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Critique des médias sur le web (novembre-décembre 2011)

par Franz Peultier,

N° 17 de notre sélection bimestrielle d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement. Présentation thématique des articles publiés en novembre et décembre 2011.

L’époque est aux sommets. Les sommets européens se sont succédé, les sommets médiatiques aussi… Sommets de la connivence et de la flagornerie, sommet des amours libérales, sommet du décryptage, sommets du rire…

Sommets de la connivence et de la flagornerie

 Camus par Onfray, par Le Point… (Culture visuelle, 05/01) – « “Camus par Onfray” c’est bien sûr, en réalité, un autoportrait d’”Onfray (passant) par Camus”. Comme un marionnettiste habile, le philosophe médiatique, vêtu d’un col roulé sombre, peu visible sur fond noir, comme il se doit, semble plonger sa main dans le dos de Camus, sa marionnette, pour nous la présenter de face. »

 Légion d’honneur pour les serviteurs (Tout va bien, 03/01) – « Qu’il est doux de voir des potentats et des employés du Parti de la Presse et de l’Argent figurer dans la promotion de la Légion d’honneur ce 1er janvier 2011 en compagnie de Stone et Charden : François Pinault, Patrick de Carolis… »

 Long plaidoyer du PDG de Dassault Aviation dans le quotidien de Dassault (Tout va bien, 12/12) - « Le 12 décembre 2011, Le Figaro publie dans ses pages saumon un long entretien (deux pleines pages) avec Charles Edelstenne, PDG de Dassault Aviation, dont les propos sont recueillis par... Etienne Mougeotte ! L’entretien est titré : « Il n’y a pas de cadeau fait par l’Etat à Dassault Aviation avec la livraison des Rafale’  ». »

 Le Monde assure la promotion d’un dictateur (blog de Samsam sur Mediapart.fr, 13/11) – « Dans la grisaille ambiante, quel bonheur de découvrir, à la lecture du journal Le Monde de vendredi, qu’il existe quelque part en Afrique un petit coin de paradis pour ses propres citoyens comme pour les investisseurs étrangers. Il est si rare qu’un journal accorde une double page à l’actualité d’un pays d’Afrique subsaharienne, et plus étonnant encore que cette information n’use pas du ton dépressif servant à décrire les maux habituellement accolés au continent : guerre, misère, corruption ou despotisme. »

 Au Figaro, un journaliste qui connaît très bien l’Intérieur (Télérama.fr, 24/11) – « Depuis l’épisode Bakchich, le journaliste intégré a suivi « son » ministre, qu’on oserait qualifier de tutelle. En 2011, il a relayé son agenda, qu’il s’agisse de l’affaire Neyret ou des demandeurs d’asile portés sur la fraude. Pas un mot, en revanche, sur les écoutes de journalistes, sauf pour dédouaner le patron de la DCRI, Bernard Squarcini. Plus efficace qu’un service de presse, le rubricard a même couvert les soucis de santé du locataire de la place Beauvau, pour mieux annoncer son retour aux affaires. Avant de lui offrir une tribune pour décapiter le projet sécurité du Parti socialiste. En résumé, une histoire d’amour à plusieurs milliers d’occurrences sur Google. C’est ce qu’on appelle un suivi longitudinal. »

Sommets des amours libérales

 La liste des médias partenaires d’Actionaria, salon de la bourse et des produits financiers (Actionaria.com, 18/11) – La meilleure critique des médias vient parfois de ceux à qui lesdits médias s’associent. La liste des partenaires officiels d’un salon consacrés à la vente de produits financiers permet de voir auprès de quelles forces sociales combattent certains… qui affirmeront sans doute que ce partenariat ne vaut pas engagement politique de leur part. Mais seraient-ils partenaires d’un « salon des syndicats » ?

 Cachez ce plan de rigueur que Pernault ne saurait voir (Vidéo du Post.fr, 10/11) – Un montage vidéo d’où il ressort que le présentateur du journal de 13 heures de TF1 a bien du mal à appeler un chat un chat, surtout quand le chat en question est un plan de rigueur.

 Ce n’est pas du conditionnement : c’est du journalisme (Vive le feu !, 31/12) – « Chez nous, par exemple : les journalistes sont de vrai(e)s journalistes, déontologéthiques et indépendant(e)s, et non des tambourinaïres de la pensée dominante, comme en Corée du Nord - de sorte que jamais tu ne les prendras à prêter leur concours à une immense entreprise de conditionnement où se verrait combien l’humain peut être manipulé (IEDCOSVCL’HPÊM). Parce que nous, pardon, mais pour ce qui serait de l’esprit critique, on craint dégun. »

 Pub : Quand EDF sort l’arme atomique pour se venger d’un article de La Tribune (Télérama.fr, 17/11) – « A la lecture de l’article, EDF et son bouillant PDG Henri Proglio décident de sortir l’arme atomique : couper illico la publicité à La Tribune, dont la situation économique est toujours aussi difficile et EDF l’un des principaux annonceurs. »

 Ce que les médias décident de dire (espritcritique.be, 12/12) - Après avoir exposé dans un billet la fermeture d’un cinéma d’art et d’essai bruxellois pour être remplacé par un projet plus lucratif, l’auteur s’interroge sur le rôle des médias : « Le journaliste, pris dans cette situation structurelle, a plusieurs « choix ». Il peut être persuadé – ou en vient à se persuader – du bienfait de la publicité sur l’information et la société ; ou bien quitter le journalisme de marché ; ou encore auto-alimenter sa croyance en une possible objectivité individuelle, en soi s’imaginer le « journaliste exception », survivant dans un système de médiamensonge. S’il adopte cette dernière tactique, il le fera de façon inconsciente et pour toutes sortes de raisons, dont sa situation matérielle d’existence caracole dans les premières. »

 Mais tout est politique, même l’éventuelle rémunération du blogueur (Piratage(s), 21/12) – « La Politique en somme ne serait qu’un thème traité dans les médias (comme L’Express), mais totalement étranger à ceux-ci dans leur fonctionnement interne. Une sorte d’hygiène, résumé par l’adage d’entreprise “on ne fait pas de politique”. Pourtant on ne fait que ça. Outre le traitement de l’info, en référer à l’immuable système, comme M. Thatcher en référait au marché, ou M. Dassault aux idées saines, est en l’espèce, de la politique. Enormément de politique. Foutrement de la politique. »

Sommets du féminisme ?

 La Barbe et la lucarne (Le dernier blog, 11/12) – « Le collectif La Barbe utilise le spectacle comme mode d’action et il était presque logique de les inviter au Petit Journal. Sauf que le sujet de La Barbe est un vrai sujet, d’une part, et que, d’autre part, leur recours au happening et leur discours sont loin d’être aussi professionnels qu’il l’aurait fallu pour profiter d’une connivence médiatique de la part de ce qui est devenu, bon gré mal gré, le tribunal du divertissement politique et médiatique. »

 Mise en garde ferme de RMC par le CSA pour des propos incitant au viol (Osez le féminisme, 17/12) – « Une décision du CSA a finalement été rendue le 2 décembre. Ce dernier ‘’ a relevé que les termes de cet échange sous-entendent une certaine complaisance à l’égard des auteurs présumés du délit, voire incitent les joueurs français à s’en inspirer pour créer un climat de cohésion au sein de l’équipe de France. Le Conseil a considéré que la tenue de ces propos méconnaissait les stipulations de l’article 2-4 de la convention du service selon lesquelles l’éditeur veille dans son programme ‘à ne pas inciter à des pratiques ou comportements délinquants ou inciviques’. »

Sommets du décryptage…

 Invitation au décrytage (Blog d’Alain Accardo, 12/12 - lien périmé, décembre 2013) – « En usant et abusant de la terminologie du « décryptage », les journalistes, qui ont toujours aimé s’habiller un peu trop large, se persuadent eux-mêmes que sans leur médiation éclairée, le tohu-bohu des événements nous resterait opaque et que, dans la forêt touffue des symboles, ils sont nos meilleurs guides. Mais ce n’est là en somme qu’un bénéfice secondaire de leur travail dont la finalité ultime, au stade actuel d’assujettissement des médias par le pouvoir politique et financier, est d’assurer la police des esprits et des cœurs, c’est-à-dire le maintien d’un ordre idéologique unilatéral et consensuel : le néolibéralisme mondialiste dans ses différentes variantes de droite et de « gauche ». »

 Skyrock, les jeunes et la politique : formatage ou sensibilisation ? - « Il y a quelques jours, le groupe Skyrock a lancé un site consacré à la présidentielle, Propx (proposition pour tous). Son slogan : "C’est toi qui proposes, c’est eux qui votent". Son principe est expliqué comme suit : "Propx c’est la démocratie version 2.0…Concrètement, t’as une idée, tu la proposes et tu suis les réactions des candidats en direct. Les candidats auront le choix de te répondre : Excellent je vais le faire, Intéressant, je vais y penser, trop compliqué/trop cher, Ne comptez pas sur moi, LOL." [...] L’initiative Propx est avant tout un outil de communication de façade »

… ou du refus volontaire « d’interroger le système »

 Les cumulards de l’information (Télérama.fr, 01/12) – « Plutôt que d’analyser le phénomène, nous avons eu envie, cette fois, de nous en amuser. Avec une idée toute simple : effectuer un décompte des apparitions médiatiques des journalistes les plus assidus à la télévision et à la radio – histoire de confronter nos impressions à la réalité. Pas question ici d’interroger le système, ou le fond des interventions des uns et des autres. Hors de question de remettre en cause le bien-fondé de la présence d’Untel ou Telautre dans le rôle de la Pensée qui éclaire des temps troublés. »

Sommet du débat sur Internet

 Newsring : aseptiser le débat sur Internet (Culture visuelle, 07/12) – « Plutôt que de tolérer le débat à la marge, Newsring veut le mettre au centre. A une condition : « Sur Newsring, c’est vous qui faites le débat, nous nous contentons de l’orchestrer ». Traduction : du débat, mais organisé, formaté par l’intervention journalistique, présente à tous les étages. J’ai été contacté pour participer à ce magazine : on ne m’a pas demandé d’exprimer librement mon avis, mais de répondre à une question imposée (“Prenons-nous trop de photographies ?”), en isolant les arguments, avec une jauge de 1500 signes et blancs maximum chaque. »

Sommets de l’affaire DSK (encore…)

 BFM TV/ vidéo du Sofitel ; le complot des mots contre les images… (Culture visuelle, 09/12) - « Tels sont les quelques plans de vidéosurveillance, cinq minutes en tout, que BFM TV a montés ensemble pour raconter visuellement la sortie de DSK de l’hôtel Sofitel de New-York le 14 mai dernier. Et la seule chose que prouvent ces images est la vanité de la vidéosurveillance comme preuve dans ce genre d’affaires, et, au-delà, le silence pour ne pas dire le mutisme radical de toute image. L’image ne dit rien, elle s’enferme dans une monstration muette de mouvements qui ne sont pas encore des signes et nous invite à la parole pour combler leur manque de signifié. »

 DSK : l’effarante double vie des médias français (Lalibre.be, 18/11) – « Aujourd’hui, le retour sur investissement profite surtout aux médias. Libération reconnait une augmentation de ses ventes de 93% au lendemain de l’arrestation largement médiatisée de DSK. Lemonde.fr s’est assuré une journée à 3,6 millions de visiteurs sur son site. "Le coup d’arrêt", "la débandade", "le drame", "la descente aux enfers" titraient les journaux au début de l’affaire. Une mine d’or pour les médias. »

Divers sommets

 Vrais gens, faux témoignages (Regards.fr, 15/11) – « Mais comment font-ils à la télé pour trouver autant de volontaires ? Des témoins qui ont constaté des phénomènes paranormaux, des couples qui ne font plus l’amour mais s’aiment encore, des mères ultra possessives, des femmes qui ont un physique atypique mais qui l’assument très bien… Attention, la réponse pique un peu. Sans dire que tu es totalement pris pour une truffe, ami téléspectateur, disons qu’il y a comme un cousinage. Car pour aligner « du » vrai gens au kilomètre, certains journalistes bidonnent sévère. »

 Tu le connais, toi, Philippe Poutou ? (Vive le feu !, 26/11) – « Depuis quelques temps, je sais pas si t’as noté : la presse dominante publie, tous les quinze jours, des papiers narrant que personne connaît Philippe Poutou, candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pour l’élection présidentielle qu’on a dans quelques mois. La presse dominante voit deux explications à ce « déficit de notoriété » de celui qu’elle n’appelle plus que l’« inconnu du grand public ». Première explication (point complètement illogique, force est d’en convenir) : personne connaît Philippe Poutou parce que personne connaît Philippe Poutou. »

 MCM, June… quand Lagardère s’adresse aux ados, c’est 100 % clichés (Télérama.fr, 07/12) – « Concours de beauté sur June, la chaîne des filles. Sports extrêmes sur MCM, celle des garçons. Chez Lagardère, on n’est pas effrayé par les stéréotypes... Démonstration. »

 Le Pen et Pujadas, même combat (Télérama.fr, 24/11) – « Nous sommes sauvés, annonce David Pujadas en ouverture de son 20 heures : « Face à l’incompréhension, face à l’indignation, le gouvernement s’empare du dossier. » Ouf ! Nos gouvernants vont certainement instaurer des peines plancher pour l’incompréhension et des peines incompressibles pour l’indignation. Pour m’en convaincre, le présentateur annonce un formidable scoop, « la première intervention du ministre de la Justice, Michel Mercier, qui était resté silencieux jusque-là »… Raté : je viens de le voir dans Le 19.45 de M6, il s’exprimait sur le perron de Matignon à l’issue de la réunion convoquée par François Fillon. »

Sommets du rire

 « Une demi-heure pour rien » : un tweet de @pierrotbeerbaum au sujet du quotidien gratuit 20 Minutes

 « Suite au rachat de Rue89, un petit graphique pour comprendre l’empire de Claude Perdriel » (Tweet de Vincent Glad, 21/12) – Le site Rue89 a été racheté par le Nouvel Observateur, propriété de Claude Perdriel, fondateur des sanibroyeurs. Un aperçu en image de son empire, des chiottes à la presse.

 Enfin, nous vous conseillons la lecture du « Figatroll », qui relève quotidiennement les perles publiées dans le quotidien et le site de Serge Dassault.

 
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