Accueil > Critiques > (...) > La presse féminine, laboratoire de "l’information" publicitaire

Le nouveau Biba : Sous les froufrous de la modernité, le conservatisme le plus archaïque

par Véronique Maurin,

Biba, le « féminin » né en 1980, vient de faire peau neuve (numéro de juin 2004). « Plus dynamique », « plus rythmé », « plus sophistiqué », proclament les communiqués de presse. Plus « mode libéré » ... et plus réactionnaire.

La couverture est fraîche et plutôt sage : tons acidulés, vert tendre, jaune bouton d’or, rose shocking et très jeune mannequin, corps dénudé, tenue légère et pause décontractée sans être provocante. Après une série de publicités : Chanel (crème hydratante pour que « votre peau retrouve la souplesse soyeuse d’une peau exquisément hydratée  ») Dior (« pinceau pour teint ultra star  ») Thierry Mugler (parfum Angel) et deux pages de sommaire, Biba innove avec une page d’« édito  ». Sur la moitié gauche, on retrouve la fille de la couverture, légende en prime : robe Shimada, deux pièces John Galliano, liste de huit produits beauté Christian Dior et deux produits cheveux Jean louis David. Un sérieux cadeau pour les marques prestige indispensables au magazine. Sur la moitié droite, un texte signé « toute la rédaction » : « Biba bouge. On a refait la déco, déplacé quelques meubles et fait rentrer la lumière et les couleurs. Mais sans perdre l’âme de la maison. » Le mouvement dans la continuité, avec la bonne vieille image rassurante du « foyer  », l’âme de la maison ! Tout un symbole ! Ou comment faire du neuf avec du vieux, du « moderne libéré » avec de l’archi réactionnaire : un jeu auquel jouent tous les féminins depuis plus de 30 ans !

Au cœur de la « jolie guerre économique »

Rappelons que Biba (diffusion 2003 selon OJD : 190.000 ex) a pour cible, les trente ans urbaines, qui travaillent, catégorie CSP+ (la proie rêvée de toutes les marques dites de mode-beauté-luxe). En octobre 2003, ce magazine, ainsi que toutes les publications Excelsior en pleine déconfiture (- 20% de diffusion en quatre ans) est tombé, dans l’escarcelle d’Emap, le géant Britannique. Mr Arnault de Puyfontaine, le DG d’Emap France, fort de ce rachat (90 ME), a écrasé son concurrent le plus direct et s’est octroyé la place de second dans le royaume de la presse magazine. Avantage supplémentaire et non négligeable, avec Biba et 20 ans, Emap qui commençait à se sentir trop à l’étroit dans la presse féminine populaire, en déclin et peu rentable, vient de faire son entrée dans le haut de gamme.

Le marché des féminins, sur saturé, en pleine effervescence, est tenu en main, du popu jusqu’au luxe, par sept condottieri, des industriels de la presse et armement parfois compris (Lagardére/HFM, Emap, Axel Springer, Marie Claire, Dassault/Scocpresse, Prisma Presse, Condé Nast). Pour compenser un lectorat en perte de vitesse constante, (-10,5% en cinq ans sur ses titres payants, hors le gratuit Version Fémina) ces messieurs qui dominent la presse féminine ( Madame Evelyne Prouvost - groupe Marie Claire - ayant officiellement passé la main à son fils) s’excitent depuis deux ans à se faire la plus jolie des guerres économiques, à coups de rachat, de nouvelles formules, de nouveaux formats et de nouveaux produits.

« C’est une période passionnante, déclarait, dans CB News en avril 2004, Bruno Gosset, ex rédacteur en chef de FHM (For Him Magazine) promu directeur de rédaction à Biba. Nous vivions jusque là avec de vieilles catégories de féminins. Mais les frontières ont changé. Cela va obliger des magazines bien établis comme nous à se bouger. » « Bouger  », se mettre en mouvement, mais dans quel sens, dans quel but ? Pour Emap, l’objectif est parfaitement clair : « Nous souhaitons gagner 10% de lecteurs, soit 20.000 ventes par mois », affirme Guillemette Payen, directrice d’édition de Biba (Le Monde du 13 mai 2004). Problème : la première mouture de Biba version Emap, ne devait pas « bouger » suffisamment, elle n’a pas réussi à enrayer la chute de diffusion (- 6,18 entre 2002 et 2003 [1]. Pour la deuxième mouture - celle « qui bouge  » -, signée Bruno Gosset, Emap a mis le paquet : 80 pages de pubs, contre 64 en avril, soit une augmentation de 30% en à peine deux mois. Plus un prix promo dit de « découverte » de 1E au lieu de 1,80E et un budget de lancement de 1 Me dont la moitié consacré à la pub télé.

Modernité, féminité et ... retour en arrière

Deux jours avant la sortie du nouveau Biba, Bruno Gosset affirmait doctement dans CB News : « Dans un marché en concurrence, il faut être clair sur notre positionnement et revenir sur les fondamentaux du titre  » Faut-il comprendre que le « mouvement » apparemment indispensable est une marche arrière ? Qui « revient » sur quels fondamentaux ? Mystère et boule de gomme. Sur le site Emap Média (www.emapmedia.com ) la fiche consacrée à Biba est tout aussi ampoulée et langue de bois : « Après la guerre des sexes, après la lutte pour l’autonomie, BIBA tourne la page et projette une vision réconciliée de la féminité. » Cette proclamation péremptoire ouvre pourtant sur une foule de questions : Quelle guerre des sexes ? Y a-t-il vraiment eu une guerre des sexes ? Quid de cette lutte pour l’autonomie ? Qui concerne qui ? Cette autonomie serait donc achevée, aboutie ? Depuis quand ? Pour qui ? A quoi servent ces deux affirmations non fondées ? A justifier que Biba tourne la page.? Mais quelle page ? De quel droit, au nom de qui et suivant quelles réalités un magazine dit féminin peut-il juger qu’il est temps de passer à autre chose ? Que veut dire une « vision réconciliée de la féminité  » ? Qui est réconciliée, la vision, la féminité ? Réconciliée avec qui ? Quels sont les critères de la réconciliation ? Et ceux de la féminité ? Faut-il percevoir, suite à ces images de guerre et de lutte, un appel pour un retour à un paisible « état de nature » ?

Pour décoder cette langue de bois, qui dure et perdure dans la presse féminine depuis des dizaines d’années, la pertinente analyse d’Anne-Marie Dardigna est, malheureusement, toujours d’actualité. Son livre sur la presse féminine a été écrit en 1978 [2]. A l’époque la presse féminine sortait à peine de ses « années noires », avec, entre 1973 et 1976, une baisse de diffusion de l’ordre de 30%. [3] Certains féminins, cherchant attirer des lectrices, ont commencé à brouiller les cartes, se déclarant tout à la fois plus ou moins vaguement féministes et anti-féministes : « La Parole du magazine (féminin) neutralise les contradictions possibles, sources de changements créateurs. Elle les réduit en permanence à des stéréotypes nivellateurs, à des images proprement mythiques... Et cette évacuation du réel se manifeste intempestivement dans l’ensemble de la presse féminine. » Aujourd’hui encore, le discours des « féminins » retourne le réel, le vide d’histoire et le remplit de « nature ». Lorsqu’on envisage cette presse, écrit Anne-Marie Dardigna, il est essentiel de garder à l’esprit son statut de produit à la fois social ET idéologique.  »

En avril 2004, dans le Biba version Emap première mouture, la couverture était rose, les titres orange et la fille quasi nue. Coincé entre six titres résolument optimistes et « libérés  » - « Moins de kilos, plus de pêche » « J’adore désobéir » ou « Elles habitent un endroit dingue  », etc.-, Biba glisse un article dit « de société » au ton nettement plus cassant : « Marre des féministes « old school  ». Dans le sommaire, le titre s’adoucit : « Les féministes me fatiguent (un peu) ». Traitement de faveur, cet article apparaît au centre du magazine et bénéficie d’un espace conséquent : cinq pages et demie. En ouverture, une double page rouge « révolution », bannière, slogans et femmes en manif façon pochoir couleur noire. Et aussitôt, une accroche qui joue double jeu : « Féministe, bien sûr qu’on l’est. Les femmes nigérianes excisées, les tournantes dans les cités, honnêtement, ça nous hérisse. Mais nous, dans la vie quotidienne, on ne se sent pas toujours concernées. Surtout quand elles (les féministes) nous rabâchent des trucs du genre... » Avec ce « nous », qui élimine d’office les femmes nigérianes et les filles des cités, Biba se situe d’une manière déclamatoire du côté des femmes féministes qui seraient suffisamment « libérées » ou privilégiées pour ne plus avoir besoin du féminisme.

« Grâce à la magie du verbe journalistique, poursuit Anne-Marie Dardigna, il n’y a plus besoin de lutte, puisque c’est arrivé, les femmes sont libérées. Non pas les femmes, mais La Femme, la femme mythique du magazine féminin. Récupération évidente des désirs réels de libération, cette vision, fabuleuse, tente par des articles parfois cocasses de masquer les contradictions et l’anachronisme de la condition concrète des femmes. » Dans l’article qui nous intéresse, le cocasse va suivre, articulé en dix chapitres centrés sur les prétendus dictats des féministes. Chaque fois, la méthode est la même : on ne nie pas les inégalités, au contraire ; mais on nie la lutte et l’on met en place un dédale de culpabilités. Chaque fois, sous couvert de complicité féminine, Biba tance les lectrices et pose ainsi les limites à leurs possibles revendications.

La faute aux femmes et aux féministes

« Certes, écrit Biba, à compétences et à poste égal, on ne peut pas nier (que les femmes sont sous payées par rapport aux hommes) et c’est inacceptable. Sauf que ce n’est pas toujours vrai. » La preuve : Biba, qui fait semblant d’ignorer ce qu’est une moyenne statistique, a déniché Anne -Laure 31 ans contrôleuse de gestion, celle qui peut sans peine faire mentir et les féministes et les statistiques. « Je suis peut être une privilégiée dit-elle, mais mon mec et moi, gagnons quasiment la même chose » Plus fort encore, Biba admet que « plus on monte dans la hiérarchie, plus on est payée en bonus et en primes, et plus l’écart se creuse : - 30% chez les cadres dirigeants. » Peu importe que, comme les Nigérianes et les filles des cités, les autres femmes, même les plus privilégiées soient bien loin d’être sorties de l’inégalité, Biba a trouvé Florence. Une spécialiste, qui travaille dans un cabinet de recrutement. Et celle-ci est catégorique : « Il faut dire que les femmes ne se battent pas beaucoup sur ce terrain là [celui ses salaires]. »...

Vous l’aurez compris, tout cela c’est de la faute des femmes, pas suffisamment compétitives et battantes : « Elles préfèrent obtenir plus de temps ou un projet plus intéressant. » Et rien sur le poids de la famille, la pénurie de crèches, les conditions de travail, ni sur le chômage ou sur l’impossibilité de sortir d’un système centré sur la compétition. La conclusion de Biba est sanglante : « Normal après tout que les boites en profitent, puisqu’on est tellement arrangeantes. Et si on y trouve son compte, après tout. »

Dix fois la même démonstration : les inégalités Homme/femme existent, les féministes ont raison, que ce soit sur l’emploi, la parité, la prise en charge des bébés, le travail ménager, les études aux filaires sexistes, les publicités sexistes. Et chaque fois le même retournement : le « sauf que », suivi de l’évocation d’un cas individuel contraire. Avec en conclusion la même litanie culpabilisante : toutes ces inégalités ne sont-elles pas dues aux femmes ? Et finalement est-ce que cela n’est pas mieux comme ça pour tout le monde ? Quant à la chute finale, elle vaut son pesant d’or : Les féministes le clament, elles ne sont pas anti mecs... Sauf que... « A force d’enfermer les femmes dans le rôle de victimes de service, elles ont fini par faire de l’homme le perpétuel agresseur. Et par nous éloigner, nous, les femmes. Pour Élisabeth Badinter, le vrai féminisme, c’est un combat qui doit se mener avec les hommes, pas contre eux. Amusant, que ce soit une féministe qui remette une dose de modernité dans le discours actuel » Bref, les féministes qui ont totalement raison, sont coupables de tout. Si elles étaient « plus modernes », Biba accepterait le combat. Amusant, n’est-ce pas ?

Entre déni, contradictions et manipulation, cet article qui, a contrario, montre bien les difficultés réelles des femmes d’aujourd’hui, n’est pas fait pour les aider à y voir plus clair. Au contraire, il sert à neutraliser les interrogations et les remises en question. Pour que les femmes ne bougent pas, pour qu’elles restent à leur place et pour que le système établi se perpétue en toute tranquillité. « On ne pense pas dans la Presse féminine, dit Anne-Marie Dardigna, on constate, on raconte, on réaffirme la réalité éternelle des choses. » Plus loin elle ajoute : « Il y est feint de donner la parole aux femmes, de traduire leurs préoccupations. Le magazine féminin, au contraire, ne fait que la leur supprimer. Il est une parodie de parole, une aphasie du langage. Il en élimine tout élément dialectique et entraîne à leur tour les femmes dans l’aphasie, en les privant d’une formulation réelle. »

Mais si la presse féminine se caractérise dans son refus de prendre en compte à la fois les femmes, les réalités sociales et l’intelligence qui risqueraient fort de produire désordre et déséquilibre, elle se manifeste aussi par sa force de proposition. Pour Anne Marie Dardigna, « Le magazine féminin obéit à un impératif catégorique : L’euphorie. Son devoir est de faire croire, par les vertus d’un optimisme toujours renouvelé, que tout va s’arranger grâce à quelques recettes et qu’un rien d’imagination et de volonté suffit pour être heureux. »

Dans l’euphorie,... la mise au pas

Sur la couverture acidulée du nouveau Biba de juin, un titre claque en énormes lettres roses. C’est le « Spécial Bonne Ondes... » qui ordonne : « Faites le plein d’énergies positives  » Une « enquête » de huit pages, illustrations hyper « modernes » style « manga » japonais en rose et bleuté. Mais encore une fois, sous une « modernité » d’apparence, c’est un retour, une marche arrière qui est proposé : « Il est temps qu’on revienne à des joies simples pour « capter les vibrations positives.... Pour que circule entre nous toutes, une onde hautement stimulante et réjouissante. » Entre les « vieilles méthodes ancestrales qui reviennent au goût du jour  », les « solutions  » miracles du DR Judith Orloff de Los Angeles, dans un fatras de pseudo informations plus ou scientifiques, d’histoires d’ondes, d’ions, de chromothérapie, d’aura ou de synergologie, défile une incroyable ribambelle de recettes et de conseils plus ou moins ahurissants  : cerner les aliments positifs/ conserver ses distances physique et psychologique/ sortir ses antennes au boulot/ ne pas rationaliser/ s’aérer en pleine nature/ partir aux Seychelles ou dans le désert/ planter du gazon/ essayer les nouvelles marques de cosmétiques/ s’offrir le soin Tibétain/ se couper les tifs/ vibrer par les couleurs/écrire/ composer/ bricoler, rafistoler/ cuisiner et - qui l’aurait cru ? - rire aux éclats.

Insignifiant et cocasse ? Pas tant que cela. « La PF met en place un dédale de culpabilités faussement compensées par des recettes anti frustration explique Anne-Marie Dardigna. Il s’agit d’atteindre, dans la normalité, le bonheur obligatoire avec sublimation et névroses permanentes, dépassements de soi - qui ne mènent à rien d’autre qu’à une insatisfaction étonnée d’elle même, inavouable puisque vécue comme un échec, insurmontable puisque les véritables raisons de l’échec sont occultées. Ce n’est pas un hasard si le magazine ne reconnaît pas le droit à l’échec. Celui-ci ne peut être que honteux, le signe d’une carence personnelle, l’impossibilité de s’adapter à des schémas qui ont fait leur preuve. »

Les femmes victimes, la grande sœur Biba ne les supporte pas. Mais les femmes qu’elle culpabilise elle sait s’en servir. A la fin de l’article « Bonne Ondes », la sanction tombe. L’embrouillamini de conseils et de recettes farfelues n’était qu’un leurre. Ce qui compte c’est la leçon de modélisation, pour plus de naturel et de spontanéité !!! Je soigne mes gestes/ Je dope mon style/ je me rends accessible. Dans quel but ? Mais toujours le même, celui qui s’impose à toutes les femmes : PLAIRE. Un destin immuable, éternel, naturel auquel, selon tous les féminins, les femmes ne peuvent, ne doivent pas échapper. « Au final, ce qu’il faut surtout retenir conclut Biba dans son langage mythique et stéréotypé, c’est que la personne dont on cherche les vibrations positives, celle qui va recharger vos batteries, est toujours un modèle de naturel et de spontanéité. Comme tout ce qui est authentique et qui sonne juste ne dégage que du bon. »

Et puis, curieusement, comme si le dédit et la contradiction n’avaient aucun sens, dans le même numéro, Biba s’emploie à dévoiler, en partie, les dessous de la vague d’optimisme obligatoire qui, plus que jamais en cette période de tensions et de régression sociales, s’est abattue sur toute la presse féminine. Partout, les couvertures des féminins tricotent allégrement le framboise, le fraise abricot, le rose shocking ou pastel (Glamour, Shopping, Mod’s Côté femme, mais aussi Biba, Marie Claire, Elle...) Et les nouveaux titres sont souvent confondants de bons sentiments : Bien dans ma vie, Féminin Plus....

Méfiez-vous de la presse féminine

Biba consacre quatre pages à cette vague rose, à cette « La déferlante girlie » : en rose et en bons sentiment s La cuculture frappe à tous les rayons, affirme Biba qui ajoute sans gêne aucune « ... et chez Biba. » Puis vient une explication d’ordre économique : la tendance rose, l’optimisme fait vendre, tous les produits, féminins compris. C’est une idée marketing, une stratégie industrielle qui uniformise et s’impose dans le monde entier. Une euphorie artificielle et marchande. Biba ni critique, ni dénonciateur, se limite et se contente du constat : une tendance parmi d’autres, une tendance qui se consomme et se donne en spectacle. Avec ses illustrations enfantines rose bonbon, ses titres et sous titres rose pastel, ses jolies filles souriantes en framboise et rose tendre, l’article de Biba se place au cœur même de cette tendance. Il l’exploite, en profite, et participe ainsi à l’euphorie marchande. Tout au long de ses quatre pages, on peut lire 13 citations de marques dans le texte, et voir 14 objets illustrés et légendés : de la réclame gratuite, de l’échange de services pour annonceurs fidèles. Et, encore une fois, la seule voie que Biba offre et ouvre aux femmes est celle de la consommation. Et pas n’importe laquelle : la conso séduction, la conso féminité.

« Insinués phrase après phrase, en légende à des photos de femmes à la beauté irréelle, renforcés par des séquences publicitaires, se mettent en place le vide, la simplicité d’esprit » s’inquiéte Anne-Marie Dardigna. « Féminité de la surface, fermée au monde extérieur et aux relations humaines de quelque profondeur... Féminité à la recherche incessante et précaire d’une beauté utopique, parce qu’uniquement projetée sur la consommation - projetée dans son fameux narcissisme par l’exigence des fantasmes masculins, par la concurrence d’un univers où ce sont eux qui choisissent, elles qui s’offrent, suspendues à ce choix, les conditions de vie n’étant favorables qu’à celles qui « plaisent » et peuvent durablement lier leur destin à un homme.  »

En 2004, en dépit des discriminations qui pèsent sur les femmes, jamais elle n’ont été aussi instruites, jamais elles n’ont été aussi nombreuses dans le monde du travail, alors comment croire qu’aujourd’hui encore, les magazines féminins puissent leur plaire ? La plupart s’en amusent, les feuillettent avec distance et détachement. De la presse distraction, pas plus. Comme si le discours réactionnaire qui sous- tend la presse féminine pouvait ne pas laisser de trace.

Anne-Marie Dardigna : « La parole stéréotypée de la presse féminine possède une force paradoxale. Pas besoin du moindre effort mental pour recevoir les données qui la constituent, assemblage de lieux communs immergés en nous dans une zone inconsciente, incessamment nourrie par le discours social, dans le flot des médias, et le pseudo bon sens. Notre intelligence n’y prête qu’une attention négligente, voire méprisante. Dés lors, cette parole stéréotypée ne peut que nous atteindre directement, au plus profond, puisque nous ne la lisons pas avec le concours actif de notre intelligence... Elle paralyse notre inconscient d’une manière d’autant plus irrésistible qu’elle ne se donne jamais pour ce qu’elle est réellement. Au contraire, c’est un discours qui se présente comme novateur, résolument moderniste dans le vent.  »

De plus en plus moderne et encore plus réactionnaire, les femmes ne se méfieront jamais assez de Biba et de toute la presse dite féminine

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1Selon OJD sur http://www.strategies.com

[2Anne-Marie Dardigna, La presse féminine - Fonction Idéologique, Maspéro, 1978

[3Selon Martine Bonvoisin/ Michéle Maignien, La presse féminine, Que Sais-je

A la une

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.