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Critique des médias sur le web (février-mars 2013)

par Franz Peultier,

N° 24 de notre sélection bimestrielle d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement. Présentation thématique des articles publiés en février et mars 2013.



Il y a eu, ou il devrait y avoir, un « choc de simplification » (de l’État), puis un « choc de moralisation » (de la vie politique). Et dans les médias ? Il y a des chocs de sexisme, des chocs de malhonnêteté, des chocs photographiques, des chocs de propositions et d’autres chocs divers…

Chocs de sexisme

 Femen partout, féminisme nulle part (monde-diplomatique.fr, 12/03) – « L’intérêt pour les Femen s’avère parfaitement compatible avec l’antiféminisme le plus grossier. […] Même méfiance quand on voit Charlie Hebdo, bastion de l’humour de corps de garde, dont les dessins répètent semaine après semaine que la pire infamie au monde consiste à se faire sodomiser, c’est-à-dire à se retrouver dans une posture « féminine » (15), collaborer avec les Femen pour un numéro spécial (6 mars 2013). En couverture, le dessin de Luz reprend un visuel du groupe qui montre ses militantes brandissant une paire de testicules. Le cliché des féministes hystériques et « coupeuses de couilles », couplé à l’esthétique publicitaire : une bonne synthèse du produit Femen. Dans l’entretien qu’elle accorde à l’hebdomadaire satirique, Chevchenko déclare vouloir une société « où les femmes ont plus de pouvoirs que les hommes ». Bien bien bien. »

 Aldo Naouri, le viol et le magazine « ELLE » (Acontrario, 15/04) – « Le 29 mars 2013, le site internet du magazine ELLE a publié un entretien avec Aldo Naouri, pédiatre et écrivain. Lors de cet entretien, qui a eu lieu dans le cadre de la promotion de son dernier livre et a été mené par Valérie Toranian et Dorothée Werner, Aldo Naouri a tenu des propos inacceptables au sujet du viol, et plus particulièrement du viol conjugal. »

 Sexisme chez les geeks : Pourquoi notre communauté est malade, et comment y remédier (Ca fait genre, 16/03) – Article de MarLard sur le sexisme dans la communauté « geek ». Une partie est consacrée à la presse spécialisée dans les jeux vidéo, qui contribue de façon non négligeable à propager ce sexisme.

Chocs photographiques

 Photo non contractuelle (Le dernier des blogs, 28/03) – « Dans le contexte, associé au titre « La laïcité mise à rude épreuve », l’image convoque tous les fantasmes d’invasion et de rapport de force : ce n’est plus une femme voilée que l’on tente de licencier, ce sont quatre femmes aux silhouettes fantomatiques inquiétantes, vêtues de leur uniforme religieux, qui nous inquiètent par leur multiplication. On peut presque se demander si elles ne sont pas censées être le futur des deux gamines méditerranéennes vêtues à l’occidentale qu’elles encerclent. »

 Le fiasco du loltoshop de l’Origine du monde (Culture visuelle, 09/02) « Si la démission de Jean-Jacques Fernier de la présidence de l’Institut Courbet semble la moindre des choses après une méprise aussi grossière, Paris-Match va-t-il s’excuser d’avoir trompé ses lecteurs ? Un tel aveu n’est pas dans la culture de l’hebdomadaire, qui a l’habitude des scoops pour rire et des nouvelles fantasques. En matière d’histoire de l’art, mieux vaut se souvenir que son avis est aussi léger qu’une plume …de perroquet. »

 Premier prix de la photo la plus utilisée par la presse en ligne pour illustrer tout, n’importe quoi et surtout n’importe quoi (Klaire fait grr, 11/02) – Vous avez forcément déjà vu cette photo dans un article sur Internet.

Chocs de malhonnêteté

 Ceux qui cassent la presse (Guy Birenbaum, Huffington Post, 07/03) - « Pourtant, je vais finir par ne plus ouvrir un journal papier, tant le virage pris par ces médias dans un "grand sauve qui peut", pour vendre quelques exemplaires de plus, confine, chaque jour davantage, au pathétique, au cynique, à l’escroquerie, même. C’est que comme l’écrit finement Pierre-Louis Rozynès, nous sommes désormais face à "une presse qui a cessé d’exister mais qui continue de paraître". »

 Le pillage dans le journalisme web, ce foutage de gueule ultra rentable (Gaelle-Marie Zimmermann, A contrario.net, 18/03) - « Concrètement, le ou la journaliste qui procède au pillage n’avait pas du tout envisagé de traiter ce sujet et ne se penche dessus que parce que quelqu’un d’autre vient de publier un article qui en parle. L’article buzze, une communauté y réagit, le contenu se propage de façon virale, ça mousse sur le web et ça génère de la page vue, bref il est impératif de prendre le train en marche et de récupérer une part de trafic (et de fric), donc il faut absolument publier sur ce sujet. Problème : on n’a pas le temps, on n’a pas d’angle, et on n’a aucune expertise dans le domaine concerné. Qu’à cela ne tienne : on va faire une synthèse de l’article initial (super bien documenté), on va l’agrémenter de longues citations, on va en gros résumer le propos, on titrera de façon efficace, et avec un lien vers la source, ça donnera « de la visibilité » à l’auteur(e), qui sera forcément content(e) vu qu’il ou elle a bossé comme un(e) dingue sur ce sujet qui le/la passionne et que son objectif, très louable, est de diffuser son message. »

 La Pige, on solde : 3ème démarque ! (Lyon Piges, 01/02) - « J’ai reçu hier un mail pour une proposition de collaboration pour un site qui a pignon sur rue. J’ai rappelé la rédac chef, qui m’a résumé l’offre en quelques mots : il s’agissait de rendre quelques articles par semaine (4000 signes environ) pour les sites Internet neufmois.fr et cafedesmamans.com. Il fallait des références, dégager du temps, et bien sûr rendre des articles originaux et bien écrits. Pas de problème a priori. Le tarif ? 20 euros. »

 Cher Jean-Michel Aphatie (Christophe Conte, lesinrocks.com, 01/04) - « Oui, Jean-Minou, je te le dis avec tendresse, tu viens de passer pour une nouille. Tu auras beau agiter les bras, prétendre comme tu le fais depuis une semaine, à grands coups de “rira bien qui rira le dernier”, que TA vérité surgira au bout du tunnel judiciaire où l’ancien ministre du Budget a été contraint de s’engager, rien n’y fera. »

 Une vague de racisme déferle sur France 2 (Télérama.fr, 25/03) – « Tous les jours, le même refrain. Entonné par un chœur œcuménique où vocalisent aussi bien l’historien Pascal Blanchard que David Pujadas, le sondologue Pascal Perrineau que la philosophe Chantal Delsol – sans compter Le zapping de Canal+ en perroquet. De plateau en plateau, tout ce petit monde s’en va répétant deux vérités chiffrées donc incontestées : « 70% des Français jugent qu’il y a trop d’étrangers en France » ; « 74 % des Français estiment que l’islam n’est pas compatible avec les valeurs de la France. » Consternation ! Touts ces gens commettent la même erreur de débutant : remplacer les « sondés » par des « Français ». [...] Dire « 74 % des Français pensent que… » au lieu de « 74 % des sondés pensent que… » n’est pas seulement une erreur, c’est une faute. Une faute d’autant plus grave qu’il est permis de se poser de sérieuses questions sur ces « sondés », au vu des conditions de production dudit « sondage », dont la perversité a été brillamment mise en lumière par Alain Garrigou dans Le sondage de trop (sur son blog intitulé « Régime d’opinion »). »

 Le Grand 8 et le petit plagiat (Youtube, 19/02) – Le 18 février, un chroniqueur du Grand 8 (émission diffusée sur D8) frime en montrant que le générique de TF1 est un dérivé de la musique des Dents de la mer. Il donne même le détail des retouches apportées au thème de John Williams. Les chroniqueurs admirent son sens de l’observation auditive. Le lendemain, Serge Llado, chroniqueur occasionnel chez Laurent Ruquier, relève que le chroniqueur de D8 a plagié presque phrase par phrase une chronique qu’il avait réalisée six ans auparavant.

 Dieu est mort, vive PPDA ! (Télérama.fr, 12/04) – « Voilà bien la principale qualité de PPDA : l’insolence, fruit de sa totale insoumission à quelque puissance que ce soit (politique, financière, lyonnaise ou bétonnière). Au terme d’un montage d’archives « de quelques grands moments d’interviews » avec VGE, Mitterrand, Chirac et Sarkozy, Laurent Delahousse célèbre aussi cette vertu si peu répandue chez les journalistes. « Euh, l’insolence, elle est forcément nécessaire ? Il n’y a jamais eu de connivence ? » PPDA dégaine : « L’insolence, c’est ce qui nous reste comme arme. » Il y aussi le pardon. Magnanime, le journaliste rédempteur absout Nicolas Sarkozy de l’avoir fait virer de TF1 pour son incroyable irrévérence (il l’avait comparé à un « petit garçon »). »

 D’Une Leçon De Maintien De Laurent Joffrin (Et De Ses Lointaines Suites) (Vive le feu, 21/02) – « Le 11 juillet 2011, deux mois après l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn à New York, Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur, se fend, comme souvent, d’un éditorial en forme de cours de maintien. D’après lui : « un étrange malentendu s’est installé à la faveur de l’affaire DSK » dans « une partie de l’opinion », qui souhaiterait, après la révélation de ladite affaire, « imposer à la vie publique une totale transparence qui permettrait seule au citoyen de juger en connaissance de cause ses représentants » [...] Ce matin encore, un hebdomadaire français – et non des moindres – consacre sa couverture – puis un dossier de huit pages où le glauque le dispute au sordide – au récit que fait une « juriste » de la « liaison » qu’elle a entretenue « pendant sept mois », en 2012, avec Dominique Strauss-Kahn, promu par elle (qui ne semble pas du tout avoir pris, sur un tel sujet, l’avis de Nafissatou Diallo) « poète de l’abjection et de la saleté ». »

Choc de proposition

 Distribuons l’aide à la presse directement aux journalistes ! (Jacques Rosselin, 15/02) – « Pour tous, le versement d’un revenu minimum serait une révolution : il les rendrait soudain indépendants de leur support de diffusion. Ils pourraient, en toute liberté, travailler des mois sur une enquête et la proposer aux éditeurs qu’elle intéresse, moyennant un supplément de revenus. L’assurance de ce revenu minimum permettrait aux journalistes, détachés de leur média, de former des groupes de travail, par affinité et compétences, au gré de leurs enquêtes puis de les proposer à l’éditeur de leur choix. »

Chocs divers

 Pourquoi les journalistes parlent bizarrement... affaire à suivre (20minutes.fr, 24/02) – « Mais pourquoi certains journalistes télé et radio s’expriment-ils avec ces intonations trop marquées, ce phrasé peu naturel, ces respirations et reprises de souffle artificielles ? Pour comprendre d’où sourdent ces voix si mécaniques, 20 Minutes a interrogé les formateurs des spécialités télé et radio des écoles de journalisme, eux-mêmes souvent journalistes. »

 Kindia 2015 : Canal+ en Guinée, révolution d’image en cours (Capharnaüm Tremens, 01/04) – « L’initiative Kindia 2015 en partenariat avec l’UNICEF et d’autres ONG, en fournit une démonstration plus flagrante encore. En s’aventurant, pour une aventure humanitaire projetée sur cinq ans d’engagement de la chaîne à Kidia, en Guinée, Canal + prend une initiative visant – bien que, paradoxalement, par une échappée au lointain – à modifier sa « relation-clients ». »

 
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