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Xavier Niel, le « capitalisme cool » à l’assaut des médias (2) : un patron comme un autre

par Laurent Dauré,

Nous avons vu dans la première partie de notre série consacrée à Xavier Niel comment le « hussard » des télécommunications a construit son empire. Dans ce deuxième volet, il sera question à la fois du tempérament procédurier du milliardaire et de ses réseaux de pouvoir et d’influence, deux aspects qui contredisent là encore l’image – coproduite par les médias – que le patron de Free veut donner de lui-même et de son entreprise. Voici donc la suite de la fable de l’ « [e]ntrepreneur visionnaire au profil atypique » (AFP, 25 juin 2010) qui « cultive un côté rebelle, libertaire » (Les Échos, 11 janvier 2012).

Xavier Niel et Free ont déposé pas moins de cinq plaintes en diffamation contre Libération et le journaliste Renaud Lecadre pour les articles que ce dernier avait écrits sur les démêlés judiciaires – liés à l’industrie du sexe – de l’idole de la nouvelle économie [1]. Les plaignants sont systématiquement déboutés lors des procès successifs. Comme l’écrit Renaud Lecadre le 16 mai 2009, la « cour d’appel vient de confirmer les relaxes prononcées en première instance : 5-0 pour Libé, Free étant de surcroît condamnée à 6 000 euros de dommages et intérêts pour plaintes abusives » (Libération.fr). En septembre 2010, Renaud Lecadre affirme à un journaliste de L’Express que ses relations avec Xavier Niel se sont nettement améliorées : « Nous nous sommes revus il y a six mois pour en parler, et tout va pour le mieux désormais entre nous [2] ».


Une défense de la liberté d’expression à géométrie variable

On peut lire dans le même article que « Niel est [...] direct avec les journalistes, avec qui il entretient des rapports qui peuvent passer de la franche camaraderie à la plus grande détestation. » Et dans le second cas de figure : « Gare à ceux qui osent s’attaquer à lui ou à son entreprise. Sanguin, il pique de terribles colères. » Un portrait de Xavier Niel publié dans La Tribune confirme (et ajoute des éléments intéressants) : « les rapports avec [les journalistes] (auxquels il consacre une bonne partie de son temps) sont binaires : c’est soit l’entente cordiale, soit la détestation. Avec les premiers, il sait se faire apprécier en étant toujours disponible, en distillant des confidences, notamment sur ses rivaux (toujours "off the record" bien sûr), ou en faisant cadeau de telle ou telle annonce. "J’ai toujours préféré donner une annonce en exclusivité à un média, car j’ai remarqué que le premier média donne souvent le "la" pour les médias suivants", dit-il » (30 juin 2010 [3]). Xavier Niel fait de la critique des médias sans le savoir et nous fournit un élément d’explication sur le phénomène de suivisme médiatique.

Le tempérament procédurier du patron de Free est aussi un outil au service de ses affaires. Dans un entretien accordé à L’Humanité, Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour et spécialiste d’intelligence économique [4], affirme que Xavier Niel « a le contentieux dans le sang. C’est à se demander s’il ne se lève pas chaque matin en pensant à la nouvelle action en justice qu’il va lancer dans la journée. […] Les sociétés de télécoms sont dans un environnement hyperconcurrentiel et, pour elles, le droit est un outil de développement, au même titre que le marketing. C’est véritablement une approche à l’anglo-saxonne » (15 novembre 2011). Et dans un « portrait » publié par Libération  : « Parano et procédurier, Niel est un sanguin. Quand on l’attaque, quand on use d’un terme fort, quand on relate ses démêlés judiciaires, on se prend une baffe, – cela s’appelle un procès en diffamation » (18 décembre 2009).

Libération était un peu la bête noire de Xavier Niel dans la presse (c’est moins le cas aujourd’hui). C’est à la suite d’une de ses plaintes en diffamation [5] que l’ancien directeur de la rédaction du quotidien, Vittorio de Filippis, a été interpellé à son domicile le 28 novembre 2008 et emmené au commissariat – où il a subi un traitement humiliant (fouilles corporelles, menottes, cellule insalubre...) – suite à l’émission d’un mandat d’amener [6]. À notre connaissance, Xavier Niel et Free n’ont exprimé publiquement aucun regret quant à cet épisode, dont ils ne sont, il est vrai, pas directement responsables.

Ce goût pour les procès en diffamation semble difficilement compatible avec les principes que Xavier Niel prétend défendre par ailleurs [7]. Alors qu’il est interrogé avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse sur WikiLeaks, il se déclare comme ses associés « très favorable à la liberté d’expression, avec le moins de contraintes possibles [8] ». Niel ajoute : « Moins il y a de limites, mieux je me porte [9] ». Apparemment ce qui vaut pour la révélation de câbles diplomatiques de l’administration des États-Unis ne s’applique pas à des articles qui rendent compte d’une affaire judiciaire dans laquelle il est impliqué ou à un commentaire défavorable posté sur un site Internet...


Pratiques anti-syndicales, délocalisation... et quelques licenciements

Les pratiques procédurières de Xavier Niel ne visent pas seulement ses concurrents (que nous ne cherchons évidemment pas à défendre) et les journalistes importuns puisque, « [e]n interne aussi, ses salariés correspondent par tribunaux interposés : "C’est la boîte qui me prend le plus de temps. Ils sont hyperprocéduriers", soupire Laurence Barma, à la fédération des télécoms de la CFDT. "Il a fallu aller au tribunal pour obtenir un local syndical pour Centrapel [10]", renchérit Xavier Burot de la fédération CGT des sociétés d’études » (Libération, 18 décembre 2009). Même Les Échos semblent choqués : « Quand Iliad a racheté Alice en 2008, les trois quarts des 800 salariés ont été purement et simplement licenciés, sans états d’âme. Et n’importe quelle personne critiquant Free dans les médias ou sur Internet risque fort d’être attaquée en justice » (11 janvier 2012).

Quoi d’autre ? « Ali Ben M’Barek, responsable du secteur privé à la CFDT poste et télécoms à Paris, décrit un univers en marge des lois sociales dans les filiales d’Iliad, et surtout chez Centrapel, la plate-forme téléphonique de Free : "Entrave au droit syndical, discrimination envers un délégué syndical qui sera "démissionné", éviction des syndicats du premier tour des élections, règlement intérieur illégal, émiettement des sociétés" » (Libération, 18 juillet 2003). La CFDT « dénonce les dysfonctionnements du groupe qu’elle considère comme "opaque". Selon le syndicat, les irrégularités touchent toutes les sociétés du groupe mais plus particulièrement Centrapel  » (Le Parisien, 18 juin 2003). Des dispositions du règlement intérieur sont jugées « illégales  ». Exemples : en «  cas de détérioration [du matériel de travail des salariés], les frais sont déduits de leur salaire » ; « toute absence doit, sauf cas de force majeure, faire l’objet d’une "autorisation préalable de la direction" ». De plus, « le système de rémunération est jugé illicite ».

Le 24 juin 2008, quelque « 30 % des salariés de Centrapel, filiale du groupe de télécommunications Iliad, ont fait grève […] pour la première fois afin de dénoncer une "délocalisation" de leurs activités au Maroc et réclamer des négociations salariales » (AFP, 24 juin 2008). Dans leur communiqué, les syndicats estiment par ailleurs que « le groupe Iliad, maison mère de Free, n’est pas un modèle en matière sociale, "entre la sous-traitance en cascade, les très faibles rémunérations des salariés et la lutte contre l’implantation des organisations syndicales dans ses sociétés".  » Et le 24 mai 2011, lors d’une grève dans un centre d’appel girondin, Steve Bordes, délégué syndical CGT, déclare : « La direction nous propose une augmentation misérable de 1,5 %, c’est-à-dire 15 euros, alors que nous demandions 4,5 % d’augmentation sur nos salaires de base » (Sud Ouest, 25 mai 2011). Il ajoute : « Mon salaire est tellement faible que j’ai failli toucher la prime pour l’emploi, cette année. »

Le 11 janvier 2012, Xavier Niel est frappé d’une certaine amnésie. Lorsque Jean-Jacques Bourdin (RMC, BFM TV) lui demande si Free va augmenter les salaires de ses employés suite aux gains réalisés avec son offre de téléphonie mobile, il répond : « Écoutez je ne crois pas qu’on n’ait de grosses plaintes de la part de nos salariés ». Bourdin ne relance pas. Et quand ce dernier demande (sans trop insister) à Xavier Niel pourquoi une partie des activités de téléconseil de Free a été délocalisée au Maroc, voici la réaction de « ce patron pas comme les autres » (L’Expansion.com, 28 juin 2010) qui « cultive un côté rebelle, libertaire » (Les Échos, 11 janvier 2012) : « Pourquoi au Maroc ? Simplement parce que vous avez des amplitudes horaires qui parfois ne vous permettent pas de travailler, le travail de nuit en France est extrêmement compliqué, le travail du week-end est extrêmement compliqué, ils posent moins de problèmes au Maroc [11]. » Oui, décidément, comme le dit Pierre Haski dans Rue89, Xavier Niel est « un industriel hors du commun » (29 janvier 2012)... Cet « [e]ntrepreneur à l’imagination débordante » (NouvelObs.com, 3 janvier 2012) qui « ne craint pas d’aller à contre-courant » (Ouest-France, 10 janvier 2012) est bien « l’homme qui bouscule les lignes » (La Nouvelle République Dimanche, 25 octobre 2009). Il « bouscule le capitalisme tricolore », des « comme lui, il nous en faudrait 50. Ça changerait la donne » (Entreprendre, 28 janvier 2012).

Les quelques extraits mentionnés ci-dessus de l’interview menée par Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFM TV peuvent être trompeurs. Réalisé à l’occasion du lancement de Free Mobile, l’entretien est plutôt favorable et complaisant, à la limite de la promotion. On peut en juger en regardant cette vidéo. Signalons au passage que RMC et BFM TV sont présidées par Alain Weill, qui siège au conseil d’administration... d’Iliad.

Les quelques éléments que nous venons de donner sur les pratiques patronales de Xavier Niel sont très rarement mentionnés dans les médias. Si on ne les cherche pas, on ne les trouve pas. Le milliardaire est plus volontiers présenté comme un « "Robin des bois" des consommateurs » (L’Express, 8 février 2012), « un Robin des Bois pro-consommateur » (Libération, 29 juin 2010) ou « Robin des bois » tout court (Entreprendre, 28 janvier 2012). C’est aussi un « trublion [qui] fait bouger les lignes et influe sur l’évolution technologique de la société » (Ouest-France, 10 janvier 2012 [12]), un « génial touche à tout » (L’Est républicain, 11 janvier 2012), un « trublion » (Le Monde, 11 janvier 2012) « doté d’une personnalité atypique » (NouvelObs.com, 3 janvier 2012) et qui « aime les déclarations fracassantes et cultive son image de desperado » (Rue89, 11 septembre 2009).

Il nous importe peu ici de savoir si Xavier Niel est un patron « meilleur » ou « pire » qu’Arnaud Lagardère, Martin Bouygues ou Bernard Arnault, nous ne cherchons pas davantage à évaluer la qualité des produits proposés par Free. Nous voulons seulement dire qu’il est souhaitable d’aller au-delà de cette image – accréditée par les médias – de geek sympathique et débonnaire, surtout lorsque l’intéressé est propriétaire ou actionnaire de plusieurs titres de presse.

En effet, lorsque les médias dominants essaient de faire passer des vessies pour des lanternes et des capitalistes âpres au gain pour des trublions altruistes, cela mérite un certain rééquilibrage, surtout si ces « patrons atypiques » investissent massivement dans le secteur des médias et des télécommunications. Le phénomène de starification des hommes d’affaire – Steve Jobs, Richard Branson, Arnaud Lagardère, Michel-Édouard Leclerc, Bernard Tapie et Jean-Marie Messier en leur temps [13], etc. – pose d’autres problèmes qu’il serait trop long d’aborder ici mais étonnons-nous (naïvement) qu’un ouvrier ou un scientifique, par exemple, ne semblent pouvoir être eux aussi considérés comme des personnes dignes d’une telle considération. Qui a décidé qu’un entrepreneur richissime était une sorte de héros de notre temps méritant que l’on s’intéresse à lui, que l’on élucide son « mystère », sa « complexité » ? Fort heureusement, les stars des affaires savent rester humbles quand les médias leur disent à quel point elles sont géniales. Xavier Niel explique : « Je n’y peux rien ! Mon plaisir, c’est de travailler. J’adore ça ! ». Et le NouvelObs.com de compléter : « Ce qu’il aime par dessus tout, c’est bousculer les idées reçues » (3 janvier 2012).


Un « anticonformiste » au cœur des réseaux du pouvoir et de l’argent

Dans Le Point, on nous dit que « Niel […] ne veut surtout pas copiner » (22 décembre 2011) ; la preuve, l’intéressé a déclaré : « la consanguinité des élites est un défaut de la France ». Et puis il « affirme surtout fréquenter ses vieux copains spéléologues, avec lesquels il investit chaque semaine les catacombes » (Marianne, 19 juin 2010). Et donc, Libération s’interroge : « que vient faire au Monde ce patron en jeans et cheveux longs qui ne fréquente guère les hommes de pouvoir ? » (29 juin 2010). Avec L’Express.fr, le mystère s’épaissit : « Inclassable, il fut proche des milieux libertaires » (24 septembre 2010). Il est en outre question d’un « autodidacte [qui] est surtout un précurseur » (Ouest-France, 10 janvier 2012), plus « à l’aise en jeans et baskets qu’en costume cravate [14], peu adepte des conférences ou des dîners mondains » (AFP, 25 juin 2010). Pourtant, sa présence à la sauterie de Bernard-Henri Lévy au Café de Flore le 30 novembre 2010 pour fêter les vingt ans de la revue créée par la vedette de la pensée (La Règle du jeu) donne une autre impression. Ce jour-là il côtoie le gratin du monde des médias (Étienne Mougeotte, Denis Olivennes, Laurent Joffrin, Christophe Barbier, Patrick Poivre d’Arvor, Franz-Olivier Giesbert, etc.), des affaires (Claude Perdriel, patron des groupes SETMA, SFA et Aquasistance [15] ; Maurice Lévy, patron de Publicis ; Pierre Leroy, cogérant du groupe Lagardère, etc.), de la politique (Jack Lang, Frédéric Mitterand, Daniel Cohn-Bendit, François Bayrou, etc.), mais aussi de l’édition, de l’art [16]...

Xavier Niel ne semble pas tout à fait indifférent au luxe, au copinage et aux mondanités. Tout comme Alain Minc, Gérard Mulliez (Auchan), Bertrand Puech (Hermès), il lui arrive de prendre son petit-déjeuner au Plaza Athénée, le cinq étoiles de l’avenue Montaigne à Paris ; on l’a vu au dîner Dior le 20 octobre 2011 (La Tribune, 15 juillet 2011 et 10 janvier 2012). De plus, « Xavier Niel a […] accompagné Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, à l’Opéra Bastille. Et lorsque Larry Page, le patron de Google, débarque à Paris, il se précipite chez le patron de Free [17] » (Le Monde, 8 novembre 2010). Iliad/Free a participé au « G8 de l’Internet » (l’e-G8) qui a eu lieu à Paris en mai 2011. Selon le communiqué officiel, « Nicolas Sarkozy, a souhaité que l’e-G8 Forum soit une initiative organisée et financée par des entreprises, et placée sous la présidence de Maurice Lévy, Président du directoire de Publicis Groupe. Parmi les principales entreprises partenaires : Orange, Vivendi, eBay, Google, Capgemini, Huawei, Iliad Free Fondation, Microsoft, Intel, HP, Alcatel-Lucent, Eutelsat et Thomson-Reuters ». Une belle brochette d’ « entreprises atypiques » [18]...

Selon La Tribune, Xavier Niel fréquente aussi Vincent Bolloré, Antoine Bernheim (dirigeant d’entreprise et banquier) et Jean-Charles Decaux (fils de l’industriel et codirecteur de JCDecaux) ; et « il prend plaisir à rencontrer Bernard Arnault ou les Pinault. "Quand j’étais petit, j’ai lu des biographies de tous ces grands patrons. Quand je les rencontre, c’est comme si ces livres prenaient vie", dit-il » (30 juin 2010). Notons aussi que le patron de Free fréquente l’université d’été du Medef. Cultivant de bons rapports avec Laurence Parisot, il entretient en outre une « relation amicale avec François Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée, [...] ainsi qu’avec Stéphane Richard, un autre complice de Sarkozy » (Marianne, 19 juin 2010). Xavier Niel se rend souvent « chez Hanawa, un japonais chic et cher de la rue Bayard, avec ses amis de l’internet, comme Marc Simoncini, ou avec sa nouvelle grande amie Delphine Arnault, héritière de LVMH. Nicolas Sarkozy, qui disait pis que pendre de lui, le respecte et le fait venir à l’Elysée » (NouvelObs.com, 3 janvier 2012).

Xavier Niel, dont on dit qu’il a eu de mauvaises relations avec le président [19], semble vouloir arrondir les angles dernièrement : « Le succès d’Internet en France existe notamment grâce à Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Économie de l’époque, qui a eu la perspicacité d’accorder à ces offres innovantes un taux de TVA réduit il y a six ans » (Les Échos, 18 octobre 2010). Il tient aussi à préciser : « Je ne me sens pas opposant à Nicolas Sarkozy [20] ». « La politique c’est pas mon truc », affirme-t-il (RMC/BFM TV, 11 janvier 2012). Néanmoins, habile équilibriste, « Xavier Niel compte quelques vieilles connaissances à droite : Gérard Longuet, Patrick Devedjian, Xavier Bertrand... À gauche, il a ses entrées auprès de Bertrand Delanoë, dont un des adjoints, Jean-Louis Missika, a longtemps été administrateur d’Iliad » (La Tribune, 30 juin 2010). Mais, pas d’inquiétude : « Apolitique, le patron s’attache aux hommes plus qu’aux partis. Il apprécie autant le maire de Paris, Bertrand Delanoë, que le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand – "un homme de parole" » (L’Express.fr, 24 septembre 2010). Il a également déclaré : « J’apprécie autant Bertrand Delanoë que François Fillon [21] ». Il faudrait vraiment être tatillon pour ne pas être convaincu par cette démonstration édifiante de la neutralité politique de l’homme d’affaires.

Xavier Niel, neutre et désintéressé, mais aussi « incontrôlable » (Maurice Szafran dans Marianne2, 12 juin 2010), va même jusqu’à « sauver » la presse… et Le Monde. Nous examinerons le détail et les conséquences de ces renflouements médiatiques dans le troisième et dernier épisode.

À suivre, donc.


Laurent Dauré


Première partie : « La construction d’un empire »

Troisième partie : « Le “sauveur” de la presse »

 
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Notes

[1Cela comprend notamment l’article déjà cité et celui-ci, publié le 28 octobre 2006, après l’annonce du verdict.

[2Propos cités par L’Express.fr, 24 septembre 2010.

[3Le portrait de Xavier Niel se poursuit ainsi : « lorsqu’un article lui semble malveillant, il s’explique vigoureusement avec l’auteur – mais il ne fait pas pression en appelant la hiérarchie. Et quand l’article lui paraît faux, il n’utilise pas le droit de réponse, mais porte plainte pour diffamation. "J’ai un modèle de plainte tout prêt, il n’y a juste qu’à remplir le nom du journaliste", dit-il en plaisantant. Cette procédure mène à la mise en examen du journaliste et du directeur du journal – ce qui produit toujours son petit effet sur les intéressés. »

[4Thibault du Manoir de Juaye est notamment l’auteur de l’ouvrage suivant : Les Robes noires dans la guerre économique, Éditions Nouveau Monde, 2011.

[5Cette plainte a pour origine un commentaire posté par un internaute sur le site de Libération en réaction à l’un des articles de Renaud Lecadre.

[6Le récit de Vittorio de Filippis est disponible ici. Les commentaires de « maître Eolas » sur cette affaire valent le détour.

[7Free a également attaqué plusieurs fois l’UFC-Que Choisir, toujours pour diffamation, avec plus de succès que dans les procédures contre Libération.

[8Propos tenus le 14 janvier 2011 lors d’un déjeuner organisé par l’Association des journalistes médias et cités par Les Échos, 17 janvier 2011.

[9Propos cités cette fois par le magazine Stratégies, 20 janvier 2011.

[10Centrapel est un service d’assistance téléphonique. Comme on peut le lire sur le site Internet de la société, l’ « assistance technique du fournisseur d’accès Internet Free représente 80 % de [son] activité. »

[11Dans cette interview, Xavier Niel nous apprend également que « les courriers que les gens envoient sont scannés et traités là-bas au Maroc ».

[12Ouest-France n’a pas tout à fait raison de titrer son portrait très élogieux de l’industriel « Xavier Niel, le Steve Jobs français ». En effet, pour être un nouveau Steve Jobs, il faut notamment implanter la production de son entreprise dans des pays à bas salaires et faire appel à des usines dans lesquels les ouvriers travaillent dans des conditions atroces, à tel point que certains se suicident (voir dans cet article de Libération le cas d’une usine Foxconn, sous-traitant chinois d’Apple).

[13Rappelons-nous en guise d’illustration le fameux épisode de la chaussette trouée de « J2M » et la fascination enthousiaste que ledit objet a suscitée dans les médias, y compris dans l’émission « Arrêt sur images ».

[14Les habits et la coupe de cheveux de Xavier Niel intriguent les médias. L’agence Reuters fait utilement observer que « Xavier Niel [...] a gardé les cheveux mi-longs de son époque "geek" » (13 décembre 2011) ; en effet, malgré sa fortune, le milliardaire a su garder une apparence décontractée : « Cheveux mi-longs, chemise à rayures et jean » (L’Express.fr, 24 septembre 2010), voire même des « jeans troués » (Libération, 18 décembre 2009). Le magazine Entreprendre est de ceux qui trouvent que « l’extravagant Xavier Niel » a les « cheveux longs » et non mi-longs (28 janvier 2012). Quant aux Échos, lassés de l’accoutrement terne des patrons du CAC 40, ils sont sous le charme : « Il ne porte toujours pas de cravate et il faut l’entendre raconter, hilare, le jour où il a déjeuné avec Patrick Le Lay, l’ancien PDG de TF1, qu’il avait accueilli en jean troué. Toujours choquer... Cet aspect "antisystème", Xavier Niel le revendique et en joue » (11 janvier 2012). Qui lui permettent de le revendiquer et d’en jouer sinon les médias qui s’attachent à rendre compte de détails dérisoires, participant ainsi à la construction d’une image publique, et en l’occurrence d’une image de marque ?

[15Claude Perdriel est aussi le propriétaire du Nouvel Observateur, de Challenges, de Sciences et Avenir et de... Rue89 (depuis décembre 2011). Le roi du sanibroyeur est lui aussi un ancien du Minitel rose.

[16Nous vous renvoyons à notre article pour une liste plus complète des convives du pince-fesses germanopratin.

[17L’article de La Tribune que nous avons déjà cité affirme que le réseau de Xavier Niel « est plutôt constitué des millionnaires de la bulle Internet, comme les frères Rosenblum (Pixmania), Marc Simoncini (iFrance, Meetic), Pierre-François Grimaldi (iBazar), Jean-David Blanc (Allociné), Jacques-Antoine Granjon (Venteprivee.com)... mais aussi les fondateurs de Google ou Twitter » (30 juin 2010).

[18D’après Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net, l’ « e-G8 est un écran de fumée pour couvrir le contrôle accru des gouvernements sur l’Internet. D’une main, on invite les chefs d’entreprise du Web à discuter de l’économie numérique, de l’autre les gouvernements cherchent à reprendre en main la gouvernance du Net pour la recentraliser » (propos cités par Mediapart, 19 mai 2011). Parmi les nombreux autres participants à l’e-G8, on peut citer Mark Zuckerberg (fondateur et PDG de Facebook), Jimmy Wales (fondateur de Wikipedia), Jeffrey Bezos (PDG d’Amazon) et... Rupert Murdoch (président de News Corporation).

[19Nicolas Sarkozy, sous l’influence de son ami Martin Bouygues, a été un temps opposé à la quatrième licence de téléphonie mobile qu’a finalement obtenue Free. Il a aussi désapprouvé l’arrivée de Xavier Niel dans le capital du Monde, à cause notamment de ses investissements dans Mediapart et Backchich (Le Point, 17 juin 2010).

[20Propos cités par Marianne, 19 juin 2010.

[21Propos cités dans le même article de Marianne.

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