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Critique des médias sur le web (avril-août 2015)

par Franz Peultier,

N° 34 de notre sélection d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement. Ces articles sont parus entre avril et septembre. Où il est question de la langue des dominants, mais aussi, comme souvent, de sexisme et de racisme banalisés, et beaucoup du dévoiement de la science…

La langue des dominants

Grèce : quand les médias privés font la propagande du oui au référendum (Télérama.fr, 03/07) – « Un internaute a comptabilisé les temps d’antenne, sur les journées des 29 et 30 juin, sur cinq chaînes privées (Mega, Skaï, Antenna, Star et Alpha TV). Le résultat est tellement déséquilibré qu’il prête à rire. Au total, huit minutes sur l’ensemble des cinq canaux pour le non, contre quarante-sept minutes pour le oui. »

La langue des maîtres et sa fabrique (Les Mots sont importants, 28/08) – « Après plus de dix ans de travail critique au sein du collectif Les mots sont importants, si l’on doit caractériser à grand traits la langue des maîtres, on peut dire qu’elle repose sur une logique binaire au fond très ancienne, déjà à l’œuvre dans la novlangue totalitaire ou coloniale décrite par Orwell : euphémisation de la violence des dominants (État, patronat, pression sociale masculiniste, hétérosexiste et blanco-centriste), et hyperbolisation de la violence des dominé-e-s... »

Sexisme banalisé

La revue Science accusée de sexisme par 600 chercheurs (Slate.fr, 22/07) – « Le deuxième exemple cité concerne un article publié en juin en ligne dans cette même section. Il s’agit d’une réponse à une jeune chercheuse qui se plaignait que son responsable ait tendance à regarder ses seins. "Tant que votre responsable ne va pas plus loin que cela, je suggère que vous fassiez avec, avec une dose d’humour si vous pouvez. Son regard est sans doute déplacé, mais vous avez besoin de ses conseils", lui répondait Alice Huang, une biologiste de renom pourtant engagée dans la cause des femmes et des minorités, dans un article retiré depuis avec une note d’excuse mais archivé par un site. »

Sexualité féminine et séries TV : une révolution ? (franceculture.fr, 17/07) – « Qu’elles soient créées par des femmes ou des hommes, des séries comme "The Affair", "Transparent", "Togetherness", "Girls" ou "Masters of Sex" ont ouvert un nouvel espace d’expression du désir féminin montrant des images, qui brisent certains tabous, différentes de celles véhiculées par le cinéma et les films pornographiques. Parce qu’elles se consomment dans un cadre privé, qu’elles envahissent notre intimité, les séries ne seraient-elles pas en train de réinventer notre sexualité ? »

« Nos Femmes », la grosse poilade sur les violences conjugales (Poils et capiton, 30/04) – « Ce qui est merveilleux dans cette histoire, c’est l’absence de réaction de la part des médias. Personne n’a soulevé ce point. Mieux encore : Métro décrit le meurtre comme accidentel. Le type a étranglé sa femme, mais c’est par accident ! Oups, mes mains ont glissé sur son cou ! Oups, mes doigts se sont resserrés jusqu’à ce qu’elle arrête de respirer ! »

Racisme banalisé

Hollande, Sarkozy, immobilier, islam : explorez un an de couvertures d’hebdomadaires français (Le Monde.fr, 11/05) – « La vision qu’en offrent ces magazines est souvent anxiogène : "Pacte avec le diable, ces politiques complices de l’islamisme", dénonce ainsi Valeurs actuelles sur une photo de femme voilée ; quand L’Obs parle des "nouveaux maîtres de la terreur" de l’État islamique ; ou que L’Express juge la France "mal protégée" face au terrorisme et l’illustre d’une photo d’un homme cagoulé, couteau à la main. »

La droitisation de la télé, « un phénomène qu’on peut mesurer » (Télérama.fr, 15/05) – « Le lendemain, mardi, David Pujadas prolonge mon supplice en demandant : "Y a-t-il une droitisation de la France ?" Pour y répondre, une "enquête", en réalité un micro-trottoir "dans un bout de France emblématique d’un climat d’aujourd’hui", absolument identique aux innombrables micro-trottoirs réalisés à Orange ces derniers mois, sauf que celui-ci se passe en Seine-et-Marne, à La Ferté-sous-Jouarre. Selon le reporter, "pour beaucoup d’électeurs, qu’ils votent ou non FN, la présence des immigrés, l’identité nationale sont en tête des préoccupations" – à ce moment déboule un très opportun plan avec une femme voilée. »

Faut-il appeler la tuerie de Charleston un acte terroriste ? (L’Express.fr, 19/06) – « Dans une sorte d’introspection, la presse américaine constate ce vendredi que les pratiques sont différentes en fonction de l’auteur de l’acte et de la cible. Le New York Times rappelle ainsi que l’attentat contre le marathon de Boston avait été rapidement qualifié de "terroriste" et note que les attaques contre les Afro-Américains et les Américains de confession musulmane le sont rarement. »

La science dévoyée

Les Bogdanov pédalent (dans la choucroute) (Libération.fr, 08/07) – « Cette interview vaut vraiment le détour, autant pour les fariboles des Bogdanoff que comme leçon de choses sur ce que le journalisme ne doit pas être (complaisant, ne rectifiant pas les erreurs et mensonges, reprenant à son compte des affirmations totalement fausses, mettant un conditionnel à "auraient été condamnés", mon confrère a-t-il lu le jugement ? »

Derrière le « beau temps » célébré, la presse ne voit même pas une grave sécheresse (Politis.fr, 13/07) – « Obsédé par le tourisme et les vacances et en oubliant que seuls 41 % des Français peuvent en prendre, le concert médiatique dominant célèbre à l’envi le "beau temps". Lequel pour le journaliste et le commentateur citadin s’oppose simplement au mauvais temps, c’est-à-dire à la pluie. Autrement dit une calamité. Hors du soleil point de salut et pour un peu la glose politique dominante mettrait les journées ensoleillées au compte de l’action du Président. Problème : derrière le soleil dominant supposé favoriser la reprise économique et les marchands de glaces, il y à la sécheresse… »

Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 1) (Blog Allodoxia, 02/08) – « Plusieurs millions de personnes ont regardé l’émission Les pouvoirs extraordinaires du corps humain consacrée le 17 mars 2015 aux différences entre hommes et femmes. Transmutation d’hypothèses en certitudes, de points de vue situés en "vérités scientifiques", d’isomorphismes en dimorphismes, de différences au moins en partie socialement construites en différences naturelles, d’un projet de mise en question des stéréotypes en entreprise de validation d’un monceau d’idées reçues, d’un support de vulgarisation scientifique en outil de diffusion de croyances et de normes prescriptives… Les pouvoirs de France 2 sont réellement extraordinaires, et la chaîne publique en use avec une légèreté préoccupante. »

Conseils bidon, hoax écolos : arrêtez de partager du Sante-nutrition.org (Rue89, 10/08) – « Il suffit souvent de quelques minutes de recherche pour comprendre que la majorité des articles de Santé nutrition, comme ceux des sites américains, comportent beaucoup d’erreurs et/ou d’exagérations. Exemple : ce n’est pas un "aliment courant" qui vous fait risquer de vous faire dévorer le cerveau par des vers, c’est du porc très mal conservé et seuls 300 cas d’infection de ce type sont avérés depuis 1953. Aucun risque pour monsieur Tout-le-monde, donc. »

Divers

Le monde selon Bernard Guetta : la carte de ses 500 chroniques (Dans mon labo, 07/05) – « Mais ce qui m’a le plus surpris, ce sont les trous du gruyère : en effet, la liste des pays qui n’ont jamais cités en plus de 500 chroniques comprend quelques poids lourds. C’est le cas de la Thaïlande, qui a pourtant connu, sur la période étudiée, une crise politique majeure débouchant sur une reprise en main du pays par l’armée. Mais aussi de la Birmanie, dont le régime donne des signes d’ouverture depuis la libération d’Aung San Suu Kyi en 2010. »

« Pourquoi les lecteurs sont-ils si méchants ? » L’éternelle excuse des médias (Mindgame, 03/06) – « les lecteurs sont souvent rendus responsables de tous les maux par les médias, qu’il s’agisse des journaux, de l’édition et bien entendu des médias vidéoludiques. Florilège de ce que l’on peut entendre à droite et à gauche sur le thème "c’est la faute aux lecteurs" : Si on produit du contenu racoleur, putassier et merdique, c’est la faute aux lecteurs parce que c’est les contenus les plus vus ! Ils ont qu’à pas cliquer aussi ! Si on va aux séances de play-test organisées par les éditeurs, si on va aux petites fêtes organisées par les éditeurs, c’est de la faute aux lecteurs, parce que si on y va pas ils nous reprochent de pas avoir d’info. »

Jean-Paul Ney a-t-il écrit tous ces articles pour le N°6 d’Opérations Spéciales ? (Jipounerie.wordpress.com, 08/05) – Un blog qui recense les plagiats de Jean-Paul Ney, journaliste militariste.

Un carpaccio indigeste (Blog des correcteurs du Monde.fr, 16/06) – « Au cinquième chapitre de leur livre (pardon : de leur opus), les deux auteurs (journalistes, par ailleurs) expliquent brièvement la "technique du carpaccio"**, qui consiste en premier lieu, "pour s’exprimer couramment en style médiatique", à "employer les mots ou expressions en dehors de leur sens normal". Ainsi, on se gardera d’écrire "le ministre a retravaillé son projet" au lieu de, adoptant le ton scolaire, "le ministre a dû corriger sa copie" ; et même, avec un soupçon de vocabulaire boursier : "le ministre a dû corriger sa copie à la baisse". »

Oui, enfin non, enfin presque, un père a laissé sa fille se noyer à Dubaï (Blog l’An 2000, 12/08) – « Ironiquement, on remarquera que les médias ont réagi de manière critique à la découverte de la datation carbone de la noyée, mais que le démenti a été diffusé selon la même méthode, en reprenant les infos des confrères, sur le mode du bouche à oreille. Ainsi Rue89 reprend les infos de francetvinfo qui reprend les infos du Guardian qui reprend les infos d’on ne sait qui. »

Portrait au vitriol du monde de la télévision (Paris Match.com, 10/08) - « J’ai débuté en tant que "casteuse" dans des émissions testimoniales type "Ca se discute", "Confessions Intimes", "Tellement vrai"… J’ai vite été confrontée à la réalité du terrain et à ce qu’il pouvait se passer derrière les caméras. Après quelques temps, j’ai réussi à rentrer dans un vrai magazine d’investigation. Je pensais pouvoir enfin exercer mon métier de journaliste comme je l’avais imaginé. C’est à ce moment que j’ai connu ma plus grosse désillusion, car je devais faire les mêmes choses, casting des témoins, mises en scène, pour répondre aux critères encore plus "trash" des gens de l’info. »

Franz Peultier

 
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