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Montpellier plus fait la com’ de la mairie

par Jacques-Olivier Teyssier,

Nous publions ci-dessous, avec l’accord de son auteur un article paru sur le site de Montpellier Journal. Quant à Montpellier plus, dont il question ici, c’est un quotidien gratuit détenu en partie par Midi Libre, le journal régional.[Acrimed]

Un communiqué de presse a été repris quasi intégralement, aujourd’hui, dans le quotidien gratuit, sans indiquer sa provenance. Montpellier journal a demandé des explications à Jean-Jacques Sarciat, rédacteur en chef adjoint de Montpellier plus .

Une simple compilation de dépêches d’agence. C’est bien au delà de ce reproche, parfois fait aux journaux gratuits, que s’est aventuré Montpellier plus, aujourd’hui : un « article » titré, « Bilan – Un été tranquille », reprend, en effet, quasi intégralement un communiqué de presse de la mairie de Montpellier concernant un « arrêté destiné à préserver la tranquillité publique », par ailleurs publié sur le site de la collectivité et daté du 15 octobre.

Belle prose de communiquant

Comme tout communiqué de presse, il présente le point de vue de son émetteur. Exemple : « Cet arrêté permet notamment à la police municipale de jouer pleinement son rôle de médiateur et d’encourager les comportements citoyens, la verbalisation restant le dernier recours. » Belle prose de communiquant. Problème, dans Montpellier plus, il n’est pas indiqué de source et le lecteur du quotidien, contrairement à l’internaute qui consulterait le communiqué sur le site de la mairie, peut ne pas se méfier. Ou se méfier moins, devrait-on dire.

Dans Montpellier plus du 15 octobre :

Contacté par Montpellier journal, Jean-Jacques Sarciat, auteur - tout de même - de deux pages aujourd’hui dans le gratuit, explique, d’abord calmement : « C’est un communiqué qu’on avait reçu et ce sont des éléments que j’avais eus déjà début septembre et que je n’avais pas repris. Donc voilà. » Puis vient la question qui fâche : « Ça ne vous paraît pas contraire à une pratique journalistique ? » Le rédacteur en chef adjoint hausse alors le ton : « Monsieur Teyssier, ça fait deux ans que vous nous cassez les couilles avec votre déontologie. Ça, vous pouvez le prendre texto. Maintenant je ne sais pas où va partir votre article... C’est tout ce que j’ai à dire. » Avant, quand même, de compléter : « L’article n’est pas signé, c’est un communiqué. J’ai enlevé deux-trois phrases qui faisaient briller un peu la mairie. Et puis voilà. Les chiffres sont bons. »

Usage journalistique

Ce dernier point est intéressant. Car, dans le communiqué, il n’est, bien sûr, pas indiqué que ce sont les chiffres de la mairie. Le lecteur du quotidien aurait peut-être aimé le savoir. En effet, quand il est difficile ou impossible de vérifier des chiffres, l’usage journalistique est d’indiquer, par exemple, « selon la police » ou « selon les manifestants ». Quant aux « deux-trois phrases » retirées, il s’agit en fait d’une seule : « Il peut s’expliquer par le travail de prévention et de dissuasion engagé par la police municipale dont une des manifestations a été la présence [...] » La coupe, mal réalisée, est d’ailleurs visible dans le quotidien :

La publication de ce communiqué, tel quel, peut poser d’autres questions. Par exemple, la mairie indique : « Le bilan de cet arrêté confirme un recul des troubles à la tranquillité publique durant cette période. » Le nombre de PV dressés est-il un indicateur pertinent pour évaluer le « recul des troubles » ? Ou encore : en quoi l’arrêté permet à « la police municipale de jouer pleinement son rôle de médiateur et d’encourager les comportements citoyens » ? Quels éléments permettent d’affirmer que « la verbalisation [reste] le dernier recours » ?

« J’ai pas pris un procès »

Questions que nous ne pourrons pas poser à Jean-Jacques Sarciat puisque celui-ci met fin à la l’interview : « Vous pouvez donner les leçons de morale que vous voulez. Peut-être que vous avez raison mais, moi, j’ai fait mon boulot. Ça fait trois ans que je fais mon boulot. J’ai pas pris un procès. Rien du tout. »

Nous ne pourrons pas, non plus, demander à Jean-Jacques Sarciat si le journaliste n’est pas un citoyen comme un autre. Si un autre journaliste ne peut pas s’intéresser à son travail, au même titre que les médias interrogent, par exemple, un élu sur la gestion de sa collectivité ou un patron sur la gestion de son entreprise. Et que les « leçons de morale » n’ont rien à voir avec ça. Mais se placer sur le terrain de la morale évite, peut-être, d’aborder les questions de fond. Par exemple : quelles sont les conditions économiques d’exercice du métier de journaliste dans un quotidien, a fortiori gratuit, aujourd’hui ?

Jacques-Olivier Teyssier

 
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