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Les bidouillages du magazine Grazia

par Henri Maler, Julien Salingue,

Le lundi 10 décembre, nous publiions sur notre site un article relevant les dangereuses incohérences du magazine Grazia qui, à quelques semaines d’intervalle, avait publié deux articles s’adressant aux femmes enceintes, l’un les mettant en garde contre la tentation de la minceur, et l’autre leur donnant de bons conseils pour « garder la ligne ».

Pris en flagrant délit de contradiction, le magazine Grazia a d’abord supprimé l’article incriminé, avant de le remplacer par un autre, doté d’un nouveau titre (« Pourquoi faut-il surveiller son poids pendant la grossesse ? » au lieu de « Comment garder la ligne pendant sa grossesse ? »), et doté par conséquent d’une nouvelle url.

Et de donner la raison suivante :

Ainsi « le lecteur » est si distrait (ou stupide) qu’il a « mal compris ». Il faut donc lui expliquer.

Car depuis le week-end dernier, l’on nous reproche de faire preuve de schizophrénie, de manier la contradiction avec cynisme. L’objet de la querelle ? La semaine dernière, nous avons publié un nouveau sujet concernant les femmes enceintes, intitulé cette fois : « Obsession : quand la grossesse ne pèse pas lourd », qui traite de l’anorexie au cours de la grossesse, phénomène alarmant et de plus en plus fréquent. Il a suffi que ces deux sujets se télescopent sur Grazia.fr pour que d’aucuns y voient l’intrinsèque preuve d’une légèreté réputée féminine. Bref, nous étions prises en faute, notre duplicité était établie, nous nous faisions les prêtresses anti-anorexie en novembre, après avoir donné de pervers conseils de beauté aux femmes enceintes en les enjoignant de garder la ligne en septembre…

Peu importe si « ici ou là » personne n’a, à notre connaissance, invoqué une « légèreté réputée féminine » : le pseudo-féminisme de l’allusion devrait permettre de confondre la « légèreté » des lecteurs.

Et de poursuivre :

De quoi s’agissait-il en septembre ? Nous évoquions une étude scientifique irlandaise sur les dangers de la prise de poids excessive durant la grossesse. Il est très dangereux pour la future mère et son enfant de se sous-alimenter ; il peut être dangereux de se suralimenter et de prendre trop de poids. Toute femme qui a des enfants a connu ce rituel des rendez-vous avec la sage-femme : il faut passer sur la balance. […] Notre titre était certes maladroit, mais la lecture de l’article permettait aisément de lever l’ambiguïté…

L’étude irlandaise était effectivement évoquée, mais contrairement à ce que laisse entendre Grazia, l’article « republié » n’est absolument pas le même qu’en septembre. On s’est ainsi bien gardé de reproduire la totalité de l’article initial (que l’on retrouvera ici), dans lequel on pouvait notamment lire ceci : « Si Heidi Klum et Adriana Lima exhibent une silhouette parfaitement harmonieuse durant leur grossesse et affichent un corps de rêve peu de temps après l’accouchement, pour le commun des mortelles c’est un exercice un peu plus délicat ». Ce passage, et quelques autres, ont « mystérieusement » disparu. Il faut dire qu’ils ne permettaient guère de « lever l’ambiguïté ». Bien au contraire…

Nous ne pouvons que nous féliciter du fait qu’un article prétendant donner des conseils aux femmes enceintes afin qu’elles « gardent la ligne » ait été revisité. Mais le ridicule bidouillage consistant à expurger un article et à en changer le titre pour démontrer que l’on ne s’est pas trompé, et que les critiques ont été, au mieux, superficielles et, au pire, malhonnêtes, ne redore pas le blason de Grazia. Est-ce trop demander qu’une rédaction puisse reconnaître une erreur, voire présenter des excuses ? Visiblement, oui. Voilà qui en dit long sur la considération de Grazia à l’égard de ses lectrices.

Henri Maler et Julien Salingue

 
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