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L’actualité des médias n°32 (1er-22 oct. 2004)

par William Salama,


I. Publicité

 Records d’audience et records d’investissements publicitaires. La télévision n’a jamais été autant regardée a étudié le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) : une moyenne de 3 heures et 20 minutes par jour entre janvier et septembre 2004. En parallèle ou en conséquence, les investissements publicitaires ont progressé de 6,1% sur la même période par rapport à 2003, à 3,7 milliards d’euros. Mais la fin des haricots sonne, car depuis fin septembre, les bénéficiaires craignent le reflux publicitaire, et notamment celui du premier poste, l’agroalimentaire (La Tribune, 19 octobre). Moralité : gamelles en bourse (- 1,66 % pour M6 en bourse le 18 octobre).

 La manne des technos. Restent les ressources des « technos » pour se renflouer. Pour la télévision, grâce à des pratiques larvées incitant aux envois de messages texte (les SMS) surtaxés « écrits par des téléspectateurs » qui gagnent aussi bien les écrans des « programmes de divertissement que ceux des journaux télévisés », observe Le Monde (20 octobre).

La presse écrite (36 %) et la radio (42 %) profitent aussi de cette manne des annonceurs - des sociétés qui vendent des sonneries musicales à télécharger sur mobiles [1] - qui ciblent les jeunes rappelle également le quotidien (Le Monde, 21 octobre).

 TF 1 abuse. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) enquête sur un abus de position dominante de TF1 Publicité sur le marché des chaînes thématiques (Stratégies Newsletter, 18 octobre).

II. Audiovisuel

 Piratage. Contamination : « Le piratage sur Internet gagne (aussi) les programmes télé » remarque La Tribune du 11 octobre, et donc fait perdre de l’argent à l’ensemble de la chaîne (de l’auteur au distributeur du DVD).

 ADSL. Alors que le diffuseur France Telecom annonce devenir « compétitif sans la TV sur ADSL », Le Parisien (15 octobre) en profite pour jouer les marchands de tapis pour les fournisseurs d’accès Internet, comme en témoignent le titre de « Une » qui ressemble à une publicité : « Profitez de la guerre CanalSat - TPS  » (15 octobre), et à l’intérieur, ce qui ressemble à du publi-redactionnel : « Les deux bouquets au banc d’essai  », avec fiche technique « Avec l’ADSL, plus besoin de parabole  »...

Il sera maintenant possible de téléphoner, regarder le télévision, surfer et je-ne-sais-quoi en même temps, grâce à l’ultra-débit (3 fois plus rapide que le plus élevé du débit actuel). L’opérateur Free le lance au moment où il est autorisé à diffuser des chaînes hertziennes dans son bouquet TV sur ADSL. Les autres FAI [2] vont suivre.

 Financement du service Public. France Télévisions était « sous haute tension » (L’Humanité du 04 octobre), la CGT et la CFDT ayant quitté le Conseil d’Administration qui a donc continué sans eux à discuter du budget 2005 qu’ils contestent. Et France Télévisions risque de rester tendu si, même Le Figaro (20 octobre), en vient à titrer : « L’impossible budget de France Télévisions  » et note : « L’augmentation de son budget de 2,8% ne permettra pas au groupe audiovisuel public de remplir la totalité de ses impératifs de développement. »

Dans ce contexte, 12 associations professionnelles de l’audiovisuel dont la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) réclament « une réforme ambitieuse du financement de l’audiovisuel public et du soutien à la création audiovisuelle ». Bon courage

 Service Public au service de BHL. France 5 à offert à Bernard-Henri Levy 150 000 euros (un tiers de la somme totale) pour l’aider à filmer un documentaire qui s’avère instructif sur la réfection de sa villa tangéroise. Rony Brauman, administrateur de la chaîne jugeant cela « inacceptable » a dénoncé ce documentaire qui coûte « trois fois plus que d’habitude que le milieu du documentaire est dans la panade ! ». Il a menacé de démissionner le 13 octobre, pour le 14 décider de rester (Le Canard enchaîné, 29/09/04 ; Libération, 13 & 14/10/04).

 Câble et Satellite. Logiquement, Patrice Leleu, le PDG de Noos et depuis peu de UPC France a annoncé son intention de faire « converger » les deux. Certes, pour faire face à France Telecom et à Numericâble (en passe d’être cédé à Cinven), mais surtout pour être moins ridicule face à aux offres ADSL galopantes et convergentes des opérateurs satellites, fournisseurs d’accès Internet, téléphonistes, etc.

 Chiffre d’affaires des télés thématiques en 2003. Le chiffre d’affaires des « thématiques » a progressé de 5% en un an pour totaliser 893,6 millions d’euros (selon le CSA, 21 octobre), se multipliant par 8 en dix ans.

 Lobbying et affaires publiques. Echauffements. Le 6 octobre, les distributeurs (exportateurs et importateurs) français de programmes de télévision créent un syndicat européen : le Sedpa. Il « militera » notamment pour rendre éligibles les activités des distributeurs dans les futurs programmes de soutien.

L’Acces (Association des chaînes conventionnées éditrices de services), un lobby du câble et du satellite, se sentant lésé, est déjà en activité : il demande un relèvement des subventions accordées aux chaînes thématiques par le Compte de soutien aux programmes.

On note aussi la création d’un « club parlementaire sur l’avenir de l’audiovisuel » : 70 personnes (parlementaires, professionnels et industriels du secteur).

Enfin, le groupement « Télévision numérique pour tous », qui fédère France Télévisions, AB, NRJ, Bolloré, Arte, LCP-AN et Public Sénat (sans TF 1 et M6) pour orchestrer dès novembre des actions envers les professionnels, avant une offensive début 2005 à destination du grand public.

C’était le 7 octobre, mais, depuis, la TNT a repris un coup dans l’aile...

 TNT. Le retour au calme, après les agitations lobbyesques des protagonistes, devenait angoissant : la norme MEPG-2 (contre les desiderata du lobby pro MPEG-4 de TF 1) semblait « favorite » pour le lancement de l’arlésienne, aux dires des Echos du 1er octobre, avec la possibilité pour ménager la puissante coalition de Le Lay d’ajouter en deuxième temps la norme MPEG-4 (Le Figaro parle joliment d’une « expérimentation », 19 octobre).

Mais les actes passés se sont subitement rappelés aux bons souvenirs. Car avant que de s’en prendre aux normes, TF 1 lorsqu’elle ne voulait pas (ou moins) de la TNT avait également intenté diverses actions en justice pour retarder son lancement. L’une vient d’aboutir, le 20 octobre, sur une soi-disant une victoire de TF 1. Canal Plus va être obligée de revoir sa copie pour son offre de Télévision numérique terrestre (TNT), le commissaire du gouvernement a donné raison à TF 1 qui, dans une requête administrative déposée devant le Conseil d’Etat, contestait le nombre des autorisations accordées à Canal Plus et Lagardère pour la TNT pour une histoire de concurrence mal placée.

Une occasion que Le Figaro Economie du 8 octobre saisit pour déballer : « Financement, norme technique, diversification... les points noirs subsistent ».

Ce nouvel épisode fait donc craindre le lancement du quatrième mode de diffusion menaçant et prometteur [3].

D’où ce cri de désespoir des « nouveaux entrants » : des victimes collatérales (AB, Bolloré et NRJ) [4] - appuyées par le CSA (visiblement exaspéré) - qui dénoncent « l’éventuelle interruption » du processus de lancement. Le 7 octobre, le lancement était toujours prévu pour début mars ; depuis, le gouvernement, bien « embarrassé », évoque désormais la fin 2005 (Le Figaro 21 octobre).

Les journaux ont titré un peu vite sur la victoire de TF1 face à Canal Plus. Car le CSA va devoir organiser un nouvel appel d’offres : ce dont se « réjouirait » (sic) (Les Echos du 15 octobre) Canal Plus, et permettrait à l’ensemble des protagonistes de reformater et recalibrer les offres en fonction de nouvelles données (le lancement des gratuites en premier lieu, et des payantes six mois plus tard) plus lucratives.


III. Presse écrite, édition.

  Presse Quotidienne Régionale. Michel Nozière, directeur de la presse quotidienne régionale au sein du groupe Socpresse (Dassault), a indiqué le 19 octobre que Le Dauphiné Libéré préparait une nouvelle formule et a confirmé que Ouest France avait fait « part de son intérêt » pour le pôle Ouest (La Tribune, 21 octobre).

Autre information : Dassault continue le " ménage " à La Voix du Nord en débarquant André Soleau, promu patron en juillet dernier après l’éviction non moins brutale de Jean-Louis Prévost.

 Presse Quotidienne Nationale. Des nouvelles de la crise (lire aussi Les difficultés de la presse écrite... selon la presse écrite).

- Le Parisien  : Tout va bien : « Le Parisien veut gagner de l’argent d’ici deux ans » (La Tribune du 1er octobre), et 5 octobre leur « rotos » étaient en grève (Libération).

- Le Figaro  : De plus en plus indépendant. En virant Yves de Chaisemartin en rachetant ses parts, Dassault a changé son état-major au Figaro y en appelant le très admiré des leurs, Nicolas Beytout des Echos, lequel, averti par sa science d’économiste, déclare opportunément vouloir être « indépendant de la publicité et des groupes de pression  » (Le Monde, 1er octobre). Il dispose des « garanties nécessaires » de Monsieur Dassault, mais ne dit un mot sur l’indépendance politique, cependant. Pour information : le SNJ-CGT a estimé derechef dans un communiqué que sa nomination était « une insulte aux principes professionnels de tous les journalistes ».

- France soir  : Encore repris. « La vente de 70% du quotidien à l’homme d’affaires Ramy Lakah pour 4,5 millions d’euros. Poligrafici va reconstituer le capital social de la société à 1,5 million d’euros et les pertes enregistrées au 15 septembre seront effacées ». France-Soir va être repris par Raymond Lakah dont les casseroles égyptiennes sont révélées par Libération (16 octobre) sans mention de sources. Le projet de redressement, si l’on s’en tient à ses déclarations, ne manque pas d’ambitions.

Pour rassurer le landernau, Françoise Sampermans (ex-directeur du département quotidiens aux NMPP) est nommée au conseil d’administration ; nouvelle maquette et contenu sont soumis aux bon conseils de Jean-François Kahn, sous la responsabilité de Valérie Lecasble (ex- Edj, BFM) nommée directrice de la rédaction : pour une ligne éditoriale « davantage axée autour des questions sports, consommation et faits divers », avec le projet de décliner, la marque France- Soir sur « d’autres supports ».

Dans la foulée, on annonce la naissance de France Soir International, sorte de Guide Michelin pour les touristes : « Il y a une grande demande sur ce créneau. La France est le premier pays d’accueil au monde de touristes. Il y a 14 000 hôtels en France. La France compte pas moins de 3,5 millions de résidents étrangers. France Soir International sera le journal des résidents anglophones. Il a pour vocation de les aider dans leurs démarches mais aussi de leur faire aimer la France » ». André Bercoff, le précédent directeur de la rédaction, s’en chargera.

- L’Humanité  : Nouvel appel. L’Humanité (hebdo) du 9 octobre de vouloir agir haut et fort, mais surtout pour son lectorat : « l’urgence d’un débat public », « les politiques ont désinvesti les questions qui relèvent des médias », « comment organiser la relève », « les diffuseurs se paupérisent ».

 La presse au Lycée ? Une Etude Europqn rapporte que les jeunes lisent de moins en moins de quotidiens (chute de 18 % depuis 10 ans) à cause du « prix » et « des points de distribution ». D’ailleurs, «  la distribution, devient le chantier prioritaire d’Anne-Marie Couderc au SMPI  » relayent Les Echos du 22 octobre. Ce qui va faire plaisir aux kiosquiers mais ne résoudra pas profondément le mal qui est politiquement éludé.

Il y aussi cet énième rapport (Spitz) qui, ça tombe juste, veut réconcilier les jeunes et la presse quotidienne en proposant « un abonnement gratuit de deux mois  », espérant « favoriser l’utilisation de la presse comme support pédagogique dans les collèges et lycées  », et « vendre les quotidiens à l’intérieur même de ces derniers  ».

Un rapport qui a cependant reçu une réaction mitigée de la « profession » selon Le Figaro 7 octobre. Et pour cause : le mariage du commerce et de l’éducation est tout sauf évident !

 Gratuits/A nous l’oseille. 13 octobre, Le groupe belge Roularta Media Group annonce le lancement début novembre de deux " quinzomadaires " : « A Nous Lille  », et « A nous Lyon  ». Annonce en tête de proue du groupe qui compte développer dans les prochains mois une série d’éditions dans les autres grandes agglomérations françaises. Ces « A nous province » reprendront le « concept » et la ligne éditoriale du city-guide « A Nous Paris » de la Comareg, avec qui Roularta a conclu un accord de marque et un partenariat commercial.

Par ailleurs, Libération (15 octobre) laisse filtrer une information sur un projet de gratuit de la Socpresse (Le Figaro...), « à l’étude ».

 Editis [5]. Alain Kouck, président d’Editis, qui dispose de 300 millions d’euros pour son développement, use du jargon guerrier : « La force d’Editis, c’est d’être immédiatement opérationnel » (Le Figaro Economie du 2 octobre).

IV. Et pour finir ...

 Un livre libéré ? L’institut Presaje (Prospective, recherches et études appliquées à la justice et à l’économie) et les Editions Dalloz publient un ouvrage collectif sur le thème de « la libération audiovisuelle » (un titre prometteur !) sur les enjeux de la révolution commerciale, technologique et juridique qui s’annonce dans tous les compartiments de l’audiovisuel, de la télévision à Internet en passant par la musique et le spectacle. Venant d’une école de commerce (HEC) l’ouvrage ne devrait pas être très critique. A lire pour savoir...

 
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Notes

[1« Les offreurs de services de téléphonie mobile qui ont investi de janvier à août 2004, 264 millions d’euros en publicité, soit une croissance de 37,5 % par rapport à l’an dernier », estime Eric Trousset, directeur marketing de l’institut TNS Media Intelligence

[2Fournisseurs d’accès Internet.

[3En effet, d’autres acteurs font ça et là des déclarations d’intention pro-MPEG-4, comme Giuliano Berretta, le directeur d’Eutelsat qui apporte son expertise : « La TVHD, enjeu de politique industrielle pour l’Europe » (Les Echos du 14 octobre). Ou Microsoft qui « s’invite dans la TNT Européenne » (Les Echos du 18 octobre).

[4Michèle Cotta, Philippe Labro et Jean-Paul Baudecroux : « Nous ne nous laisserons pas faire » (Les Echos du 22 octobre).

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