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Vol Egyptair : « Ne pas céder au journalisme de sensation au mépris du journalisme d’information »

par Vinciane Jacquet,

Nous mettons en ligne, avec l’aimable autorisation de son auteure, un billet publié le 20 mai par la photojournaliste Vinciane Jacquet, basée au Caire, sur son compte Facebook. Un témoignage trop rare des contraintes auxquelles les chefferies éditoriales soumettent « leurs » journalistes, exigeant qu’ils et elles s’inclinent face aux logiques sensationnalistes, au détriment de la qualité de l’information. Un témoignage qui rappelle aussi que les journalistes qui refusent de se soumettre à ces contraintes s’exposent à des pressions et des représailles, à l’instar de Vinciane Jacquet, « remerciée » par Le Soir suite à son refus d’obtempérer, et méritent tout notre soutien (Acrimed).

Aujourd’hui, je ne suis plus la correspondante au Caire du journal Le Soir. Hier, suite à la disparition de l’avion Egyptair entre Paris et Le Caire, on m’a demandé de ne pas proposer d’article « factuel », mais d’insister sur la « tristesse des familles » et de parler (remettre en cause) la sécurité de la compagnie aérienne égyptienne. J’ai refusé en expliquant n’avoir eu aucun accès aux familles (elles ont refusé de parler aux médias), puis que, la cause de l’accident n’étant pas connue (nous n’avons même pas d’indices), je ne pouvais accuser ni suggérer la responsabilité d’Egyptair. Aujourd’hui, on me « remercie ». Je ne suis pas « opérationnelle ». Soit.

Dans ce temps où les gens accusent les journalistes de mentir, d’amplifier, de maquiller, de couvrir les responsables, bref, ne leur font pas confiance, j’ai décidé de dire non, et de ne pas céder au journalisme de sensation au mépris du journalisme d’information et de son éthique. Et tout ça, si j’ose le dire, pour un salaire dérisoire. Je ne le regrette pas, j’en suis même fière. Ce genre de demande de leur part, insister sur « l’excitation » plutôt que sur les faits, n’était pas une première, mais concernait des sujets moins graves et où j’ai donc « laissé couler ».

Il est primordial que nous, journalistes, freelance ou pas, sachions dire non et nous souvenions que nos mots, nos angles, peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur les individus. Il est primordial que nous soyions ceux qui restaurions la confiance perdue des lecteurs. Les rédactions ne le feront apparemment pas, ou peu.

Longue vie au journalisme d’information.



Vinciane Jacquet

 
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