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Dans Témoins (SNJ-CGT) : Entretien sur l’éventuelle création d‘un conseil de presse

par Henri Maler,

Témoins, la revue trimestrielle du SNJ-CGT a consacré l’essentiel de son n°54 de février-mars 2014, à l’éventuelle création d’un conseil de presse et nous a demandé, dans ce cadre ce que nous en pensions.

Acrimed s’est exprimé à ce propos en plusieurs occasions, comme on peut le vérifier en suivant la note [1]. Nos réponses à Témoins reprennent (et parfois reproduisent) en les résumant nos précédentes publications. (Acrimed)

 Que pensez-vous de l’éventuelle création d‘un conseil de presse ?

Nous ne sommes pas opposés catégoriquement à la création d’un conseil de presse. Mais cette instance, si elle peut exister, ne doit pas faire diversion. Si l’on ne parvient pas à obtenir des transformations indispensables, l’invocation de la déontologie restera sans effets. En effet les règles de déontologie , par définition, ne se prononcent pas sur les conditions d’exercice du pluralisme, sur les conditions de l’indépendance des médias et des journalistes, sur les conditions de formation, d’emploi et de travail des journalistes, sur les formes de l’appropriation de ces mêmes médias.

 Quelles sont pour vous les conditions indispensables à la création d’une telle instance ?

Tout d’abord l’annexion d’une charte commune à la Convention collective nationale des Journalistes. Ainsi les règles déontologiques ne resteraient pas de simples chiffons de papier, mais seraient opposables aux patrons des medias. Ensuite il faut reconnaître un statut juridique aux rédactions pour que les journalistes puissent intervenir collectivement sur l’orientation éditoriale du titre et les pratiques journalistiques. Si ces conditions ne sont pas remplies, de quelle indépendance pourrait se prévaloir une instance ? Ces exigences ne sont pas nouvelles. Elles ont été formulées depuis longtemps par les principaux syndicats de journalistes.

 Supposons que ces conditions soient remplies. À quelle instance pourrait-on s’en remettre pour se prononcer sur les transgressions des règles professionnelles et quel pourrait être son rôle ?

Le débat est ouvert publiquement ; il est aussi ouvert au sein d’Acrimed. Le « conseil de la presse » pourrait se saisir ou être saisi par les usagers des médias, individuellement ou collectivement, chaque fois qu’une transgression des règles déontologiques pourra être mise en question. Le « conseil de la presse » se chargera de vérifier les faits et, le cas échéant, d’enquêter sur leurs causes. Il rendrait publiques les enquêtes correspondantes et leurs résultats, sans disposer d’un pouvoir de sanction qui pourrait l’assimiler à un Conseil de l’Ordre des journalistes, voire en préfigurer l’existence à tous égards inacceptable.

 Comment serait-il composé ?

Pour être transparent et crédible, un tel « conseil de la presse » doit être indépendant des pouvoirs publics et des propriétaires des entreprises de presse. Il devrait donc :

- être composé principalement de journalistes professionnels, désignés par leurs syndicats, proportionnellement aux résultats obtenus aux élections professionnelles, plus représentatifs, semble-t-il, que les résultats des élections à la commission de la carte.

- être ouvert en particulier aux pigistes et journalistes précaires, souvent les plus soumis aux pressions à l’origine des dérives les plus graves, par tirage au sort parmi les journalistes qui, titulaires de la carte de presse sans bénéficier d’un CDI, feraient acte de candidature.

- être ouvert à des représentants des usagers, à titre consultatif, le cas échéant par rotation si leur nombre est excessif.

- être fermé aux représentants des entreprises de presse. Ce serait en mutiler d’emblée le rôle, tant il vrai que nombre de transgressions s’expliquent par les effets des logiques commerciales qui prévalent dans la plupart des médias En revanche, il pourrait comporter, selon des modalités à déterminer, une représentation des rédactions en chef.

Dans tous les cas, toute procédure de nomination et de cooptation des membres du « conseil de la presse » doit être exclue. Dans tous les cas, qu’il s’agisse des modalités de constitution du « conseil de la presse » ou de sa composition, toute tentative de contourner les syndicats - quelle que soit leur représentativité et quoi que l’on pense d’eux - serait inacceptable.

 Et comment serait-il financé ?

Le financement de ce « Conseil de la presse » doit reposer sur une cotisation obligatoire des entreprises de presse, tous médias confondus, proportionnellement au nombre de journalistes qu’ils emploient, qu’ils soient ou non titulaires de la carte de presse. Une subvention de l’État semble devoir être exclue.

Mais tout ne se résume pas loin s’en faut au respect de la déontologie. Si Acrimed n’oppose une fin de non-recevoir aux initiatives qui préconisent la création d’une instance de médiation entre les journalistes et les publics cela ne l’oblige pas à être dupe. Nous ne voulons pas d’un édredon destiné à amortir les chocs d’une critique des médias réellement indépendante et à détourner des nécessaires transformations du monde des médias.

Propos recueillis par Dominique Candille

 
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