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03. Guerre contre l’Irak

France 2, 19 mars : impressions d’un soir

par Lucas,

Tant de silence, comme un désert à franchir maintenant, et dont j’ai assez peur " (Bernard Noël à Georges Perros, Correspondance, p. 57).

La question de la qualité (objectivité ? Fidélité ?) de l’information télévisée en ces temps de guerre se pose à peine. Car il ne s’agit pas vraiment, pas seulement, d’information. Chacun peut le constater : la stratégie des JT n’a pas pour finalité d’informer, de nous éclairer sur notre monde en pleine ébullition, de nous apprendre quelque chose qui soit généralisable, de révéler quelques connexions jusqu’ici inaperçues, encore moins de tenter de réduire l’incertitude ; au contraire, Pujadas et ses complices travaillent à nourrir notre anxiété, à renforcer la torpeur du public. Simulacre de mobilisation.

Comment pourrait-il en être autrement tandis que le spectacle que l’on nous promet depuis quelques mois risque d’être encore une fois un spectacle particulièrement "décevant" en lieu et place d’une information authentique, fût elle accablante) ? Des images vertes de soldats à l’entraînement (les mêmes depuis 3 jours, sans précision qu’il s’agit d’archives), des explosions toutes semblables les unes aux autres, des liaisons téléphoniques avec des journalistes entre caves et balcons. Rien qui nous permette d’être efficacement informés, voire captivés. D’où l’importance d’articuler, à partir du rien disponible, des discours basés sur l’ignorance des faits : la recherche d’information, en se faisant en direct, crée ainsi une situation d’attente tendue qui décourage le zapping. Un vide actif, en quelque sorte.

Ainsi Pujadas va-t-il nous dire nous dire ou non un truc qui nous permette de construire une appréciation juste des événements en cours ? Va-t-il nous sortir bientôt autre chose que de crasses platitudes ? Va-t-il enfin cesser de multiplier les questions sans réponse ? Ou peut-il offrir autre chose que ces remarques aussitôt prononcées aussitôt obsolètes ? - je précise que, pour le moment, nous n’avons obtenu sur le conflit proprement dit que trois ou quatre infos : la guerre à commencé à 5 heures et des brouettes ; il ne s’agit pas encore (!) de bombardements massifs ; Saddam Hussein, ses fils et les principaux responsables du pays étaient visés (c’est ce qu’ils croient comprendre) ; la vie continue à Bagdad (en fait : des voitures roulent dans les rues) ; les troupes au sol sont prêtes (depuis longtemps). J’exagère à peine... Si Pujadas posait la question : "comment puis-je savoir ce que je vais vous dire ?" et s’il tentait de nous répondre, en toute simplicité, il devrait dire : "je regarde la télévision comme vous". Mieux : "on regarde la télévision pour moi" et "je me permets de vous faire part de quelques anecdotes improbables, des quelques miettes trouvées ça et là, et de vous dire ce que vous savez déjà".

Donc aucune information de référence susceptible de solliciter les qualités intellectuelles du public, mais une collection de suppositions obscures (on dit aussi « rumeurs ») et des sujets sans contenus (une information décomposée, en somme) : bref, une incapacité totale à représenter les événements, leurs enjeux, leurs causes et leurs conséquences. En guise d’informations, une exaltation fallacieuse d’un factuel insignifiant ; et, plus pathétique encore, en guise de présentateur, un journaliste excité, se décarcassant à amplifier le néant pour capter ses téléspectateurs.

Si bien que, face à cette suite ininterrompue des vaines suppositions, on peut avoir cette impression étrange d’un grand silence. D’un silence qui laisse l’essentiel dans la marge, qui empêche l’information de se complexifier et qui plombe nos représentations. Obscurantisme ?


Extraits - Recto/verso

 Voir : "Les articles du site d’Acrimed en .pdf (2004-2012)"

 
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