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Les tripatouillages du Le Monde (2) : « Réflexions sur un journalisme ordinaire »

par Serge Halimi,

Une lettre à Daniel Psenny, journaliste du Monde, chargé d’« informer » les lecteurs de ce journal sur l’Observatoire Français des médias.

Monsieur,

Vous m’avez appelé, le 21 novembre 2003, pour me faire part du caractère, selon vous « intéressant  », de mon intervention au cours du Forum social européen, le 13 novembre précédent. A défaut d’un entretien, que je ne vous ai pas accordé, vous souhaitiez au moins rendre compte de cette intervention dans vos colonnes. Elle avait en effet pour thème « Critique des médias et critique dans les médias », un sujet sur lequel vous acheviez un article. Je vous ai donc envoyé ce texte, disponible sur le site d’Acrimed [1] dont une version plus complète paraîtra très prochainement aux Presses de l’Université de Liège.

Vous imaginez donc mon émerveillement - car, décidément, Le Monde peut encore me surprendre - quand, dans votre article du 9 décembre dernier [2], j’ai découvert que le propos de 2700 mots environ que vous jugiez " intéressant " avait été ramené à huit mots (en comptant le " de " et le " la "), eux-mêmes tronçonnés en trois morceaux. Je cite : " ogre médiatique ", " question de la médiatisation " et " militants anticapitalistes. " De ce tripatouillage, vos lecteurs, dont vous méprisez depuis longtemps l’intelligence et le discernement, ne sauront rien sans doute dans vos colonnes. Je n’y sollicite plus de droit de réponse depuis que j’ai été instruit, à plusieurs reprises, comme beaucoup d’autres, de l’usage que vous en faisiez. Toutefois, les centaines de milliers d’entre eux qui ont la sagesse de s’informer sur l’information en lisant autre chose que Le Monde compareront utilement l’original de mon intervention et ce que votre scrupuleuse honnêteté en a retenu.

Dans votre article, vous évoquez également PLPL. Pourtant, comme vous le savez très bien, ce journal n’est pas partie prenante de l’Observatoire français des médias, objet présumé de votre « enquête ». Que certains de ses membres y collaborent ou le lisent n’est pas davantage proscrit que la participation à la rédaction du Monde diplomatique, ou même la lecture (parfois éprouvante) du Monde. Un peu comme votre quotidien, mais de manière beaucoup plus consciente sans doute, PLPL mêle d’ailleurs les registres de l’information et de la distraction.

Au cours de notre conversation téléphonique, vous n’avez en tout cas jamais évoqué cette question de PLPL avec moi. Cela vous eût épargné quelques " erreurs ". Dans le cas d’espèce, l’information destinée à vos lecteurs - ou les règlements de compte de votre directeur de la rédaction dont j’ai cru deviner la plume un peu lourde - ajoute à la citation détachée de son contexte, tronquée, ou falsifiée (malgré les guillemets dont votre médiateur disait qu’ils étaient sacrés), l’usage immodéré de l’auto-plagiat ou du remplissage : vous reprenez en effet très exactement contre PLPL les termes et l’esprit d’un encadré, non signé lui aussi, déjà paru dans Le Monde du 26 février 2003. C’est-à-dire à une époque où, plutôt que l’Observatoire français des médias, qui n’existait pas, il vous fallait, vous vous en souvenez sans doute, disqualifier par voie d’association acrobatique Pierre Péan et Philippe Cohen. Votre directeur de la rédaction a admis récemment que votre réussite en la matière avait été inférieure à ses espérances.

Je relis avec ravissement « Le livre de Style du Monde » complétant ainsi grâce à vous la recension déjà épaisse des manquements réguliers (Pinault, etc.) que vous y apportez.

Je vous souhaite une très belle carrière.

Serge Halimi

 
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Notes

[2« Les débuts hésitants de l’Observatoire français des médias »

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