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Mots et arguments (2)

Compassion humanitaire

A la guerre comme àla guerre : "On ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs". Devise de journalistes ?

 L’ "humanitaire militaire" : Claire Tréan sans "’états d’âme"

Sous le titre neutre et avenant "Les ONG contestent le couplage avec l’action militaire" (Le Monde du 11 octobre, p. 2), Claire Tréan fait état des critiques de l’humanitaire militaire, mais pour en désamorcer, autant qu’elle le peut, la portée. "Le couplage entre action militaire et action humanitaire n’est pas non plus sans provoquer quelques états d’âmes chez les travailleurs de terrain". De simples "états d’âme", dans un milieu qui, précise Claire Tréan, "se torture mentalement - au moins dans sa branche la plus intellectuelle, la française - pour tenter de s’inventer une doctrine salvatrice dans ses relations compliquées avec les Etats". Ce commentaire méprisant destiné à discréditer les arguments que l’on expose est un modèle de journalisme d’état-major…

D’ailleurs, soutient Claire Tréan, à la différence de la confusion (enfin reconnue !) qui aurait prévalu lors d’actions de guerre précédentes : "La crainte de certaines ONG que l’humanitaire serve d’alibi, voire de déclencheur, à une intervention guerrière est ici sans fondement". Comme si ce n’était que comme alibi ou déclencheur que l’humanitaire pouvait être mis au service de la guerre…

Heureusement, Claire Tréan a trouvé des ONG qui auraient pour particularité ... de reconnaître la diffiiculté des opérations humanitaires. "Ceux-là refusent aujourd’hui de verser dans d’inutiles débats théologiques, même si le zèle humanitaire affiché par les Américains les irrite quelque peu".

"D’inutiles débats théologiques" : C’était un article de pure information dans un quotidien de référence...

 Des réfugiés encombrants


Le Figaro ne cède pas à la panique compassionnelle et réserve ses larmes sur la détresse des réfugiés : elles ne commenceront à couler que lorsque leur nombre sera figaresquement consistant.

Il suffit pour s’en rendre compte de lire les premières lignes d’un article paru le samedi 20 octobre (p.4) : "Afflux de réfugiés au Pakistan".

"Pour la première fois depuis le début des frappes américaine sur l’Afghanistan, un flot de régugiés important tente de fuir le pays. Jusqu’ici la déferlante redoutée par les organisations humanitaires ne s’était pas produite. Malgré la fermeture officielle par le Pakistan de sa frontière, seul un millier d’Afghans réussissaient quotidiennement à passer à travers les mailles du filet (...)"

Passons sur le vocabulaire ("flot", "déferlante"). Laissons l’inquiétude abandonnée aux seules organisations humanitaires. Admirons l’absurdité de l’opposition entre la fermeture des frontières et le nombre réputé limité de réfugiés. Et constatons que Le Figaro analyse froidement la situation : 10 000 réfugiés en 5 jours, ce n’est qu’un début "important".

L’essentiel est dans ce que tout cela "accédite", comme le dit l’auteur de l’article : " (...) les réfugiés ont fui dans la panique. Ce qui semble accréditer la confusion qui régnerait dans les rangs talibans (...)"

(Première publication : 20-10)

 Victimes civiles

« Les journalistes ergotent sur le nombre de morts dues aux bombardements américains :" je suis sceptique " dit un journaliste de BBC World (25 oct.) parlant de 15 morts civils afghans, " les Taliban ont tendance à embellir (sic) la réalité et on ne nous a pas montré les corps ".

La même méfiance prévaut à TFI (infos de 20 heures du 6 novembre), mais pour une raison diamétralement opposée : les Taliban " exhibent complaisamment " des cadavres d’enfants. Par contraste, on n’a pas contesté les chiffres des victimes des " Twin Towers " : on nous dit 5000, on répète 5000 ; on nous dit 6000, va pour 6000 ; on recompte, il y en a moins, qu’importe ; et personne ne crie à l’intoxication ou à la désinformation. On n’a pas demandé à voir les corps. On n’ a reproché aux Américains ni de les montrer, ni de ne pas les montrer. La différence tient en cette phrase répétée : " On ne peut pas faire confiance aux Taliban ", qui implique qu’on peut faire confiance aux Américains. Ce " double standard " dans le reportage, s’ajoutant au " double standard " dans la conduite de cette guerre, passe peut-être inaperçu ici, mais pas hors d’Europe et des USA, là où habitent la majorité des habitants de la planète.3

Extrait de "Des morts, des réfugiés ... et pourquoi ?" par Christine Delphy (Co-présidente de la Fondation Copernic, Directrice de Nouvelles questions féministes) et Annie Mordrel (Philosophe) - (Première publication : 12-11-2001)

 Alexandre Adler bombarde l’Irak

Dans l’émission du 6 octobre de " La rumeur du monde ", sur France Culture, Alexandre Adler, Jean-Marie Colombani et Thierry de Montbrial devisent. Extrait :

Montbrial : - … bombarder toujours l’Irak de manière inefficace…
Colombani : - et aussi inhumaine qu’inefficace.
Adler (inaudible) exprime son désaccord
Colombani : Bah si, parce que la population souffre, Alexandre, bien évidemment…
Adler : - Elle ne souffre pas des bombardements.
Colombani : - Elle souffre de la dictature, bien évidemment.
Adler : - La population irakienne souffre aujourd’hui, effectivement, de restrictions qui, d’ailleurs, compte tenu de la contrebande, tout ça, se sont quand même beaucoup atténués. En revanche, les bombardements ne touchent pas des objectifs civils. Ce sont généralement des batteries de radars, des batteries de défense antiaérienne.
Montbrial : - Oui, mais en terme de perception…
Adler (narquois) : - Ah, en terme de perception, évidemment.
Montbrial : … c’est catastrophique.

 Pour mémoire : Madeleine Albright trouvait que " ça vaut la peine "

L’idée que des milliers de morts civiles peut " valoir le prix " avait déjà été formulée, à propos de l’Irak, par Madeleine Albright, secrétaire d’Etat dans l’administration Clinton, dans l’émission de CBS, " 60 minutes ", le 12 mai 1996 devant la journaliste Leslie Stahl.

Leslie Stahl : - We have heard that a half million children have died [ à cause des sanctions contre l’Irak] . I mean that’s more children than died in Hiroshima. And – you know – is the price worth it ?
Madeleine Albright : - I think this is a very hard choice, but the price – we think the price is worth it.
(Cité par Edward Hermann, Znet, 26 septembre 2001.)

(Première publication 6-12 - avec PLPL.)

 
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