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Note de lecture : L’épopée alsacienne du Dreyeckland, par Jocelyn Peyret

par Henri Maler,

Le livre de Jocelyn Peyret, L’épopée alsacienne du Dreyeckland, 1970-1981 une décennie de luttes écologistes, citoyennes et transfrontalières [1] mérite la brève note de lecture que nous proposons ici.


Au sud de l’Alsace, le pays des trois frontières (France, Suisse et Allemagne) d’où vient son nom – Dreyeckland signifie mot à mot « Triangle pays » – a connu pendant une dizaine d’années d’importantes luttes écologiques et une véritable guerre des ondes.

De ces luttes, l’auteur propose un récit détaillé - « L’Alsace, un laboratoire de luttes » (p. 21-118) – nourri de nombreux documents, témoignages et entretiens avec les principaux acteurs : le récit détaillé des combats menés en Alsace et outre-Rhin, contre les centrales nucléaires – à commencer par celle de Fessenheim –, mais aussi contre l’implantation d’usines chimiques. Notre propos n’est pas ici de résumer ou de restituer ces très riches rappels et évocations d’actions souvent illégales et très majoritairement non-violentes, et encore moins de nous prononcer – ne serait-ce que rétrospectivement – sur leurs cibles ou leur légitimité : leur discussion ne relève pas, à proprement parler, de la critique des médias.

Or ces luttes ont été favorisées et soutenues par des journaux indépendants [2], puis par des « radios pirates ».

Ce fut le cas dans le Dreyeckland de Radio Verte Fessenheim (RVF) : une radio née en 1977 contre l’implantation de la centrale nucléaire, à laquelle est consacré principalement un chapitre – « La guerre des ondes » (p. 119-207) – qui couvre près de la moitié du livre de Jocelyn Peyret. Ce dernier inscrit l’épopée de cette radio dans la longue histoire de la radio et plus précisément dans celle des radios pirates [3]. Radio Verte Fessenheim fut l’une des premières d’entre elles.

Une épopée, en effet, dont les épisodes font l’objet d’un récit circonstancié, conforté par de très nombreux témoignages des acteurs et témoins impliqués ou directement concernés : un récit dont la richesse et la précision défie toute tentative de le résumer [4].

Après l’élection de François Mitterrand en 1981, et alors que se prépare la « libération des ondes », Radio Verte Fessenheim arrête d’émettre et laisse la place à une nouvelle radio : Radio Dreyeckland qui, quelques années plus tard, deviendra une radio commerciale.

Une histoire ancienne ? Ce livre n’est pas seulement un livre de mémoire et d’hommage rendu à de courageux pionniers. Il est encore moins un ouvrage de commémoration. Il rappelle, à ceux qui seraient tentés de l’oublier ou de le négliger, à quel point le combat pour la liberté de l’information est un âpre combat toujours recommencé. Il confirme que des médias indépendants et associatifs sont indispensables aux mobilisations et, plus largement, à une information de proximité qui brise le monopole des médias dominants, y compris à l’échelle locale et régionale [5]. Les supports sont multiples et à l’ère du numériques, ils se sont diversifiés, mais ces médias, garants d’un effectif pluralisme, remplissent des missions de service public

Henri Maler


Petite bibliographie (acritique…) sur les radios libres

Par ordre chronologique :

- Radio Alice, Radio libre, Collectif A / Traverso, Laboratoire de sociologie de la connaissance. Jean-Pierre Delarge, 1977 ;
- Les radios libres, Collectif radios libres populaires, Petite collection Maspero, 1978. ;
- Claude Collin, Écoutez la vraie différence : Radio verte Fessenheim, La Pensée sauvage, Paris, 1979 ;
- La radio ? Mais c’est le diable !, Collectif, 1979 ;
- Libres antennes, écrans sauvages, Autrement, n°17, 1979 ;
- Claude Collin, Ondes de choc, L’Harmattan, 1982 ;
- Annick Cojean & Frank Eskenazi, La folle histoire des radios libres, Grasset, 1984 ;
- Jean Benetière & Jacques Soncin, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, 1989 ;
- Daniel Lesueur, Pirates des ondes. Histoire des radios pirates au XXe siècle, L’Harmattan, 2002 ;
- Thierry Lefebvre, La bataille des radios libres, 1977-1981, Nouveau Monde, 2008.

 
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Notes

[1Jérôme Bo Bentzinger éditeur, 192 p., 21 €.

[2Parmi les plus importants, on peut citer :
- La Gueule ouverte, mensuel fondé en novembre 1972 par Pierre Fournier, devenu hebdomadaire à partir de 1974, avant de fusionner en 1977 avec l’hebdomadaire Combat non violent et de cesser de paraître en mai 1980 ;
- Klapperstei 68, mensuel alsacien qui a fait l’objet dès 1972 d’un ouvrage de Jean-Pierre Sallent intitulé Klapperstei 68 : presse libre, la mémoire du peuple, (réédité en fac-similé par J. D. Bentzinger, Colmar, 1995) ;
- Uss’m follik, un hebdomadaire publié à Strasbourg (1972-1983).

[3Voir une petite bibliographie en « Annexe »

[4Pour une rapide évocation de l’histoire de cette radio, on peut se reporter au site « 100 ans de radio ». Mais cette évocation ne remplace en rien la lecture du livre.

[5La « Coordination permanente des médias libres » réunit un grand nombre de ces médias : nous y reviendrons.

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