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Télé du futur : quel avenir pour France télévisions ?

par Fernando Malverde,

Nous publions ci-dessous, avec l’autorisation de son auteur, un article à paraître dans le prochain numéro de Témoins, la revue du SNJ-CGT (Acrimed)


La loi sur la télévision du futur en cours d’adoption devait préparer le basculement de la diffusion analogique hertzienne vers le tout numérique, la Haute Définition et la télévision accessible depuis les portables. Nécessaire face aux mutations technologiques et aux nouveaux modes de consommation de la télévision, elle n’écarte malheureusement aucune des menaces qui pèsent sur la télévision publique.


L’élaboration de la Loi sur la télévision du futur s’inscrit dans la logique permanente d’un Etat libéral qui organise méthodiquement le déclin de son secteur public. Déjà, en mars 2005, le lancement de la Télévision Numérique Terrestre s’est pratiquement fait sans France télévisions et a totalement exclu le monde associatif des chaînes locales indépendantes. Sur les 18 chaînes gratuites accessibles en qualité numérique, la télévision publique qui, au départ, devait disposer de sept à huit canaux supplémentaires pour diversifier son offre de programme (chaînes régionales de plein exercice, chaînes pour les enfants, chaîne de sport, chaîne de retransmission du spectacle vivant...), n’a eut droit, à l’arrivée, qu’a une seule chaîne nouvelle : la chaîne France 4, en partie alimentée grâce à des rediffusions. Petits lots de consolation pour le secteur public : le passage en diffusion toute la journée d’Arte, de RFO (par satellite) et de France 5 et le partage d’un canal de diffusion pour les deux chaînes parlementaires.

Le secteur privé disposait déjà des chaînes « premiums » TF1, M6, Canal + et de leurs différents bouquets numériques payants (une dizaine de chaînes également commercialisés sur le numérique). Cela ne suffisait pas : la TNT a été l’occasion de créer neuf nouvelles chaînes privées supplémentaires, ce qui a encore renforcé le déséquilibre dont souffre le secteur public.

Une loi taillée sur mesure pour le privé

La nouvelle loi dite « de la télévision du futur  » est un texte qui organise le passage au tout numérique à partir de 2008 avec l’abandon de la diffusion en analogique hertzien prévue pour 2011. Les constructeurs de postes de télévision ont désormais l’obligation de les équiper d’un décodeur numérique intégré. Les propriétaires de modèles anciens devront s’équiper de décodeurs (des aides sont prévues pour les foyers les plus modestes). Les téléspectateurs habitants dans des zones d’ombres (environ 5 % de la population) pourront bénéficier d’une aide à l’équipement pour recevoir le bouquet satellitaire gratuit. La loi prépare également la télévision haute définition (TVHD), où la France a déjà pris beaucoup de retard, et la réception sur les portables ou autres Ipod (TMP, télévision mobile personnelle) grâce à la réaffectation d’une partie des fréquences hertziennes libérées [1].

Un amendement, plutôt bienvenu, envisage par ailleurs que les fournisseurs d’accès à Internet tels que Free ou France Télécom, contribuent au COSIP (Compte de Soutien des Industries de Programmes). On ne peut qu’approuver. Il est temps, en effet, que les opérateurs qui proposent des abonnements triples (téléphone, internet haut débit et... télévision) participent au financement des contenus qui contribuent à leurs bénéfices.

Malheureusement, au prétexte de favoriser les mutations technologiques, le texte prévoit également un inadmissible cadeau qui favorise, si besoin était, les grands opérateurs privés et leur concentration. En même temps qu’une nouvelle prorogation de leur autorisation d’émettre -qui passe ainsi « en douce » et sans contrepartie- TF1, Canal + et M6 disposeront chacun d’une « chaîne bonus » supplémentaire ! L’ensemble des groupes parlementaires de gauche ont protesté et se sont engagés à revoir cette disposition en cas de changement de majorité. Le club des nouveaux entrants dans la TNT s’est insurgé face cette « concurrence déloyale » et même l’UDF a toussé, mais rien n’y a fait. Le gouvernement s’est empressé, en pleine période électorale, de faire passer cette disposition en urgence.

Des défis...et peu d’argent pour la télévision publique

Bien évidemment la télévision publique ne bénéficie, elle, d’aucun cadeau. Pas de chaîne supplémentaire et aucun financement dédié face au surcoût considérable que représente la double diffusion numérique et analogique pendant les années à venir. De la même façon, si un engagement est pris pour garantir à France 3 la diffusion de ses 24 programmes régionaux par satellite les détails techniques de ce projet [2] et son financement restent dans le flou.

Par ailleurs, l’affectation à la télévision publique d’un des trois ou quatre canaux de diffusion en Haute Définition est prévue par la loi. Mais, à la différence de ce qui s’est passé en Grande Bretagne, où la BBC prépare déjà depuis des années sa modernisation avec des budgets spécifiques supplémentaires, rien de tel n’est prévu pour France télévisions...

Significativement, le Contrat d’Objectifs et de Moyens pour la période 2006/2010 n’est toujours pas signé et la demande, bien modeste, d’augmentation de 3% du budget réclamé par le PDG de France télévisions Patrick de Carolis n’a toujours reçu aucune réponse. Les mutations technologiques et le renouvellement du matériel imposent à France télévisions des investissements considérables. Dans le même temps, l’inflation des coûts pour l’achat de droits et les besoins en programmes nouveaux n’a jamais été aussi importante. Pourtant, la seule source de financement prévue par la tutelle passe par des plans d’économie. La Direction de la télévision publique prépare même une sorte de plan social « soft » avec des départs en retraite non remplacés et des menaces très sérieuses sur le pôle production de France 3.

L’obligation pour la télévision de respecter le pluralisme fait naturellement partie du débat public. En cette période éminemment politique, la question des moyens et de l’avenir de la télévision publique doit également en faire partie.

Fernando Malverde

- Article à paraître dans le prochain numéro de Témoins, la revue du SNJ-CGT (Acrimed)

 
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Notes

[1Les fréquences analogiques hertziennes libérées pourraient également servir au développement des télévisions locales et associatives mais la loi ne prévoit aucun dispositif d’aide à ce propos.

[2De très nombreux téléspectateurs ne reçoivent pas le bon décrochage de France 3 sur la TNT à cause du nombre limité d’émetteurs (115 à terme contre près de 3000 en analogique). La solution est une deuxième fréquence TNT sur la zone d’émission ou le satellite qui, effectivement, règle ce problème et permet à n’importe quel téléspectateur en France de recevoir n’importe quel décrochage régional sans pour autant régler le décrochage des locales.

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