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Arrêt sur Jean-Marc Morandini, supplétif de la direction de France 5 (avec vidéo)

par Henri Maler, Ricar,

Les tentatives de canonisation de Daniel Schneidermann comme martyr de la critique des médias pourraient prêter à sourire si l’inacceptable suppression d’ « Arrêt sur images » n’avait valeur de démonstration : une suppression révélatrice des obstacles dressés contre toute critique de la télévision à la télévision, même quand cette critique dépasse rarement la critique journalistique du journalisme ; et démonstration également de l’arbitraire des autocrates du secteur public. Ceux de France 5 ont reçu un soutien « de poids » et « d’envergure » : l’ineffable Jean-Marc Morandini [1].

La scène se passe le mardi 19 juin 2007 sur Direct 8, au cours de l’émission dont le titre - « Morandini ! » - est dédié à la gloire de son animateur et dont le site assure la promotion en ces termes : « ‘‘ Morandini ! ’’ est une émission d’information qui s’adresse avant tout à tous les téléspectateurs. »... pour flatter, à leur intention, les petits maîtres et les grandes vedettes de la télévision.

Ce jour-là, en présence de François Jost (professeur à la Sorbonne-Nouvelle, Paris-III) et de Guy Konopnicki (journaliste à Marianne), il est question de la suppression d’ « Arrêt sur images », avec Jean-Marc Morandini dans le rôle du procureur et Jean-François Kahn dans ceux du parano, du n’importe quoi et du complot international !

Quitte à lui déplaire, on ne peut que partager l’avis de Jean-François Kahn quand il dit : « Les médias, les maîtres des médias, les petits princes des médias, détestent qu’on fasse la critique des médias ». Ajoutons : et des émissions de critique des médias.

« Petit prince des médias » lui-même, Jean-Marc Morandini témoigne pour ses pairs et ses supérieurs dont il épouse systématiquement le point de vue, les demi-vérités et les pieux mensonges. Peu importe, en l’occurrence, son hostilité personnelle à l’égard de Daniel Schneidermann : dans l’échange qui suit, Jean-Marc Morandini dessine l’autoportrait d’un petit procureur dont le type est suffisamment répandu pour qu’on s’y arrête (à l’aide d’une transcription aussi précise que possible).

Le duel : Morandini contre Jean-François Kahn

- Jean-Marc Morandini : - « Avec nous en direct Jean-François Kahn. Jean-François Kahn, bonsoir ! »
- Jean-François Kahn : - « Bonsoir. »
- Morandini : - « Merci d’être en direct avec nous. Vous êtes le directeur du journal Marianne. Est-ce que vous, vous comprenez l’arrêt de cette émission ? »

« Ne jouez pas la parano »

- Kahn : - « D’abord ce qu’a dit Guy Konopnicki est juste, c’est-à-dire... - ou, non, avant, ce qui a été dit avant, pardon... »
- Morandini : - « Par François Jost. »
- Kahn : - « Les médias, les maîtres des médias, les petits princes des médias, détestent qu’on fasse la critique des médias. En revanche, ils exigent d’avoir le droit, eux, de critiquer tout. En revanche, qu’on les critique, eux, ça leur paraît insupportable. »
- Morandini : - « Qu’on arrête une émission qui a douze ans, Daniel Schneidermann [sic !], ce n’est pas une chasse aux sorcières : c’est une émission qui est usée, simplement. »
- Kahn : - « Déjà vous avez peur de ce que je dis. Disons les choses comme elles sont. »
- Morandini : - « Je n’ai pas peur. On est en direct. J’ai accepté de vous prendre. Ne jouez pas la parano, Daniel [re-sic]. »

« On ne peut pas dire n’importe quoi, c’est tout ! »

- Kahn : « Vous avez enquêté. Vous savez bien ce qu’ils disent et pourquoi ils le disent... En plus, Schneidermann, c’est vrai qu’il est insupportable. Une arrogance, une espèce d’insolence, insupportable. »
- Morandini : - « Donc pour vous, il est intouchable, Daniel Schneidermann, Jean-François Kahn. Daniel Schneidermann est intouchable. Daniel Schneidermann est intouchable. Il y a douze ans qu’il est là. L’audience de son émission baisse, le concept est usé. Mais faut pas le toucher. »
- Kahn : - « Mais non ! Attendez ! Vous voulez qu’on vire tous les gens... D’abord l’audience...
- Morandini : - « Il est passé de à 5,9 contre 8%. »
- Kahn : - « Je vais vous dire quelque chose : le journal d’Antenne 2, de France 2 baisse totalement. Eh bien ! Est-ce qu’on va virer Pujadas ? Et surtout, est-ce qu’on va virer la directrice ? »
- Morandini : - « Non, mais on va réformer la rédaction : c’est prévu en septembre. »
- Kahn : - « Vous allez dans mon sens. On a l’impression que ce que je vais vous dire vous fait peur. »
- Morandini : - « Arrêtez de jouer la parano. Arrêtez la parano ! »
- Kahn : - « Aujourd’hui, on ne peut rien dire. Tout fout la trouille, vous voyez. »
- Morandini : - « On ne peut pas dire n’importe quoi, c’est tout ! »
- Kahn : - « Alors ne me donnez pas la parole si je dis n’importe quoi. »
- Morandini : - « Alors, allez-y ! »
- Kahn : - « Prenez-la. »
- Morandini : - « C’est ce que je fais. » [sic]

« Un peu dans la thèse du complot international »

- Kahn : - « Est-ce que la rédactrice en chef d’Antenne 2 dont le journal a dégringolé et qui s’est mise à dos toute la rédaction, elle va être virée ? »
- Morandini : - « Non, mais elle va réformer la rédaction » [Rires de Jean-François Kahn]. « On ne répond pas à un problème par l’immobilisme. » [... déclare le chargé de communication d’Arlette Chabot, ndlr]
- Kahn : - « C’est sa rédaction. C’est sa rédaction. Donc, voilà... »
- Morandini : - « France 5 a expliqué qu’ils ont proposé à Daniel Schneidermann de faire évoluer l’émission. Il a refusé. » [... déclare le chargé de communication de la direction de France 5, contredit par Daniel Schneidermann. Mais qu’importe à Morandini - ndlr]
- Kahn : - « Le type d’émissions... Cette insolence-là, je vous dis, on en a fait les frais en plus. Vous savez bien que Moati, ils ont voulu aussi le supprimer parce que, comme par hasard, c’est une des rares émissions de débat où on dit certaines choses. »
- Morandini : - « France 5 a démenti avoir voulu le supprimer. »
- Kahn : - Daniel Mermet que je déteste à part ça, mais qui ose dire des choses sur les médias, on l’a décalé pour qu’il ait moins d’auditeurs. Enfin, vous ne savez pas tout ça ? »
- Morandini : - « Non, mais vous l’apprenez. »
- Kahn : - « On va prendre rendez-vous. Je vais vous mettre au courant : il est temps que vous sachiez ce qui se passe, mon vieux . »
- Morandini : - « Volontiers. Vous êtes un peu dans la thèse du complot international, je pense. »
- Kahn : - « Je suis dans le complot. Excusez-moi : ça fait 50 ans que quand on dit quelque chose qui dérange, on appuie sur le petit nez - vous savez, le petit bouton - et on vous répond : ‘‘ Ah ! Mais vous êtes dans la théorie du complot. ’’ Mais arrêtez ! Regardez les choses en face. »
- Morandini : - « On ne les voit pas de la même façon visiblement. »
- Kahn : - « Parce que vous ne les regardez pas. »
- Morandini : - La vérité est chez vous. »
- Kahn : - « Je fais un constat. Qu’est-ce que j’en ai à faire de Schneidermann, sincèrement ?
Je vous ai dit - Guy Konopnicki vous l’a dit - il n’arrête pas, en plus, de nous asticoter. C’est pas le problème. »

 
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Notes

[1Dont nous avons déjà eu l’occasion de souligner la profondeur de vue : « Jean-Marc Morandini contre Bruno Masure : match “nul” ». Lire également sur la fin d’ « Arrêt sur images » : « Menaces sur “Arrêt sur images” », puis « Suppression d’“Arrêt sur images” ».

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