presse spécialisée - Les fonds à fond dans leur logique. A propos du plan social « brutal » à L’Usine Nouvelle (lire L’actualité des médias n°36 (1er au 30 janvier 2005) et L’Usine nouvelle et ses (quo)tas de mots à produire), Libération du 31 janvier 2005 rappelle le sans faute : « En juillet 2002, trois fonds d’investissement (Cinven, The Carlyle Group, Apax Partners) rachètent la totalité de la branche de presse professionnelle de Vivendi Universal [6] et la rebaptisent Aprovia. Quatre filiales sont créées : Gisi, le groupe Test, France Agricole et le groupe Exposium, organisateur de salons professionnels. A l’époque, seule la branche Test perdait de l’argent. Dans la foulée, les trois investisseurs rachètent le groupe du Moniteur, puis le revendent un an après, réalisant une plus-value. En fin d’année dernière, c’est au tour du groupe France Agricole d’être cédé. Ne reste donc plus que Gisi, Test et Exposium. "L’opération de reprise d’Aprovia est déjà rentabilisée. Alors, avec la vente de Gisi, ils veulent surtout du gras. On nous parle de la crise de la presse, mais ce que l’on voit c’est surtout l’appétit des fonds d’investissement. C’est qu’il y a bien de l’argent à se faire", dit Jean-Pierre Vernay, de la CGT. »

  Le Monde cède un bijou de famille et se renfloue tout azimuts. Le groupe La Vie/Le Monde a décidé de dégager la très ancienne maison d’édition Desclée de Brouwer rachetée avec les Publications de la Vie Catholique fin 2003 ( chiffre d’affaires de 6 millions d’euros - de quoi boucher un petit trou). Albin Michel pourrait l’acquérir.

« En quatre ans, le Monde aura tout de même (sic) perdu plus de 100 millions d’euros » rappelle La Tribune du 3 février 2005 annonçant que « Sauf accident de dernières minutes, Lagardère doit apporter en direct et en cash 25 millions d’euros tandis que sa filiale Hachette Filipacchi Médias (HFM) échangera ses 10 % dans les Journaux du Midi contre une participation dans Le Monde SA pour 10 millions d’euros ». Tout cela fleure bon l’indépendance, dont se gargarisent les responsables éditoriaux de tous les quotidiens [7].

 L’indépendance selon Libération . « Le groupe l’Alsace-le Pays, dont le siège est à Mulhouse, est l’un des rares groupes de presse indépendants dans le paysage de la presse quotidienne régionale française. Fondé à la Libération par des résistants, il est aujourd’hui détenu à 80 % par le Crédit mutuel, Hachette (15 %) et les héritiers des actionnaires historiques (5 %) se partageant le reste du capital. » (Libération, 10 février 2005).

Si ça c’est de l’indépendance, on comprend que Serge July puisse écrire dans le droit de réponse publié par Le Monde du 11 février : « Si l’équipe de Libération a voté à plus de 60 % en faveur de cette augmentation de capital réservée à Edouard de Rothschild, c’est justement parce que cet accord consolide l’indépendance, en donnant au journal les moyens de son développement » [8].

  Le Figaro « se lit de père en fils » et se modernise tranquillement. Sa maison mère (Socpresse) qui cède le pôle Ouest (voire plus haut), après Paris-Turf et supprime le supplément Entreprises du Figaro, promet à ce dernier une nouvelle formule à la rentrée « pour conquérir de nouveaux lecteurs ». Maître d’œuvre : Nicolas Beytout, appelé à la tête du quotidien pour « le moderniser, le développer et le rentabiliser ». Sous l’autorité de Serge Dassault qui va investir dans une belle imprimerie (La Tribune, du 4 février 2005) [9].

Notons que pour Francis Morel directeur général du quotidien, le lecteur du Figaro est "extrêmement fidèle et le lit souvent de père en fils", Conservateur de père en fils ? C’est assez logique...

Le Figaro, Morel, Beytout, Dassault et Duval (l’ex-président de la régie du quotidien) ... Marianne (12 février 2005) leur a consacré un très intéressant dossier (sur lequel nous reviendrons), « La face cachée du Figaro », d’ailleurs signé par Philipe Cohen ... co-auteur de « La face cachée du Monde » [10] et sur lequel nous reviendrons...

 Baisse de la pagination en PQN et prix du papier. Un autre donnée sur la crise de la presse quotidienne : « Alors que la plupart des quotidiens font face à une situation économique difficile, ils doivent également affronter une hausse du prix du papier »- se plaignent Les Echos du 1er février 2005. On voit le problème : la hausse du prix du papier risque de pousser les journaux à réduire leur pagination. Conséquence ? Moins d’espace rédactionnel, mais aussi moins d’espaces pour accueillir la manne des publicités ?

Pour information, deux familles de la presse magazine se gavent à plus de 1000 pages sur un mois : la presse TV (+ 170 pages), la presse féminine (+ 44 pages) et la presse décoration (+ 39 pages) (Stratégies Newsletters, 10 février 2005).

IV. Résistances

 Radio France. Après la pression mise sur les salaires (lire L’actualité des médias n°36 (1er au 30 janvier 2005)). Une semaine est passée, et le 6 février 2005, Le Monde annonce en titre : « Accord sur les salaires à Radio France  », présentant comme un événement que « Jean-Paul Cluzel, président de Radio France, est venu lui-même signer cet accord ». Dieu le père lui-même a fait l’effort ? Dont acte ? Pas si sûr ... La dernière partie de l’article est moins définitive que son lancement : « Le SNJ-CGT, notamment, n’a pas, pour l’heure, signé cet accord  », et « le SJA-FO n’était pas présent à la séance de jeudi », « direction et syndicats vont aborder la question de ces disparités salariales  » A savoir, « le dossier des précaires » non résolu... Conclusion « Le printemps social de Radio France promet d’être dense.  ». CQFD (5 février 2005).

 Intermittents : Le Figaro appelle les employeurs à faire le ménage. Rapport de la Dilti : « Les infractions les plus fréquemment relevées dans les entreprises de spectacles vivants sont la fraude aux indemnités de chômage et le faux statut, ainsi que l’activité non déclarée (17% des fraudes). Dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, c’est l’abus de contrat à durée déterminée d’usage (39%), la non déclaration de salarié (31%) et la fausse sous-traitance (9%) qui occupent les premières places du palmarès. »

On relèvera donc avec intérêt l’entame de l’article du Figaro (« Fraudes et détournements minent le régime des intermittents », 10 février 2005) qui relaye le rapport : « Pour remettre à plat le système des intermittents du spectacle, les professionnels vont devoir faire le ménage dans leurs rangs. » Autrement dit : le sort des intermittents (qui passe par la renégociation de leurs conditions du régime d’assurance chômage) est, non seulement suspendu aux abus des patrons, mais désormais au temps qu’ils consacreront à leur « ménage », s’ils le font.

 Appel à la grève à France 3. [11] Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la CGT de la rédaction nationale de France 3 ont indiqué, dans un communiqué publié jeudi à Paris, avoir rompu les négociations avec la direction et maintenu l’appel à une grève de 24 heures le 15 février 2005. " Notre rédaction est en trop mauvais état pour que des organisations syndicales responsables puissent négocier des bases d’avenir alors que le présent est sous hypothèque ", ont déclaré le SNJ et la CGT.

V. Et pour finir : un peu d’indépendance...

 Les étranges méthodes de la communicante. Fin août 2003, les pressions exercées sur l’AFP par la directrice du Service d’information du gouvernement (SIG), Françoise Miquel, suscitaient une certaine émotion (lire "Raffarin rêve de médias policés" et Pressions sur les journalistes : "Canicule et hibernation" (SNJ)) [12]. Le Canard enchaîné du 19 janvier 2005 apporte quelques informations sur les pratiques de cette protégée de Raffarin. Après avoir rappelé que « son arrivée à la tête du SIG en 2002 avait été saluée par une grève du personnel, qui la jugeait trop autoritaire », l’hebdomadaire révèle que « fin 2004, elle a réussi le tour de force de faire condamner l’Etat pour harcèlement moral au travail ». Les faits examinés par le tribunal administratif de Paris, « remontent à 1998-2000, lorsque Françoise Miquel n’était que sous-directrice de la com’ au ministère de l’Economie ». Une secrétaire était son « souffre-douleur : insultes répétées, humiliations en public, tâches ingrates... ». Auparavant, une autre secrétaire avait déjà eu à subir les curieuses méthodes de Mme Miquel, qui « lui avait tapé la tête avec un livre » selon « un rapport administratif », que conteste la directrice du SIG. Interrogée par Le Canard, elle prétend ne rien savoir des faits qui lui sont reprochés et de la condamnation prononcée par le tribunal : « Je tombe de l’armoire ». « Du moment qu’elle ne tombe pas sur une secrétaire... », conclut l’hebdo [13].

 Commissionde Réflexion sur la Concentration des Médias. Le Nouvel Observateur (10 février 2005) dont le rédacteur en chef a lancé un appel opportun et opportuniste, et dont nous avons déjà rendu compte ici même [14] salue pourtant dans sa rubrique « A bien mérité » (officiellement « en hausse ») le très institutionnel Alain Lancelot, nommé officiellement lors du Conseil des ministres du mercredi 9 février 2005, « président de la Commission de Réflexion sur la Concentration des Médias. Cette nouvelle instance annoncée par Jacques Chirac a pour mission, entre autres, d’examiner le dispositif actuel de régulation des médias. »

 
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Notes

[1Comme chaque année à la parution de ce " baromètre ", (re-)lire ici-même L’arroseur arrosé (1) : le "baromètre" sur les Français et les médias et L’arroseur arrosé (2) : le "baromètre" sur les Français et les médias , par Patrick Champagne et Henri Maler (note d’Acrimed).

[2Voir notre rubrique rubrique 40 (note d’Acrimed).

[3Selon le bilan annuel établi par TNS Media Intelligence, lire le dossier de Stratégies (9 février 2005) pour tous les détails.

[4L’UEFA, espère empocher plus de 600 millions

[5Lire Ce qu’il reste de l’empire Hersant : France Antilles . Dirigé par Philippe Hersant, un des fils de feu Robert Hersant, fondateur du groupe Socpresse (grosso modo 70 titres), racheté en 2004 par Serge Dassault (voir Hersant et Dassault). Le département « presse payante » de France Antilles comprend trois divisions : la Normandie, les Antilles et l’Est de la France. Cette dernière région est particulièrement rentable. France-Antilles y édite L’Union de l’Ardennais et détient des participations minoritaires mais stratégiques dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace et L’Est républicain (Le Figaro Economie, 31 janvier 2005).

[7Voir nos rubriques Le groupe Le Monde et Pieuvres transnationales : Le groupe Lagardère (note d’Acrimed).

[9Voir Hersant et Dassault (note d’Acrimed).

[10Voir rubrique 204 (note d’Acrimed).

[11Voir France 3, la chaîne des régions... (note d’Acrimed).

[12Rappel-qui-n’a-bien-sûr-rien-à-voir : le personnel du siège de l’Agence France-Presse était en grève le 1er février 2005 sur les fils « France », pour demander la transparence sur les salaires de la hiérarchie et le respect d’accords conclus en octobre (voir la rubrique Agences de presse).

[13Par arrêté paru le 31 mai 2005 au Journal officiel, Françoise Miquel a été " confirmée dans ses fonctions " de " chef de la mission de contrôle économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision " (La Correspondance de la presse, 1er juin 2005) (note d’Acrimed, 2 juin 2005).

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