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Mobilisation du 7 Mars contre le CPE : les filtres du Journal du Dimanche

par Denis Perais, Henri Maler,

Le 5 mars 2006, Le Journal du Dimanche (JDD) consacre un dossier de trois articles au « Contrat Première Embauche », intitulé « Le CPE se joue mardi dans la rue ». Un condensé de sélections, de facto très orientées : tri sélectif des informations, personnalisation sélective du conflit social, présentation sélective des arguments.

Tri sélectif des informations

Quelques affirmations liminaires donnent le ton : « Il y a un mois, les cortèges étaient clairsemés » (c’est inexact) ; « La manifestation nationale du 7 février avait déçu les opposants (c’est inexact) » ; « Un nouvel échec (ce qui suppose que la journée du mois précédent en était un : c’est inexact) affaiblirait le mouvement ». Trois inexactitudes mal intentionnées : l’espoir d’un échec est à peine dissimulé. Surtout quand on constate que Le Journal du Dimanche, pourtant grand consommateur de sondages, se garde bien de mentionner les plus récents qui montraient alors une progression constante du rejet du CPE.

Bien que Bernard Thibault prédise que « la mobilisation va être réussie  », Nicolas Prisette préfère insister sur un émiettement imaginaire du mouvement syndical : « Seuls Force Ouvrière, SUD et la FSU ont appelé à cesser partout le travail  ». « Sud ? » Le journaliste, ignorant ou désinvolte, doit donner ce nom à l’Union Syndicale Solidaires toute entière [1] qui appelle à la grève dans un tract national du 22 février 2006. La CFE - CGC a également déposé, le 22 février 2006, un préavis de grève national de 24 heures [2].

Ignorant ou désinvolte, le journaliste du JDD oublie également de mentionner que si d’autres organisations syndicales n’ont pas déposé de préavis de grève national, la CFDT, la CFTC, la CGT et l’UNSA appellent toutes à la mobilisation le 7 mars et au retrait du CPE, en laissant donc le soin à leurs instances nationales et locales de branches de décider d’un appel à la grève (voir les sites www.cfdt.fr, www.cftc.fr, www.cgt.fr et www.unsa.org) [3] Il faut ajouter que les organisations étudiantes UNEF, Sud-Etudiants et lycéennes UNL et FIDL appellent à la mobilisation par la grève ou par un appel à participer aux manifestations. Mais que pèse une information complète et vérifiée face à la figure imposée de la division syndicale ?

On peut aussi signaler que les parents FCPE et la Ligue de l’enseignement appellent aussi à se joindre aux cortèges (source : www.nouvelobs.com, 6.3.06). Quant à la mobilisation politique, elle est au diapason puisque « onze partis et associations de gauche se sont mises d’accord pour organiser "une semaine d’action" contre le CPE qui culminera avec la journée d’action intersyndicale du 7 mars. En sont parties prenantes le PS, le PCF, les Verts, le PRG, le MRC (chevènementistes), la LCR, Alternative citoyenne, les Alternatifs, la Gauche républicaine, le MARS, Régions et peuples solidaires » (www.nouvelobs.com, 6.3.06). Mais aussi « Lutte ouvrière » (www.lutte-ouvriere.org). Même « Les jeunes UDF des Yvelines appellent, eux aussi, à manifester contre le CPE "dans sa forme actuelle" »[ www.nouvelobs.com, 6.3.06)...

Toutes ces informations étaient pourtant disponibles, sans que le journaliste ait autre chose à faire qu’à consulter ses confrères et Internet. Pris par le temps ou prisonnier d’une représentation partielle et partiale des mouvements qui traversent la vie sociale ? Ou les deux ?

En tout cas, l’absence de zèle mis à informer sur la réalité de la mobilisation pourtant unitaire des syndicats contraste avec l’insistance sur « les perturbations prévues  » et les « désagréments éventuels  » Ainsi, « la journée de mardi s’annonce délicate pour les usagers des transports. Les syndicats des métros, bus et tramways ont déposé des préavis de grève dans 35 grandes villes, dont Lille, Lyon, Marseille et Toulouse. A Paris, les sections CGT et FO de la RATP ont fait de même [...] Sud - Rail et FO Cheminots cesseront le travail dès demain à 20 heures  ». Plus rassurant : « selon la Régie, le métro devrait rouler  », alors que "l’entreprise publique[la SNCF] ne prévoit a priori pas de perturbations  ». Plus grave : «  Les passagers au départ d’Orly et Roissy[qui]devront prendre leur mal en patience. De nombreux vols risquent d’être annulés. Une partie des contrôleurs aériens cessera le travail, ainsi que des agents de Air France et d’Aéroports de Paris  ». Encore plus inquiétant : « il faudra peut-être faire garder les enfants. La FSU, principale fédération d’enseignants appelle à la grève  ». Enfin, « d’autres mouvements sociaux sont à attendre à l’ANPE, La Poste, Radio France. Mais aussi chez EDF et GDF, où Force ouvrière débraye contre la fusion Suez-Gaz de France  ».

Personnalisation sélective du conflit social


Ce n’est pas nouveau. Le Journal du Dimanche - il n’est pas le seul... - privilégie la personnalisation de l’action et multiplie les portraits « plus faciles à réaliser qu’une enquête[...], plus accrocheurs : ils font appel à l’intime, à l’émotion. C’est par ce mode narratif que les téléspectateurs découvrirent les grévistes, souvent ravis de se prêter au jeu en croyant ainsi servir le mouvement » [4]. La parole est donc donnée à sept jeunes étudiants, qui ne représentent qu’eux mêmes, au lieu de privilégier la parole collective des organisations syndicales, étudiantes et lycéennes, qui ont quand même une toute autre légitimité.

Sous le titre « Génération premières désillusions », Anne-Laure Barret présente comme la conclusion d’une enquête ... ce qu’elle fait dire aux entretiens qu’elle a sélectionnés pour réduire la portée de l’opposition au CPE. Le sous-titre, tout en nuances, annonce une opposition nuancée : « Marion, Solène, Abdel, Aline ou Paul... Face au CPE, les étudiants sont nuancés. Ni tout à fait pour, ni tout à fait contre » « Les » étudiants ? Quelques entretiens, comme « échantillon » de l’ensemble, alors que les principales organisations étudiantes appellent à la mobilisation, que des facultés sont en grève et que les sondages, dont est pourtant si friand l’hebdomadaire, montrent un rejet accru du CPE. On voudrait croire qu’il s’agit d’une interprétation confusionniste et non d’une pure et simple manipulation... Des quelques entretiens collectés, notre journaliste conclut, s’agissant des jeunes en général. : « leur précarité leur fait sans doute moins peur qu’ils ne le disent ; ils la connaissent, elle est déjà là ». « Moins peur » ? Ce n’est pas vraiment ce que disent les témoignages [5]... « Moins peur »Faut-il comprendre qu’ils sont résignés et qu’ils tiennent la précarité comme inéluctable ? Ou est-ce l’article lui-même qui, s’appuyant sur leurs témoignages, se pique de pédagogie : la pédagogie de la précarité inéluctable ?

Une « pédagogie » d’autant plus insidieuse que les témoignages sont mise à contribution pour minimiser les divergences d’appréciation entre les anti et pro-CPE « Ni tout à fait pour, ni tout à fait contre ».

La preuve ? Marion affirme qu’elle « se sent coincée entre "politisés qui luttent contre le gouvernement et dépolitisés qui gueulent contre le blocage de la fac », et Solène proclame qu’ « elle déteste autant les jeunes syndicalistes qui "cherchent à imposer leur point de vue", que les étudiants, le nez scotché sur leurs manuels de droit au moment où l’on "chamboule la législation du travail ». Autre preuve ? « Parmi ceux qui ont marché mardi dernier à Paris pour le retrait du CPE, peu étaient disposés à suivre comme un seul homme les meneurs du début de cortège ». Des jeunes bien sous tous rapports qui refuseraient de suivre d‘irresponsables « meneurs » ? « Peu » ? Combien ?

Sans doute ces jeunes existent-ils et la journaliste les a-t-elle rencontrés. Mais elle n’a manifestement rencontré que des jeunes qui contribuent à brouiller les frontières et prêts à souscrire massivement à une version remaniée du « ni de droite ni de gauche » ... qui coïncide étrangement &ave l’image que le JDD veut donner de lui-même. Anne-Laure Barret proclame donc qu’« on voudrait opposer pro et anti-CPE, identifier deux camps aux frontières étanches, mais ça ne marche pas ». Et effectivement, on a quelque peine à comprendre ce qui peut différencier « l’anti » Abdel du « pro » Charles. Ainsi, « Abdel Guelouet, l’anti, développe des arguments que ne renieraient pas Charles favorable à la réforme et inversement ». « L’anti" Abdel Guelouet affirme que « la plupart des jeunes c’est des flemmards, faut se mettre à la place des employeurs » et qu’il « est convaincu qu’un garçon motivé sera engagé en CDI à l’issue des deux ans de CPE », ce qui correspond exactement à ce que dit Charles qui prétend lui que « tout se passe toujours bien quand on fait des efforts ». Pourtant Abdel "est contre la mesure qui soumet l’employé à l’arbitraire du patron. "Deux ans de pression, c’est trop". Charles précisera lui que « les abus seront sanctionnés » [6]

Que de tels chevauchements existent, c’est probable. Mais à ne parler que d’eux, comme s’ils étaient la règle, et c’est le sens même de la mobilisation que l’on prétend interpréter (et dépolitiser), en tout arbitraire.

Présentation sélective des arguments

Cette personnalisation de l’action collective peut créer l’illusion d’une présentation équilibrée de la situation. Mais en passant sous silence les arguments détaillés des différentes organisations syndicales et politiques et en privant les lecteurs d’une comparaison précise entre les différents contrats (CDI, CDD, CNE et CPE), le JDD se borne à placer en regard de quelques témoignages individuels ... le discours gouvernemental et lui seul.

Ainsi, le troisième article, intitulé « Matignon ne veut pas perdre de temps », donne la parole, sans recul et surtout sans contrepartie, au « Villepin’s boys » qui « tablent sur le "bon sens" et le "réalisme" des jeunes confrontés à la rudesse du marché du travail  ». Et insistent sur le fait qu’il faut regarder « les choses en face. Aujourd’hui, 70 % des embauchés de moins de 26 ans se font en contrat à durée déterminée [...] le CDI n’est pas une assurance tous risques pour les salariés. De quelle sécurité parle-t-on ? En France, il y a 530 000 ruptures de CDI par an pour motifs individuels par an ». Conséquence : puisque la précarité existe déjà, il suffit de l’officialiser et de la généraliser. C’est du moins ainsi que ceux qui s’opposent au CPE le comprennent : comme une tentative de d’officialiser et de généraliser la précarité.

Mais les lecteurs du « dossier » du JDD, en dehors de quelques paroles de jeunes, ne connaîtront aucun des arguments qui contestent le diagnostic et le pronostic du gouvernement. Nous en reproduisons quelques uns en « Annexe » pour montrer comment la sous-information peut être une forme de désinformation.

Sous les dehors d’une présentation « nuancée », une prise de parti mal dissimulée. D’autant plus pernicieuse qu’elle n’est peut-être pas intentionnelle, mais l’effet d’un prisme médiatique construit de longue date et inscrit dans des routines journalistiques ajustées au maintien du statu quo. Pour parachever le détournement de sens de la mobilisation collective, l’hebdomadaire laisse entendre qu’elle est ringarde, en évoquant (en applaudissant) ces jeunes qui « semblent bien décider à tirer leur épingle du jeu en poursuivant leur quête individuelle du bonheur ». Une évaluation purement idéologique sèchement démentie par la progression de la mobilisation étudiante.

Denis Perais et Henri Maler

Annexe - Quelques arguments passés sous silence par le JDD

On peut ne pas souscrire à ces arguments. Encore faudrait-il ne pas les omettre...

La précarité, si elle se développe bel et bien, n’est pas (encore) la règle. La précarité ne permet pas de favoriser l’embauche : raison suffisante de ne pas la généraliser. Florence Lefresne, socio-économiste et chercheuse à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), rappelle en effet dans un article intitulé « Précarité pour tous, la norme du futur », paru dans Le Monde Diplomatique de mars 2006 que « le CDI à temps plein demeure majoritaire. Son poids diminue, mais il représente encore 86 % de l’emploi salarié en 2004 (91 % en 1975). » Mais, précision décisive : « Surtout, sa part [celle du CDI] dans le recrutement s’accroît dans les périodes de reprise de la croissance. Ainsi, entre 1997 et 2001, les entreprises ont largement recruté en CDI, ce qui relativise la thèse selon laquelle elles auraient un besoin objectif de flexibilité de l’emploi fondé sur les nouvelles conditions productives  ». Et cette thèse est confirmée, même par des économistes libéraux par ailleurs supporters d’une « réforme » rendant plus flexible le contrat de travail à durée indéterminée, Pierre Cahuc de l’université Paris-I, Centre de recherche en économie et statistique et Stéphane Carcillo économiste au centre d’économie de la Sorbonne, université Paris-I et CNRS, dans une « tribune parue dans Libération du 7 mars 2006, sous le titre « CNE,CPE, c’est très peu » : « Le défaut essentiel du CNE et du CPE est donc de modifier le droit du licenciement à la marge, en prolongeant la tendance consistant à accroître les inégalités de traitement entre le contrat à durée déterminée et les autres contrats de travail. De nombreuses études ont démontré que cette stratégie est inefficace pour réduire durablement le chômage. L’exemple de l’Espagne est à ce titre parlant, puisque ce pays a atteint en 1994 un taux de chômage de 20 % alors que près d’un tiers des salariés étaient en CDD (soit plus de trois fois plus qu’en France actuellement). Aujourd’hui, après d’importantes réformes du contrat de travail à durée indéterminée, le taux de chômage y est de 1 point plus faible qu’en France. » Pas un mot sur cette controverse dans le JDD...

Autres arguments des opposants au CPE : bien que les CDD et le CDI ne soient pas la panacée, ces contrats bénéficient d’un encadrement juridique plus protecteur que les CPE et CNE, notamment en termes de protection contre le licenciement. De surcroît, ces contrats sont contraires aux lois de 1973 et 1975 sur les licenciements individuels et économiques qui font obligation aux employeurs de justifier le licenciement par une cause réelle et sérieuse. Ce qui signifie que, au regard du droit actuel, ils sont illégaux. Ils sont également incompatibles avec la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail qui stipule qu’ « un salarié ne peut être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ». Pas un mot sur cette controverse dans le JDD...

Enfin, cerise sur le gâteau, Virginie Le Guay insiste sur « le succès du contrat nouvelles embauches (CNE), lancé à l’automne (350 000 contrats signés) ». Encore raté ? Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo (que l’on souscrive ou non à la totalité de leur argumentation importe peu ici, quand il s’agit de souligner simplement qu’il n’est pas acceptable de présenter comme information avérée des interprétations controversées) affirment ceci : « [...] même si le CNE et le CPE aboutissent dans les premiers mois à un supplément d’embauches, celles-ci auront un impact faible sur l’emploi, car il y aura plus de licenciements, parce que les nouveaux contrats sont plus flexibles que CDD et CDI réunis, mais aussi et surtout parce que les entreprises auront fréquemment intérêt à ne pas faire durer ces contrats au-delà de la période de “consolidation” de deux années. Il s’agira en effet d’éviter pour elles de retomber dans le régime inchangé du CDI, protégé par des procédures très coûteuses à partir de deux ans d’ancienneté. L’argument, souvent avancé, selon lequel les entreprises garderont après deux ans une large majorité de salariés embauchés initialement en CNE ou en CPE, parce qu’elles les auraient testés, ne tient malheureusement pas. Aujourd’hui, ces entreprises peuvent avoir recours au CDD à cette fin (en contournant les cas de recours prévus par la loi), et elles le font déjà largement. »

En clair, selon nombre d’analystes, les entreprises vont surtout bénéficier d’un « effet d’aubaine ». C’est exactement ce qu’affirment certains artisans dans Le Parisien du 5 mars 2005, pour le déplorer, « La Capeb (les artisans du bâtiment) estime que le contrat nouvelle embauche (CNE) est "inapproprié" pour son secteur d’activité, déplorant que "l’apparente facilité" de rupture du contrat ne conduise à des "effets d’aubaine malencontreux". La confédération patronale considère [même] que le CDI(contrat à durée indéterminée) doit rester le contrat de "référence". »

Tous ces arguments ont été soustraits (du moins dans le « dossier » analysé ici) à l’examen des lecteurs du JDD, journal d’opinion comme les autres, mais qui se défend de l’être.

 
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Notes

[1Qui comprend des syndicats Sud, mais pas seulement, et au total 39 syndicats nationaux ou fédérations de syndicats

[2Consultable sur le site www.cfecgc.org

[3Le site de la CGT est le plus complet puisqu’il donne par la liste des manifestations (au total 160 recensées) par département, en précisant là où il y a appel à la grève. Et ils sont nombreux. Le journaliste du JDD aurait pu lire sur le site de la CFDT que « La mobilisation contre le CPE s’amplifie". Quant à la Confédération nationale du Travail (CNT), elle appelle à s’"organiser en assemblées générales et voter la grève le 7 mars" [Libération, 6.3.06). Dans la fonction publique, outre la FSU, « la CGT Fonctionnaires appellent à la grève. La Fédération CGT des Services publics (fonction publique territoriale) appelle les agents des collectivités locales (régions, départements, communes) à cesser le travail. Les fédérations syndicales des Finances CGT, FDSU, FO, CFDT et Unsa appellent “l’ensemble des administrations du ministère de l’Economie à faire grève”[...] Dans les médias, le SNJ-CGT appelle à la grève à France 3, M6 et Radio France. [ibidem] . Dans les postes télécommunications, « cinq syndicats (CFDT, CFTC, CGT, FO et Sud) appellent les salariés à “participer massivement, y compris en décidant la grève”, à la journée contre le CPE ». Dans l’Energie, « outre la fédération FO Energie qui relaie l’appel confédéral, la CGT Energie a lancé un appel à des “arrêts de travail” » (Le Figaro, 6.3.06). Et la liste n’est pas exhaustive.

[4Gilles Balbastre et Pierre Rimbert, « Médias, gardiens de l’ordre social », Le Monde Diplomatique, novembre 2003.

[5Exemples. « Le logement, c’est leur croix à tous. Abdel Guelouet habite dans l’appartement de ses parents à Bobigny[...] Mais, ça ne pourra pas durer toujours ». « Marion loue un studio à Paris pour 600 € et se sent coupable de grever le budget familial. Aline Pelletier, partage avec deux amies un 55 m2 loué 1 450 € et peine à joindre les deux bouts. Tous ces étudiants fauchés, craignent de voir s’étirer indéfiniment la transition entre l’enfance et l’âge adulte. Une crainte qui nourrit leur opposition au CPE...  ». Et pourtant certains indices laissent penser qu’ils ne sont pas tous issus de familles paupérisées.

[6Autre brouillage. Cette fois-ci, c’est le «  pro-CPE  », Paul Dalla Pria, qui est « opposé » à « l’anti-CPE » Marion. Le premier, pourtant « fervent défenseur du libéralisme économique, révèle qu’il se destine à la carrière de magistrat, bien au chaud dans le cocon ouaté de la fonction publique de l’Etat » Qui parle de ce « cocon ouaté », le futur magistrat ou la journaliste pénétrée de tous les préjugés contre les fonctionnaires ? La seconde " rêve de devenir une réalisatrice de cinéma. Son avenir est incertain, elle s’en fout ". Soit une profession aux contours nettement plus proches du standard journalistique, plus « valorisante » que le travail de « rond de cuir » de fonctionnaire. Mais pourquoi une personne favorable au CPE ne pourrait-elle pas embrasser une carrière dans la fonction publique, et une autre qui y serait hostile s’aventurer dans une profession précarisée ? Mais cette apparente contradiction n’a qu’un seul objectif : essayer de gommer au maximum les divergences entre les deux ; montrer que finalement, leur désaccord est secondaire.

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