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France Inter assainit la critique des médias

par Henri Maler,

Emission " Tam tam etc. ", France Inter, 18 novembre 2003, 9h50. Pascal Clark donne la parole à Nicolas Poincaré. Les altermondialistes veulent une autre info ? C’est rigolo, mais plutôt malsain, diagnostique le grand pontife, lecteur de quelques extraits en ligne de Pour Lire pas Lu. Transcription intégrale et commentaires.

Prologue : Qu’est-ce qu’on se marre !

- Pascale Clark. : Ils veulent un autre monde, les altermondialistes qui étaient réunis à Paris et alentours pour le FSE. Ils veulent aussi une autre info<
- Nicolas Poincaré. : Oui une autre presse, une autre presse est possible
- Pascale Clark. : (Rires)

C’est rigolo, en effet.

Nicolas étudie l’histoire de « tout ça »

- Nicolas Poincaré. : C’est un article de Libération, un dossier dans Libération qui m’a alerté là-dessus l’année dernière qui rappelait le divorce qu’il y a entre la presse traditionnelle et les altermondialistes réunis à Paris ce week-end. Donc Libération rappelait la genèse de tout ça : c’est le mouvement social de 95 où un certain nombre de sociologues derrière Pierre Bourdieu et de spécialistes des médias étaient très insatisfaits de la couverture de ce mouvement et ont commencé une action de critique et d’observation des médias, de dénonciation des dérives...
- Pascale Clark : Insatisfaits à raison probablement hein ?
- Nicolas Poincaré : Sans doute, sans doute
- Pascale Clark. : C’est vrai que ça a peut-être été un petit peu sous-estimé...
- Nicolas Poincaré. : En 95, oui. Ouais. Effectivement. On va pas refaire le débat, hein ?

Dont on se souvient en effet qu’il avait déjà été déclaré clos avant d’avoir commencé.

Nicolas et Pascale font face aux succès

- Nicolas Poincaré. : (...) On va pas refaire le débat. hein ? Depuis il y a deux journalistes qui sont devenus un peu emblématiques dans le combat, c’est Pierre Carles et Serge Halimi. Pierre Carles qui avait fait un film qui s’appelait " Pas Vu, Pas Pris ", qui avait été commandé par Canal Plus, qui avait pas été diffusé et qui du coup avait eu un certain succès en salle. (...)

Le film de Pierre Carles, censuré par Canal Plus, « du coup » avait eu un grand succès en salle. « Du coup », Nicolas trouve sans doute qu’il n’y a pas lieu de déplorer la censure.

- Nicolas Poincaré. : (...) Et puis son ami Serge Halimi qui, lui, avait écrit " Les nouveaux chiens de garde " qui...
- Pascale Clark. : Très gros succès.
- Nicolas Poincaré. : Très gros succès qui dénonçait les connivences de la presse, les renvois d’ascenseurs, qui prenait plaisir à expliquer...euh... et avec raison, à qui appartiennent les médias. Systématiquement quand on parle des médias Serge Halimi trouve que c’est important de dire qui il y a derrière. Etc. Bon on en a parlé, c’est pas très nouveau.

C’est d’ailleurs parce que « c’est pas très nouveau » de dire « systématiquement » quelques vérités dérangeantes que Nicolas, pour présenter le débat, nous a invité à ne pas le refaire. D’ailleurs, depuis il a lu un nouvel article de Libération :

- Nicolas Poincaré. : (...) Bon on en a parlé, c’est pas très nouveau. Mais Libération de la semaine dernière donnait un certain nombre de liens Internet avec ces... ces... ces nouveaux médias... ces alter-médias.

Bilan de « tout ça » : Nicolas Poincaré lit Libération au moins deux fois pas an. Mais ce n’est pas dans Libération qu’il apprend à lire ...

Nicolas apprend la lecture

- Nicolas Poincaré. : (...) Bon on en a parlé, c’est pas très nouveau. Mais Libération de la semaine dernière donnait un certain nombre de liens Internet avec ces... ces... ces nouveaux médias... ces alter-médias. Donc je suis allé faire un tour et j’ai été surpris. Parce que j’avais pas suivi ça de très près et en particulier, derrière Pas vu pas pris, il y a eu... euh... Pas lu... Pour Lire, Pas Lu ... donc qui est à la fois un journal et un site internet qui continuait le combat.

N’ayant pas suivi « ça » (puisque « c’est pas très nouveau »...), « de très près » (mais, sans doute « de près » quand même...), Nicolas s’approche « de très près » des nouveaux médias, en lisant un seul d’entre eux sur un site internet qui ne reproduit qu’une très faible partie du journal Pour Lire Pas Lu. Une telle enquête de proximité est évidemment très prometteuse...

- Nicolas Poincaré : (...) Et la combat c’est pas... c’est le terme puisque dès le numéro 1, c’est un journal qui explique qu’il est parti en guerre contre les médias... euh...
- Pascale Clark. : De quelle façon alors ?
- Nicolas Poincaré. : Les médias qui " mentent et qui bavent "qui sont " veules et qui lèchent la main qui les gave ". Voilà, c’est le socle de cette pensée.

Que Nicolas isole des traits satiriques qui caricaturent pour les caricaturer à son tour, pourquoi pas ? Mais il prend le risque, comme la suite le montre, de mentir, de baver et de lécher la main qui le gave. En attendant, une fois « le socle » mis à jour, avec un courage intellectuel exemplaire, Nicolas résume...

Nicolas s’abstient de tout solidarité corporatiste

- Nicolas Poincaré : (...) Voilà, c’est le socle de cette pensée. Non, j’ai été surpris par la violence des attaques... euh... Pour parler par exemple de ce qu’on connaît, si on fait une recherche " France inter " dans ces journaux on voit France inter " le venin du matin, la pensée rampante, la servitude et la médiocrité "... Ça c’est pour nous en général [1]. Mais ensuite, on peut rentrer un peu plus dans le détail. Stéphane Paoli, qui anime le matin qui est accusé d’être horriblement pro-américain... Ça ne m’avait pas frappé à l’oreille mais bon [2].

- Pascale Clark. : Non, ça ne saute pas aux yeux.
- Nicolas Poincaré. : Jean-Luc Hess, le patron, qui est un suppôt du grand capital, qui cache ça derrière une patine rock n’roll mais qui est en réalité...
- Pascale Clark. : (Rires)
- Nicolas Poincaré. : ...est aux ordres du Medef [3]. Parfois ça tape un peu en dessous de la ceinture : notre ami Jean-Marc Four, qu’on entendait encore dans le journal de neuf heures, qui est correspondant à Londres, qui avant était présentateur du " treize heure " est surnommé " FFF " le fourbe et flatulent Four [4]... Voilà.
- Pascale Clak : Ah, ouais, ouais...
- Nicolas Poincaré : Là on commence à attaquer un certain niveau de... Et bon il n’y a pas que France Inter (...)

Attention, Nicolas va étendre son champ d’investigation et se trouver drôle.

Nicolas aime rire

- Nicolas Poincaré : (...) Et bon il n’y a pas que France Inter, Alain Minc c’est le " nabot malfaisant ", Edwy Plenel est " ivre de sang et d’argent ", Jean-Marie Colombani, le directeur du Monde, est un " petit échotier poltron et sans envergure ". Je sais pas si vous en voulez d’autres. Karl Zéro, c’est un " larbin chauve du patronat "...
- Pascale Clark. : Ca va très loin quand même, ça va très très loin...
- Nicolas Poincaré. : Oui. Voilà. Voilà. Voilà. C’est très personnalisé et, euh..., très haineux. (...)

On peut ne pas apprécier les traits satiriques en général ou ces traits satiriques en particulier, mais les prendre à la lettre et au premier degré, faut le faire ! Leur reprocher de « personnaliser », c’est évidemment inviter à s’interdire toute satire, tout pamphlet et tout dessin caricatural.

Et Nicolas sait bien que le rire n’a pas toujours la haine pour ressort... puisqu’il s’apprête lui-même à essayer de nous faire rire.

- Nicolas Poincaré : (...) C’est très personnalisé et, euh..., très haineux. Ce qu’il y a de drôle c’est que c’est que j’ai lu tout ça depuis Abidjan.
- Pascale Clark : (Rire)
- Nicolas Poincaré : Parce que maintenant avec la mondialisation on peut être à Abidjan et s’intéresser aux médias locaux de la haine, et puis faire un tour sur Internet et découvrir qu’on a aussi nos petits médias de la haine...moi j’ai été surpris par la...la... la...

Merci à Nicolas : c’est en effet très drôle et pas haineux du tout. Et un grand merci à madame la mondialisation : elle permet de lire depuis Abidjan PLPL sur Internet, sans avoir besoin de la version papier. Et surtout, puisque « le monde est devenu un village » de comparer des médias qui appellent à des massacres réels et un journal qui se livre à des jeux de massacre satiriques.

Mais jusque-là, Nicolas nous avait promenés en surface. Passons immédiatement à la profondeur.

Nicolas touche le fond.

- Pascale Clark : Est-ce qu’il y a un peu de fond quand même dans ces attaques ?<
- Nicolas Poincaré : Bah euh euh, le combat principal c’est contre la presse donc euh...mais au-delà effectivement il y a un anti-américanisme qui frise le racisme. Par exemple, le 11 septembre est évoqué à plusieurs reprises avec des termes... euh qu’est-ce qu’on dit euh...que " les deux tours ont été démontées à New York "...ou que " il y a eu une double frappe chirurgicale sur New York "... que " heureusement les deux tours hideuses du World Trade Center ont cessé de polluer l’horizon new-yorkais "... Il y un anti-...euh... enfin... c’est... euh : un anti-américanisme très virulent...
- Pascale Clark. : Limite attaquable d’ailleurs, tout ça...

C’était le premier fond. Et voici le double fond :

- Nicolas Poincaré. : Oui ; oui. Voilà très pro-palestinien. Donc forcément très anti-israëlien. Puis aussi, c’est plus surprenant, très pro serbe. Comme globalement les médias ont été il faut bien le reconnaître ont été probosniaques d’abord et puis pro kosovars ensuite comme on prend le contre pieds des médias par principe et systématiquement et bien du coup on devient bêtement pro serbe. J’ai lu pour ceux qui connaissent un petit peu les Balkans des choses hallucinantes sur ce dossier là.

Le monde de Nicolas est très simple : qui n’est pas « pro » est « anti ». Qui est « anti » frise le racisme quand il s’agit des Etats-Unis et, l’antisémitisme sans doute, quand il s’agit de la politique israélienne. Ou encore : qui était pour la guerre du Kosovo était « probosniaque » et donc qui était contre était « proserbe ». Quant aux « choses hallucinantes » que Nicolas a lu vous n’en saurez rien. Mais vous venez de lire les bêtises hallucinantes que Nicolas a dites.

Pascale et Nicolas informent les auditeurs

- Pascale Clark. : Voilà c’est sur Internet. C’est libre. On va pas vous donner l’adresse parce qu’il faut pas exagérer.

Une information fausse (Pour Lire Pas Lu est d’abord un journal) confortée par un refus d’informer : cela fait deux informations de service public...

- Pascale Clark. : (...) On va pas vous donner l’adresse parce qu’il faut pas exagérer. Tout ça, ça répond de toute façon totalement excessive à une question qui est... qui est... qui a le mérite d’être soulevée. Mais bon...
- Nicolas Poincaré. : Oui. Effectivement. La critique des médias moi je trouve ça très sain. Effectivement c’est quelque chose qui se développe. Qui est sain. Parfois c’est aussi malsain.

La critique saine des médias, c’est évidemment celle dont France Inter rend compte régulièrement et que Nicolas Poincaré vient d’exercer avec brio.

- Pascal Clark : Voilà, c’était le petit coup de canif’ de Nicolas Poincaré ce matin.

Epilogue : Nicolas se souvient

Pascale Clark conseille à ses auditeurs d’aller voir le film de son invitée " remarquable "
Avant que Nicolas Poincaré ne se rappelle :

- Nicolas Poincaré. : Ah j’oubliais...
- Pascale Clark : Qu’est-ce qu’il y a Nicolas ?
- Nicolas Poincaré : Puisqu’on parlait de tous ceux de France Inter qui n’étaient pas aimés par ces médias ...j’ai oublié de parler de vous.
- Pascale Clark. : Oh, bah, c’est pas grave
- Nicolas Poincaré : Non, vous ne tenez pas à savoir ce qu’ils disent sur vous ?
- Pascale Clark : Allez-y
- Nicolas Poincaré : Vous êtes une tête à Clark qui ne recevez que vos amis dans l’émission.
- Pascale Clark (Ironique) Ça c’est vrai. D’ailleurs on se connaît bien Solveig  ?
- Solveig [5] : Super bien...
- Pascale Clark  : Voilà. On a passé nos vacances ensemble. Merci beaucoup.

Pascale Clark prend alors congé de ses auditeurs. Une plaisanterie a suffi à déjouer toute critique. La prochaine fois, c’est sûr, elle expliquera sur quels critères elle choisit ses invités...

Fin

Acrimed, en guise de thalassothérapie, vous a offert cette coulée de boue « très saine » : que l’on veuille bien nous excuser de l’avoir présentée intégralement, mais entrecoupée, en guise de publicités, de quelques commentaires.

 
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Notes

[1«  La peste ? Oui : la peste. Le venin du matin. France Inter injecte dans nos veines et dans nos cerveaux un virus. Celui de la pensée rampante. L’effet est d’autant plus redoutable que France Inter est une radio publique » (« La Peste France Inter », PLPL n’°7 -décembre 2001).

[2Résumé « allégé » de « France Inter à New-York »,PLPL °7.

[3La laisse : d’or : Jean-Luc Hess (PLPL n°16 septembre-octobre 2003).

[4« PLPL s’est plongé dans les archives du Fourbe et Flatulent Four (FFF). Les résultats de l’analyse sont édifiants : au cours des six derniers mois, FFF a fait défiler dans son journal du « 13-14 » vingt-quatre invités sur le seul thème de la délinquance. Dix-sept personnalités sont venues parler de sport. La question sociale, elle, n’a justifié que sept invitations. » (PLPL n°7, septembre 2002).

[5Solveig Anspach, réalisatrice du film Stormy Weather

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