Accueil > Critiques > (...) > France 3, la chaîne des régions...

France 3 Ouest à Deauville : « Tu finiras sur les planches »

Le 25 juin, deux bonnes poignées de grévistes de France 3 Ouest se sont rendus à Deauville, là où les cadres de la chaîne étaient en train d’appliquer la méthode qu’ils préconisent à leur base, à savoir : faire des économies (lire : « Le personnel de France 3 Ouest manifeste à Deauville »).

Mépris social garanti. Compte rendu d’une manifestation qui s’est achevée sur les planches qui couvrent une large part de la plage de Deauville [1].

Plusieurs centaines de cadres étaient donc réunis à Deauville pour la modique somme de 690 000 euros (somme non démentie) pour leur convention annuelle. Ils avaient besoin d’être entre eux... pour évoquer des problèmes communs.

Nos grévistes, eux, avaient besoin de voir leur hiérarchie pour évoquer ces mêmes problèmes d’économies. C’est bien la première fois que base et sommet partagent les mêmes soucis. Les salariés de France 3 Ouest étaient donc là, pour évoquer : la fermeture de plus de deux mois cet été de certaines stations locales de France 3, la fermeture pendant deux semaines pour cause de JO (Jeux Olympiques), le flou des programmes de la rentrée, le plan de développement 2008, l’avenir des contrats précaires des CDD.

Car la base ne comprend pas toujours tout. Comment comprendre, alors que l’on parle d’économies, qu’on dépense 690 000 euros pour une réunion ? Comment le personnel peut-il être convaincu par le plan de développement annoncé, alors que la chaîne ferme des stations l’été. Pour se développer en 2008, faut-il fermer en 2004 ? Et toutes ces fermetures entraîneront l’annulation de contrats de CDD. A France 3, la précarisation de l’emploi continue.

Pour toutes ces raisons donc, le voyage à Deauville fut programmé (sans sponsors, bien entendu).

Arrivés sur place, nos grévistes (qui en étaient à leur quatrième jour de grève en trois semaines) rencontrent debout dans un couloir spacieux du centre international le Directeur de France 3 Ouest et le directeur des ressources humaines. Cordial, poli, tout le monde se tient bien. « C’est pas ma faute, c’est le national ! » [2]. En gros, tel est le message du notre direction régionale. Quant aux CDD, « c’est fort heureusement que les contrats sont annulés » , se félicite le directeur régional. « C’est pour cela que nous fermons. En deux mois, j’économise 600 jours de travail ». On avait d’abord cru que la question avait été mal comprise. Mais non, pas du tout !

Qu’à cela ne tienne, après 1h30 de discussion, on en est au même point. Normal puisque « c’est pas moi, c’est l’autre ».

« On n’a quand même pas fait 300 bornes, pour voir le directeur qu’on croise tous les jours dans les couloirs à Rennes. Puisque c’est pas lui qui prend les décisions, allons voir ceux qui les prennent ».

Mais on n’entre pas comme ça au Centre international de Deauville, le prestigieux CID. Même les toilettes ont été refusées. « Il faut aller sur la plage. Il y a des toilettes là-bas ! ». (sic)

Nous parvenons malgré tout à faire passer un message au « directeur de nous-mêmes », à savoir les ressources humaines que nous sommes. « Non, non, personne ne vous recevra »... nous dit-il.

Notre insistance aura raison de sa patience et de sa courtoisie. Le secrétaire général de l’antenne et le directeur adjoint en charge des programmes régionaux consentent à nous rencontrer, là, devant les portes du CID, après leur réunion. Mais pouvaient-ils faire autrement ?

Avant cette rencontre, ils seront plusieurs dizaines de cadres à sortir sans nous voir, à nous frôler sans nous sentir, nous pauvres pékins avec nos banderoles qui ne méritaient même pas un regard de leur part. Il y avait des gens connus comme E. L. ou encore U. G., des journalistes, comme nous... Enfin, pas vraiment ! Bref, des tas de gens qui, pas un instant, pas une minute, pas une seconde, ne prendront la peine de venir nous voir et discuter avec nous qui sommes dans la même maison, mais pas au même étage. Nos problèmes, visiblement, ne les concernent pas. En deux jours, ils en auront dépensé des contrats de CDD (2 828 journées de contrats d’un salarié intérimaire, soit 16 années de travail).

Enfin, ils arrivent, souriants, vers nous, souriants de même. Le directeur adjoint en charge des programmes régionaux et le secrétaire général de l’antenne, déjà cités.
Les questions fusent. Les réponses aussi.
Q : « Pourquoi on ferme certaines stations plus de deux mois cet été ? »
R : « Tu n’as pas le droit de poser cette question. Elle est idiote. »
R : « Ah non, toute question a le droit d’être posée, tout dépend de la réponse que tu nous donneras. »
Q : « Et pour les CDD et les contrats annulés ? »
R : « Si je comprends bien, vous voulez que les programmes soient faits par des non-permanents ? » Grandiose.
Voilà le ton de l’échange qui nous apprendra une chose : ce n’est pas la direction nationale qui décide des fermetures, mais la direction régionale !!! Ce n’est pas tombé dans les oreilles de sourds. Mais selon nos hiérarques, il est normal de fermer l’été. « La presse écrite a une pagination réduite l’été, pourquoi pas nous ? Il y a moins d’information. De quoi vous plaignez-vous ? »

C’est vrai, quoi. De quoi on se plaint ? On veut rester ouvert l’été pour que des CDD aient du boulot. On défend notre outil de travail. Mais on passe pour des emmerdeurs, limite ringards incapables de s’adapter. Parce qu’en fait France 3 a vu son audience baisser à cause de “La Ferme“ sur TF1. Il faut donc rétablir l’équilibre et réajuster la grille qui avait déjà été réajustée en septembre 2003. « Il faut faire de l’audience, merde quoi !!! Vous ne comprenez donc pas ? » Si, on a bien compris que notre grille doit s’adapter sur celle de TF1. C’est clair. Vive le service public.

Voilà... On en a gros sur le cœur, sur la patate. Mais la frite on l’a toujours. Histoire de nous remonter le moral, on a tous fini sur les planches avec nos banderoles, pour la photo souvenir.

Rien que pour cela ça valait le coup.

Quelques enragé(e)s de France 3 Ouest
Juillet 2004

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1De visu, sur le site de l’Office de tourisme de Deauville (lien périmé) (Note d’Acrimed) !

[2C’est la teneur des propos tenus qui est rapportée, ici et dans la suite. Non la lettre.

A la une

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.