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RER D - 7. La pensée en surplomb : de « l’élévation » des commentaires...

par Elisabeth Moineau,

Lundi 12 juillet. Tandis que le journalisme d’information témoigne de son respect scrupuleux de l’exactitude, éditorialistes et commentateurs donnent la pleine mesure de leur talent. Qu’importe les faits, pourvu qu’on ait l’ivresse...


« La liberté de la presse [...] réclame rigueur et exigence »

(Nicolas Hénin, journaliste à France Inter) [1]
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Les informations tournaient déjà au commentaire. Elles étaient imprégnées d’une indignation - qui eut été légitime si les faits avaient été vérifiés - mais aussi de divagations inacceptables, d’autant plus faciles à identifier que le « fait divers » qui leur a servi de prétexte relevait de la fabulation.

Apparaissait ainsi en filigrane la grille de lecture - tolérant quelques variations - qui gouverne les commentaires, et qui orientent également l’information, les deux finissant parfois par se confondre.

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Combattre l’antisémitisme et la lâcheté ?

« Riposter ! »  : tel est le titre de l’éditorial de Jean-Paul Pierot dans L’Humanité.

Riposter ? Soit, mais à quoi ?

D’abord, à la « barbarie », incarnée ici par cette « signature ignoble » infligée à la victime, qui s’est retrouvée « la peau maculée par des croix hitlériennes, sous des vociférations antisémites. » Et l’éditorialiste de confier le « sentiment de honte » qui l’« envahit » à la pensée « qu’un tel acte, où s’exprime tant de haine et de bêtise, puisse être perpétré aujourd’hui encore en France. »

Second motif d’indignation, la « honte aussi, il faut bien le dire, de cette lâcheté collective, de cette démission de citoyenneté qui laisse un être humain en pâture à des brutes ». « Cette véritable non-assistance à personne en danger, poursuit-il, traduit malheureusement à tous les niveaux une certaine acceptation, ou du moins une banalisation de l’inacceptable. »

Partageons, un instant, cet double indignation, en oubliant provisoirement qu’elle était, en l’occurrence, infondée.

Un pas de plus est franchi dans Libération par Jean-Michel Thénard qui, évoquant une « une bande armée », voit dans ce « fait divers monstrueux » la « confirmation » d’une « gangrène qui se répand dans la société française ». Une gangrène où - refrain connu [2] - « antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme [sont] mêlés, comme aux pires heures de l’histoire ».

Et c’est au nom de l’histoire que Jean-Michel Thénard prend à partie les passagers fantômes car, dit-il, « rien n’excuse l’indifférence. L’indifférence qui ramène là encore aux heures sans gloire d’un pays qui a laissé sa police rafler des juifs et prétendait alors ne rien savoir de leur destinée ».

Et d’en appeler à l’expression d’un « ras-le-bol citoyen » afin de « ne pas laisser croire que c’est à coups de surenchères policières que l’on mettra fin aux dérives d’une société malade de ses fractures sociales ». Une touche de modération perdue au milieu de tant d’exagérations qu’elle finit par ne plus servir ce qu’elle vise.

Une seconde « analyse » complète la précédente, en explorant le thème de l’antisémitisme que le titre de l’article présente d’ores et déjà comme « Une escalade “préoccupante” ».
D’un diagnostic souvent acceptable, on glisse à des affirmations proprement sidérantes sur ce fait divers qui signerait « supplémentaire franchi dans la sauvagerie ». Ainsi, la journaliste rapporte sans aucun recul les propos hautement analytiques d’Ariel Goldman qui estime que « les cheveux coupés et les croix gammées dessinées rappellent les modes opératoires nazis. » Et, du même, cet aveu d’impuissance qui se pare de la fermeté en « [demeurant] convaincu qu’une arrestation rapide et une condamnation très lourde pourraient marquer un coup d’arrêt à ces exactions ».
Et si Mouloud Aounit a droit à l’attention qu’il semble mériter lorsqu’il demande « Qu’on arrête les auteurs de ce genre de forfait » et « que la loi soit appliquée avec force ! » la journaliste retrouve son sens critique, dès qu’il commence à évoquer « l’exclusion sociale » car, tranche-t-elle, « certains discours antisémites perdurent, y compris dans les classes moyennes issues de l’immigration maghrébine ».
« Aujourd’hui, poursuit “l’analyste” de Libération, la situation est critique. Les propos antisémites se sont banalisés, provoquant des passages à l’acte de plus en plus nombreux. Et de plus en plus violents », avant de conclure, comme son confrère de l’Humanité, sur un paragraphe plus critique à l’égard de la politique de Jacques Chirac.
Un minimum qui se révèle bien accessoire après avoir généreusement fourni à l’idéologie répressive toutes les justifications dont elle avait besoin pour gagner les esprits.

Mais l’indignation ne s’arrête pas aux limites de la capitale. Elle parcourt toute la France éditoriale : mêmes thèmes, même glissements.

Dans La liberté de l’Est , Gérard Noël ne cache pas son indignation devant ces « actes terrifiants perpétrés par de sordides individus dénués de toute conscience ». Cette « violence [...] ravive notre colère tant elle ressort du domaine de la bêtise et de la lâcheté. »

Indignation partagée par Christophe Tézier dans L’Union face à ce « fléau qui menace la paix civile ». Mais avec ce recours à l’histoire : « Abjecte, insupportable, odieuse, barbare, écœurante [...] les adjectifs ne seront jamais assez durs pour qualifier l’agression à caractère antisémite dont a été victime vendredi une jeune femme par des nazis de banlieue. Infamie qui renvoie notre pays à ses heures les plus sombres du siècle passé. » [souligné par nous]

Même thématique dans les Dernières nouvelles d’Alsace . Pour Dominique Jung, « transformer quelqu’un en victime parce qu’il est censé appartenir à un groupe discriminé est le premier pas vers le pogrom ou la guerre ethnique. »
L’éditorialiste rappelle ainsi que « les juifs gazés dans l’Europe hitlérisée », entre autres, « ont dû leur malheur au fait que leurs tortionnaires ont commencé par scruter leur carte d’identité et par en tirer des conclusions effroyables... »

Dominique Garraud, dans la Charente Libre , estime lui aussi « dans ce fait-divers sont réunis tous les éléments qui contribuent à donner la nausée ». Autrement dit « tous les marqueurs de la haine, de l’obscurantisme et de la lâcheté ».
Mais l’événement, dont la gravité ne ferait aucun doute s’il était vérifié, justifie-t-il que l’on invoque ici les prémisses de la Shoah ?
C’est pourtant ce que n’hésite pas à faire Dominique Garraud. Ce fait divers « n’est en rien un acte isolé », affirme-t-il et il donnerait du « crédit à ceux qui préviennent contre le retour en force de la gangrène raciste et antisémite qui avait conduit Hitler au pouvoir et six millions de juifs vers les ténèbres de l’Holocauste. ».

Ce fait divers rappelle également les « heures les plus sombres du siècle passé » à Henri Jacques. Pour l’éditorialiste de La République des Pyrénées , « ce train de la banlieue parisienne où une jeune femme, vendredi dernier, fut battue, humiliée, son bébé jeté à terre, par une bande de voyous qui l’avait désignée comme “juive” », évoque « un mois de juillet, en 1942, quand plus de 12 000 juifs dont le tiers d’enfants - ont fait l’objet en quelques jours d’une rafle par la police française dans l’indifférence du plus grand nombre, voisins, passants, qui préférèrent détourner la tête ».
Face à ce manque de « solidarité spontanée », l’éditorialiste appelle à une « répression sans répit » doublée d’une « éducation sans relâche ».

Certains haut-parleurs zélés en profitent même pour prolonger la leçon de civisme. Ainsi, Jean Levallois, tout en fustigeant dans La Presse de la manche les « six fauves armés », estime que « La véritable horreur, plus que les actes odieux et inadmissibles des six clampins abrutis du RER, c’est le comportement des gens ordinaires, c’est-à-dire vous ou moi, par hasard là, et qui ne voient rien, n’entendent rien, perdus par le vide cérébral qu’ils s’imposent pour ne plus être, en aucun cas, aux élections ou dans le métro, le RER ou ailleurs, le moins du monde responsable ». [Souligné par nous].
Plus horrible qu’un acte antisémite, la passivité de ceux qui en sont les témoins ! Et identique à cette passivité, l’irresponsabilité (l’abstention ?) électorale !

Toutes les outrances semblent permises, et toutes les occasions sont bonnes pour rappeler les citoyens à leur devoir de consentement...

A voir l’ensemble des éditoriaux, la « répression sans répit », dut-elle être impuissante, a indiscutablement plus de succès que « l’éducation sans relâche ».

Cela commence pourtant par un « simple » constat d’impuissance, doublé d’un appel à l’action.

Philippe Waucampt, dans le Républicain lorrain , estime que les réactions des responsables politiques « [témoignent] de l’impuissance des élites à ne réagir autrement que par des propos convenus... »

Même constat de la part de Jean-Christophe Giesbert, qui nous explique dans La Dépêche du midi, que cette « ignoble agression [...] d’une jeune femme “suspectée” d’être juive vient, rappeler, de bien cruelle manière, l’urgence absolue à endiguer ce fléau. »

Sentiment partagé également par Jacques Camus, qui condamne dans la République du Centre cette « abjecte agression antisémite » et estime qu’ « il va falloir que les pouvoirs publics agissent pour retrouver les coupables et les sanctionnent exemplairement », car « la surenchère dans les déclarations d’indignation ne saurait suffire (...) ».

A la « surenchère dans les déclarations d’indignation » répondra par conséquent une surenchère dans les appels à une répression de plus en plus généralisée.

Les « six salopards qui ont agressé une jeune femme et son bébé [...] méritent une sanction ferme, forte et exemplaire », martèle Jean-Claude Arbonna dans la Nouvelle République du Centre-Ouest .

Pierre Taribo, a retenu la leçon : il appelle dans L’Est républicain à « lutter sans relâche contre ce processus dangereux, méprisable et révoltant ». Lequel ? La suite le laisse deviner...
Selon lui, « [le] pays qui aurait tort de baisser la garde devant la répétition des infamies qui flétrissent son honneur. » Il évoque une « société impuissante à traiter le problème de l’immigration » et « la perte de tout repère dans les cités chaudes », menacées par la malédiction des ghettos. Une société où la « [progression de] l’islamisme le plus virulent, nourri par des groupes radicaux qui agissent un peu trop à leur guise ».
« Pour combattre le poison qui se propage, conclut-il, la première urgence est de passer des exhortations aux travaux pratiques pour retrouver et condamner avec la plus grande sévérité les auteurs de ces odieux forfaits. Car aujourd’hui l’indignation ne suffit pas. »

Puisque nous sommes impuissants, soyons terribles ! Patrice Carmouze, dans Eclair pyrénées , n’y va pas par quatre chemins. « Au-delà des mots, des grands discours et de cette ombre portée et redoutée de l’antisémitisme, c’est bien à une sorte de bêtise incommensurable, d’imbécillité crasse, de stupidité absolue que nous avons affaire. »
Et face à ces « sombres crétins », qui ne savent que « laisser parler la seule langue qu’ils connaissent et qu’ils respectent, celle des armes et des poings », Patrice Carmouze assure que « malheureusement, aucun exercice ou devoir de mémoire, aucun Chambon sur Lignon ne seront de taille à lutter. » Exit, l’éducation...
Selon lui en effet, avec ce genre d’« appel au courage, à l’honneur, au sens de la fraternité, c’est à l’intelligence des êtres qu’on s’adresse. Mais dans cette agression du RER, la référence à l’intelligence n’est pas de mise. »
De là cette conclusion péremptoire, fanfaronne et ... résignée : « Seule, peut-être, une répression féroce et rapide pourrait avoir quelque influence, et encore. » [c’est nous qui soulignons]. Que faire, alors ?

Progrès de la décentralisation ? Si l’on veut... Régionalisation de l’outrance éditoriale parisienne, en tout cas.

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Contre les jeunes maghrébins et la francophobie ?
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Mais les commentateurs ne se sont pas contentés d’agiter le spectre du 3e Reich pour justifier un appel à la répression. Car nos “néonazis” fantômes ont une autre caractéristique qui ne leur a pas échappé : ils sont « d’origine maghrébine ».

Cela commence par une invitation allusive à dégager la responsabilité de la « collectivité nationale ».

Ainsi, lorsque Jacques Camus note, dans la République du Centre , que « la surenchère dans les déclarations d’indignation ne saurait suffire (...) », il ajoute : « (...) pas plus qu’il ne serait acceptable de fondre les manifestations de cet antisémitisme sauvage dans une sorte de responsabilité collective nationale à travers un discours indistinctement culpabilisateur. »

Quel discours serait alors moins « national » et moins « indistinct » ? On ne sait pas encore...

Mais cela se précise grâce à Christine Clerc. « Le mal couvait depuis longtemps, tempête-t-elle dans le Télégramme . Pourquoi avoir refusé de le voir ? Pourquoi avoir fait taire les proviseurs qui signalaient des actes antisémites ? Il était recommandé de huer Le Pen et ses jeunes sbires au crâne rasé, mais il ne fallait pas "montrer du doigt" des jeunes issus de l’immigration. La bonne conscience anticolonialiste l’interdisait. » [c’est nous qui soulignons]

Les allusions deviennent limpides dans les Dernières nouvelles d’Alsace , où une étape supplémentaire du raisonnement est encore franchie. Dominique Jung souligne que « quand il s’agit de beurs, il est contradictoire de condamner vertueusement le racisme anti-arabe et de sauter sur le premier juif qui traverse la rue. La tolérance et le respect de l’autre sont régulièrement bafoués au nom d’un communautarisme de plus en plus sectaire, fanatique et violent... ».
« Quand il s’agit de beurs » : la stigmatisation est en marche. ... Pour qu’il puisse y avoir « contradiction » entre les deux actions (« condamner vertueusement le racisme anti-arabe » et « sauter sur le premier juif qui traverse la rue ») il faut impérativement qu’elles soient attribuées implicitement aux mêmes personnes.
Le message est clair : pour Dominique Jung, on ne peut être à la fois coupable et victime. Et puisque LES beurs agressent femmes et enfants juifs, on ne saurait les considérer comme des victimes.

Point de vue qui semble partagé par Jean-Claude Arbonna dans la Nouvelle République du centre-ouest , pour qui les six agresseurs « tenteront sans doute de faire valoir des circonstances atténuantes. Elles devront leur être refusées ».

Reste à comprendre pourquoi les « jeunes issus de l’immigration » agissent ainsi. Ce sera chose fait avec l’aide du très progressiste René Rémond, interviewé dans France-Soir .
Il y explique que « dans certaines de nos banlieues, il y a une tension vive entre les élèves d’origine nord-africaine et les juifs, en relation avec la situation au proche orient. Il est bien clair que tant que le conflit subsistera en Israël [...] on aura du mal à ramener le calme. Il y a des idées qui circulent : les juifs contrôlent tout, ils sont maîtres de tout, on va reprendre de vieux thèmes de l’antisémitisme. »
Il s’inquiète ensuite de « solidarités [qui] deviennent des solidarités exclusives et agressives », désignant plus précisément « un certain nombre d’adolescents, en quête d’identité, [qui] se sentent plus proches en quelque sorte de leurs “frères kamikazes” de Palestine que de leurs concitoyens français. »

Dans Le Figaro , Georges Suffert psychanalyse les agresseurs. Pour lui, ils « se sont jetés sur une jeune femme parce qu’elle était en face d’eux, parce que la violence les fascine, parce qu’ils se considèrent comme des militants de quelque Hamas, c’est-à-dire la forme la plus moderne de l’antisémitisme. [...] Les petits-enfants du Maghreb veulent participer à leur manière à la lutte des Palestiniens. La voyageuse du RER a soudain incarné l’ensemble des Israéliens. La haine est en train de franchir la Méditerranée. ». Il ajoute que « l’incapacité où nous sommes de stopper cette dérive » lui fait « froid dans le dos. »

« Pourtant, rappelle-t-il, le problème n’est pas insoluble ». A condition, précise-t-il aussitôt, de « punir réellement » les agresseurs du RER « si demain on découvre qui ils sont et où ils résident ». « Inutile, insiste-t-il, de s’en prendre à l’école, aux conditions de vie des maghrébins, à l’atmosphère des cités. C’est un peu tard. Aujourd’hui il faut tenter d’effrayer les “petits durs”. »

Et pour cela, il faut incontestablement avoir le « courage » de « punir plus », comme il le diagnostiquait en titre. CQFD [3].

Toujours dans Le Figaro , un autre membre du comité éditorial, l’inénarrable Alain-Gérard Slama, ébranlé par « l’atroce agression [...] d’une française traitée de sale juive » (dans son imagination), va encore plus loin. Son diagnostic atteint alors les dimensions d’un chef d’œuvre. Cette agression révèlerait en effet une « véritable francophobie devenue, comme chez les nazis, quasiment indissociable de la judéophobie » [c’est nous qui soulignons].
C’était sans compter avec le courage d’Alain-Gérard, bien décidé à combattre « les fanatiques qui [croient] pouvoir apporter le djihad sur notre sol sans rencontrer de résistance. »

Et le chevalier blanc du Figaro de prendre la tête de cette autre croisade contre « l’éloge du métissage » devenu d’après lui « le prétexte d’une charge contre le mâle blanc occidental ».
La conclusion est alors sans appel. « On soulignait naguère le lien étroit qui, par haine de l’argent de l’argent et du cosmopolitisme, a longtemps apparenté l’antisémitisme à l’antiaméricanisme. Aujourd’hui, au nom du même rejet de la liberté individuelle et des valeurs universelles, l’antisémitisme est devenu l’autre nom de la francophobie. »

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Alain-Gérard « pense » toujours deux fois
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Le sujet est tellement primordial qu’Alain Gérard décide d’en faire ce même jour le thème de sa chronique matinale, sur France culture. Elle est intitulée « Hospitalité, deux modèles ».
Alain-Gérard commence cette fois par résumer le problème posé par ces “jeunes”. « On ne s’est pas préparé à en faire des petits français » [parce qu’ils ne le sont pas vraiment ?]. Et cela est dû selon lui a « plusieurs faiblesses fondamentales » sur lesquelles il s’attarde à nouveau.

En premier lieu, une « faiblesse dans la défense de la laïcité ». En effet, déplore Alain-Gérard, « on a laissé se développer le processus de communautarisation sans prendre garde au fait que l’on importait en France les conflit du moyen orient, et que l’on aggravait, on dramatisait les conséquences de la guerre d’Algérie [...] Le fait qu’on ce soit mis à brûler, ou en tout cas, à exercer des déprédations dans les Synagogues, c’était un phénomène qui appelait immédiatement la sanction. »
[Et la haine des immigrés et de leurs enfants propagée depuis trente ans, elle appelle quoi ?]

« Et c’est l’autre aspect de la faiblesse après la laïcité, poursuit Alain-Gérard à l’unisson de Georges Suffert, on a trop écouté les sociologues. On a voulu jouer la carte de la prévention au lieu de jouer la carte de la sanction. On nous disait, rappelez vous, ces zones interdites, ces quartiers dans lesquels on ne peut pas entrer, où les médecins ne peuvent pas entrer, parce qu’on leur tend des pièges, où les pompiers ne peuvent pas entrer, on disait : oui mais on ne veut pas utiliser les moyens de la police, parce que c’est trop redoutable, c’est trop dangereux, nous ne savons pas comment nous y prendre. Nous voyons aujourd’hui comment ces zones interdites, on les a laissé se développer par défaut d’une politique de la ville [...] mais aussi par insuffisance de la sanction. On a fait exactement la même chose à l’école. » [C’est nous qui soulignons]

Et recyclant ostensiblement son article du Figaro sur l’antenne de France Culture (deux « cachets » pour la même pensée...), il ressasse : « On [a] longtemps comparé [l’antisémitisme] à l’antiaméricanisme [...] C’était un anticapitalisme ajouté à un anti-cosmopolitisme. Et aujourd’hui je me demande si cet antisémitisme qui monte en effet dans certaines parties du pays, n’est pas marqué davantage par le rejet de l’individualisme, et le rejet du l’universalisme présenté finalement comme un impérialisme. Et ça donne de fortes parentés entre un antisémitisme, et une certaine forme de francophobie. » [4]

Et voilà comment - par la grâce de la « liberté » de l’éditorialiste - on passe de l’appel à la répression des actes antisémites à une politique généralisée de la sanction contre l’invasion des jeunes sarrasins qui n’ont pas su devenir de bons petits français !

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Enfin, Le Monde parut...
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Les ardents défenseurs de la liberté d’opinion - dont certains n’hésitent pourtant pas, par ailleurs, à réclamer la censure de celles qu’ils jugent inacceptables - ne verront sans doute là que des exercices légitimes de la liberté de penser ...

D’ailleurs, quand Le Monde parut, il offrit, lui aussi, dans un éditorial, son corps de papier en défense de la République. Et il le fit si bien, que sa grande leçon éditoriale mérite un traitement séparé, comme il sied à un quotidien de “référence” (Lire, à paraître : « Il faut de tout pour faire Le Monde »).

En attendant, deux mots seulement sur le naufrage des commentateurs :

- Les faits eussent-ils été vérifiés, rien - non vraiment rien - et certainement pas la lutte contre l’antisémitisme (et pour quelques-uns, contre la xénophobie et le racisme) ne justifiait que l’indignation se transforme en rage impuissante prête à stigmatiser et réprimer à tout va.

- Les commentaires, quand ils sont indifférents à la réalité, la taillent à leur mesure. Les opinions sont libres ? Sans doute... mais il arrive que cette liberté ne soit que l’alibi qui permette aux commentaires de dévorer l’information au point même de la remplacer.
Qu’y gagne le droit à l’information ? Et que dit la déontologie en ce cas ? Qu’il faut prendre exemple sur Sud Ouest qui en application de sa fière maxime - « les commentaires sont libres, les faits sont sacrés » - pollue l’information par des commentaires affranchis de tout rapport avec les faits ?

C’est ce que nous verrons, après que le vent ait tourné...

Elizabeth Moineau

Lire la suite, à paraître : « Quand le vent tournent les girouettes le font aussi »

 
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Notes

[1France Inter, 08.08.2004, journal de 8h. La remarque, il est vrai, s’adressait aux chaînes de télévision arabes...

[2... Et qui est régulièrement utilisé contre les populations jugées dangereuses, jeunes des banlieues... ou contestataires. Voir par exemple « Arte et la théorie du complot : une émission de propagande de Daniel Leconte » ou « Le Nouvel Observateur de l’altermondialisme et de l’antisémitisme » ou encore « Le Monde contre « les critiques antimédias », antidémocrates et antisémites ».

[3Une seule ombre au tableau : comment retrouver les agresseurs de Marie ? Georges Suffert est sûr de l’avenir : « Nos équipes de “petits durs du RER” ne sont pas constituées d’hommes invisibles », écrit-il, ignorant l’humour involontaire de sa martiale assurance, qu’il complète en claquant des talons : « les voyageurs du fameux wagon devraient pouvoir décrire ces malfrats ordinaires ; la victime elle-même peut contribuer à l’identification de ses agresseurs. » Le ridicule ne tue pas. Mais se pourrait-il qu’il fasse taire Georges Suffert ?

[4Rappelons que Miguel Benasayag fut écarté de la tranche matinale par Laure Adler, directrice de la station, qui lui aurait « reproché d’être “trop militant, trop engagé, trop personnel” », et d’avoir « transformé sa chronique en plaidoyer pro domo, pour sa propre vision du monde » (voir « Laure Adler vire Miguel Benasayag de France Culture »). Des reproches qui n’ont jamais été formulés, à notre connaissance, à l’encontre d’Alain-Gérard, dont le “désengagement” est proverbial...

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