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France 3 : promotion contestée de Gilles Leclerc

Fin novembre, Hervé Brusini est nommé directeur délégué à l’information de France 3. Punition ou promotion ? [1] Il est remplacé par Ulysse Gosset, un ancien de TF1 et de Radio France.
Mi-janvier 2004 : Ulysse Gosset, devenu ainsi directeur de la rédaction nationale, nomme, en remplacement de Jérôme Cathala, « promu directeur de France 3 Sud » Gilles Leclerc « responsable du service politique de la rédaction nationale de France 3 ».

Une nomination controversée, ainsi que l’attestent, notamment, trois communiqués syndicaux.

Gilles Leclerc avait déjà dirigé ce service politique entre 1992 et 1997. Depuis 1992, il participe à l’animation des soirées électorales sur France 3. Editorialiste politique depuis octobre 1997, il assure la rédaction en chef et la présentation avec Christine Ockrent du magazine « France Europe Express ».

Mais la Société des journalistes de la rédaction nationale de France 3 a « condamné fermement » sa récente nomination, rappelé le vote de motions de défiance contre Gilles Leclerc en 1999, notamment en raison de ses « collaborations extérieures ».

Selon l’AFP, Gilles Leclerc aurait déclaré que ces « collaborations » avaient été « autorisées par la précédente direction ». Il aurait ajouté : « J’ai observé les règles et j’ai annoncé au service politique que je renoncerai, à partir de maintenant, à toute nouvelle collaboration extérieure. »

Peine perdue : les syndicats ne sont pas convaincus, comme le montrent les communniqués qui suivent du SNJ de l’Audiovisuel public, du SNJ-CGT et de la CFDT Radio Télé de France 3.

SNJ de l’Audiovisuel (section France 3) : « Politique friction »

« La décision est donc officielle. Ce jour, Gilles Leclerc devient ou plutôt redevient chef du service politique à la Rédaction Nationale.

Comme cadeau de bienvenue, le tout nouveau directeur de la rédaction se serait bien passé d’un tel héritage. Avoir à choisir un nouveau patron pour le service politique à quelques mois d’une première échéance électorale. Un vrai coup à vous gâcher une prise de fonction.
Quoi qu’il en soit, c’est fait. Et pas de chance, malgré des consultations sympathiques, le consensus tellement recherché n’est pas présent au rendez-vous.

Que ce soit clair, au grand jeu du « qui remplace qui », nous ne souhaitons pas faire partie du jury. Mais rien ne nous empêche (et même tout nous y pousse) de rendre public ce qui nous inquiète aujourd’hui.

Alors qu’on se demande encore ce qui a fait partir l’ancien directeur de la Rédaction Nationale, le choix du nouveau chef du service politique ne fait pas taire nos interrogations. L’urgence de la situation interne a certes dû contribuer à la décision prise aujourd’hui, et imaginée depuis les fêtes de fin d’année. Mais malgré les réticences suscitées par ce choix (communiquées en toute transparence au directeur de la rédaction et à l’intéressé) aujourd’hui cette nomination ressemble à un passage en force.

A croire que la Direction Générale est prête à mettre (déjà ?) à l’épreuve le remplaçant d’Hervé Brusini. A moins qu’elle ne cherche à tester une rédaction au désir d’indépendance jugé, ces derniers temps, comme trop affirmé. On pourrait alors se laisser aller à parler d’un début de « reprise en mains ». Que nenni ! Le nouveau chef du service politique de ce début d’année 2004 nous promet ne pas avoir été nommé pour cela. Qu’on ne s’y trompe pas, cette fois, les promesses engagent bien ceux qui les formulent.

Certes, on pourrait alors mettre sur le compte de ceux qui se sont prononcés contre cette nomination, l’envie du simple procès d’intention...

Mais soyons sérieux.

En exprimant nos réticences, nous avons porté le débat sur les collaborations extérieures effectuées par Gilles Leclerc auprès du personnel politique (comme l’animation de colloques pour le compte de l’assemblée des présidents de conseils généraux), qui posent un vrai problème d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs. Nous avons aussi parlé de « ménages », aux antipodes d’une quelconque activité journalistique, présentés par l’intéressé comme appartenant au passé. Tout cela nous fait écrire aujourd’hui qu’il fallait vraiment y réfléchir à deux fois, et plus si affinités, avant de trancher. Ces faits ne nous semblent donc pas compatibles avec son retour « à la case » chef du service politique. Et même si tout cela était autorisé par les directions précédentes, un imprimatur ne rend pas la démarche plus légitime pour autant.
De plus, concernant ce dossier des « ménages », si nous l’évoquons au travers du nouveau chef du service politique de la rédaction nationale, le SNJ est bien clair et ferme là-dessus. C’est bien un système et des pratiques que nous condamnons. Et croyez bien que cela ne s’arrêtera pas là. Autant pour ceux qui s’amusent à la confusion des genres que pour ceux qui seraient encore tentés de les couvrir.

Face à ces critères objectifs, le directeur de la Rédaction Nationale, avec le soutien actif de la Direction Générale, a maintenu son choix. S’il voulait faire de cette première nomination un acte fondateur, il faudra à notre avis qu’il trouve très vite autre chose. »

Paris, le 14 janvier 2004


SNJ-CGT : « Prêcher dans le désert… »

« Le SNJ-CGT prend acte de la nomination du chef du service politique. Il n’est pas de la responsabilité d’un syndicat de porter une appréciation sur la personne nommée, en revanche, il est de notre devoir de regretter, une fois encore, que cette nomination bafoue la parole des salariés et démontre que probité et promotion font décidément « mauvais ménages ».

A quoi sert la défiance ? Les personnels de la rédaction nationale ont voté la défiance à l’encontre d’une équipe directionnelle il y a maintenant plus de quatre ans. Qu’à cela ne tienne, les personnes visées à l’époque ont toutes poursuivi leur parcours dans l’entreprise voire dans notre rédaction, au plus grand mépris de la volonté des salariés. La dernière nomination boucle cette boucle qui ne laisse guère de place à la voix du personnel.

A quoi servent les notes de service ? L’affaire du faux 19/20 aurait pourtant dû servir de leçon. Au moment où la justice enterre le dossier et où les personnes prises à l’époque sur le fait continuent elles aussi à mener rondement carrière dans l’entreprise, ressurgit le serpent de mer des « ménages ». La personne nommée aujourd’hui chef de service reconnaît avoir fait des collaborations extérieures, avec l’accord de sa hiérarchie ; elle s’étonne presque que cet argument soit avancé. Le nouveau Directeur de la rédaction nationale enfonce même le clou en conférence de prévision et avoue non sans malice qu’il est lui même surpris du nombre de demandes d’autorisation pour des collaborations extérieures ayant atterri sur son bureau depuis sa note de service sur le sujet ! Décidément, en dépit des mises en garde répétées des directions successives, les ménages continuent de gangrener notre rédaction puisqu’aucune sanction ne dissuade jamais leurs auteurs. Le SNJ-CGT demande une fois encore que la direction de la rédaction et la direction générale assument leur responsabilité et mettent un terme définitif à ces comportements dégradants pour l’ensemble de la profession.

Enfin, après le départ du précédent Directeur sur fond de règlement de compte politique, la nouvelle nomination du chef de service politique peut apparaître comme la continuation d’une reprise en mains de la rédaction. Reste à savoir le rôle exact de la direction générale dans cette hypothétique remise au pas ? »

Paris, le 14 janvier 2004 [2]


CFDT Radio-Télé (France 3) : « Enfin, tous ces clercs »

Tout commence le 19 décembre dernier. Ce jour la, les rédacteurs en chef des régions sont réunis dans un hôtel proche de France Télévisions. C’est ce qu’on appelle un jour de réflexion collective. Et sur le tard, peu de temps avant que les participants de la réunion ne se préparent à regagner leurs pénates, « Dieu » arrive. Normal, « Dieu » est le Président de toutes les sociétés françaises audiovisuelles de service public : c’est pas n’importe quel crétin. Son importance s’étend à trois chaînes de télévisions, des sociétés de production de films, de boites de publicité : bref c’est l’égal de Le Lay. Le message est simple - évitons le qualificatif de simpliste à un grand commis de l’Etat - :

 « Nous entrons en campagne électorale (Si, si, il l’a dit !). Vous, journalistes des régions, allez être au contact des hommes politiques en campagne. Je reçois déjà dans mon bureau de nombreux coups de fil mais…. c’est mon métier ! (sic !) Vous n’avez pas été sans remarquer que notre budget actuel est très maigre. Mon message est le suivant : si vous savez être gentil avec vos interlocuteurs, notre prochain budget sera meilleur » !!!!!!!

Monsieur « Dieu » l’a vraiment dit. Les rédacteurs en chef ont été douchés. Directeurs régionaux, rédacteurs en chef, ne sont pas nés de la dernière couvée : ils ne voulaient pas croire ce qu’ils avaient entendus. Il y en a qui jusqu’à aujourd’hui se frottent encore les oreilles mais… ils ont tout de même témoigné !

Rappelons que Monsieur « Dieu » est par ailleurs le garant de notre « indépendance éditoriale » : c’est le CSA qui l’a choisi pour ce rôle ! Eh oui, c’est dur à réentendre en guise de vœux de bonne nouvelle année !

L’objectif du Président du Conseil d’administration de la holding, Président de France 2, Président de France 3, Président de France 5 n’est pas de faire de l’information : c’est de faire de la communication !

La nomination de Gilles Leclerc est du même tonneau. Est-ce que Gilles Leclerc est un spécialiste de l’information ou de la communication ? Cabinets de lobbying, instituts de sondages, etc., etc. Les pratiques sont connues et elles ouvrent un vaste carnet d’adresses, le même carnet dont on a besoin pour passer la main dans le dos de ceux qui sont censés augmenter notre prochain budget !

Ainsi donc, en quelques jours, Marc Tessier a dévoilé le vrai travail d’Ulysse Gosset. Le nouveau patron de la rédaction nationale est là pour préparer les élections. On lui avait préparé une équipe clé en main au 8e étage (en confidence on laisse entendre que les couloirs du 6e étage - ceux de la Direction Générale - ne seraient plus très surs).

Il y a un point sur lequel la logique du Président Directeur Général bute : la 3 n’est pas la 2 ! On vous le dit, Monsieur le Président, même avec Mazerolles aux manettes de la 3, le mot déontologie garde tout son sens sur la 3. Ici les mots d’indépendance éditoriale, de crédibilité, de respect du téléspectateur sont cultivés par l’ensemble des rédactions : le « réseau ». Et c’est le « réseau » qui dit non à la nomination de quelqu’un qui est loin d’incarner cet idéal à la tête du service politique de la rédaction nationale.

A titre de rappel, la CFDT conseille au Président Tessier de relire les articles de la Charte de France Télévisions, consacrés aux règles qui doivent prévaloir dans les rédactions.

La charte en question, Monsieur le Président, n’est pas seulement un acte de communication qui, selon vous, nous rapproche de la BBC… Avec un peu de courage, ce peut être un véritable outil, qui redonnera de la crédibilité à notre travail.

C’est vous qui êtes à l’origine de cette charte : appliquez la !

Paris, le 14 janvier 2004

 
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Notes

[1Lire : « Brusini puni pour insolence ou promu pour excellence ? » (extraits d’un article de Libération).

[2Sur le "faux 19/20", lire sur le site de l’Ecole de Journalisme de Lille "Journalistes et ménages : du balai, y’a rien à voir !" : " Il y a deux ans, la jeune femme (Laurence Piquet) , alors présentatrice du journal du soir de France 3, accepte de collaborer avec les laboratoires pharmaceutiques Pfizer. Dans une vidéo, la journaliste vante les vertus d’un antidépresseur de la firme. Le document est destiné à une maigre audience : 5 000 médecins-psychiatres réunis en congrès. Tout aurait pu donc très bien se passer pour Laurence Piquet si le dit document n’était pas tombé entre les mains de petits malins de Culture Pub, l’émission de M6 sur la communication, qui décident de mettre l’affaire sur la place publique. Pourquoi crier au scandale précisément cette fois-ci, alors que la pratique des ménages est réputée monnaie courante dans le métier ? Tout simplement parce que Laurence Piquet n’a pas fait qu’utiliser sa notoriété de présentatrice de journal. Elle a également emprunté le logo de France 3, le générique du 19/20 ainsi que son plateau et les techniciens qui réalisent habituellement ce journal. ".

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