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Le Journal du Dimanche transforme une tribune anti-Loi Travail en tribune anti-CGT

par Acrimed,

Nous publions un courrier de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (Ugict-CGT), adressé à François Clémenceau, rédacteur en chef du Journal du Dimanche.

Ce courrier, qui accompagne une demande de droit de réponse, fait suite à une manipulation grossière du « JDD », qui s’est cru autorisé à instrumentaliser une tribune hostile à la Loi Travail en la transformant en tribune contre la CGT.

À l’heure où nous publions ce courrier, la direction du Journal du Dimanche n’a pas donné suite à la demande de droit de réponse de l’Ugict-CGT.

Monsieur François Clémenceau
Rédacteur en chef du Journal du Dimanche
149 rue Anatole France
92300 LEVALLOIS-PERRET


Lettre recommandée avec Accusé de Réception

Objet : Demande de droit de réponse


Montreuil, le 4 juillet 2016


Monsieur le rédacteur en chef,

Nous vous avons sollicité pour la publication d’une tribune, signée par 55 entrepreneurs, cadres dirigeants et supérieurs sur la loi Travail. Cette tribune appelle à ouvrir un dialogue serein sur la loi Travail pour conduire « à des avancées sociales », estimant que « le gouvernement s’entête et refuse tout échange constructif ». Les signataires considèrent que « la loi Travail, en rompant avec les régulations sectorielles au niveau de la branche, risque de généraliser les logiques de dumping social et économique » et pointent les fortes incertitudes sur sa capacité à créer des emplois.

L’Ugict-CGT a fait le choix, par l’intermédiaire de sa Secrétaire générale, de s’associer à cette tribune et de la relayer, pour empêcher les mises en oppositions entre salariés. Cette tribune démontre que l’opposition à la loi Travail atteint jusqu’aux cadres dirigeants et entrepreneurs, ce qui démontre à quel point le gouvernement est minoritaire. Les 54 autres signataires ne sont, pour l’essentiel d’entre eux pas syndiqués. La tribune n’a d’ailleurs pas été rédigée par l’Ugict-CGT mais par un cadre dirigeant. Ces entrepreneurs, cadres dirigeants et supérieurs ne sont pas habitués des tribunes, leur liberté d’expression étant, du fait de leurs fonctions, très fortement limitée. En signant cet appel, ils s’exposent de façon inédite et ont choisi de le faire au vu de la gravité de la situation qui menace l’avenir de notre pays.

À l’issue de nos échanges, le JDD s’est engagé à la publier dans sa version papier du 3 juillet 2016.

Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que la tribune n’était pas publiée dans la version papier et que figurait à la place un article titré « Les cadres CGT prennent leur distance avec Martinez » [1], avec en sous-titre « Le syndicat CGT des ingénieurs, cadres et techniciens (UGICT) appelle à "un dialogue apaisé" face à la loi Travail. Cette fédération prend ainsi implicitement ses distances avec le secrétaire général Philippe Martinez, bien qu’elle ne le cite pas. », et en conclusion [2] : « Critiques contre le gouvernement, ces signataires voient toutefois le dialogue "apaisé" comme "seule solution". D’où leur demande d’engager des "négociations" sur la loi Travail, contrairement au secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui a redit cette semaine que "ça se jouera dans la rue". »

Nous dénonçons une instrumentalisation de la tribune et de sa démarche qui ne fait en aucun cas écho avec d’hypothétiques débats internes de la CGT.

 Il ne s’agit pas d’une tribune de l’Ugict-CGT mais d’une tribune de cadres dirigeants d’une grande diversité d’horizons et de sensibilités, qui pour l’essentiel ne sont pas syndiqués, certains ne rentrant d’ailleurs même pas dans le champ de syndicalisation de la CGT, étant PDG ou entrepreneurs.
 La tribune ne mentionne ni ne critique, ni explicitement ni implicitement, la démarche de la CGT. Par contre elle condamne très clairement le blocage du gouvernement et le contenu de la loi Travail.
 Philippe Martinez et la CGT appellent depuis le début de ce conflit au dialogue. Avant de signer et relayer cette tribune, l’Ugict-CGT en avait d’ailleurs informé Philippe Martinez qui se félicitait de l’initiative.

Nous nous étonnons que le traitement journalistique de la tribune n’ait pas porté sur son contenu, soulignant la dimension inédite d’un tel texte et les critiques nettes portées par des patrons, des cadres dirigeants et supérieurs sur la loi Travail et la stratégie du gouvernement. Est-ce parce que ce contenu dérange ?

L’Ugict-CGT a toujours été moteur et à l’initiative de la mobilisation contre la loi Travail, du fait des attaques contenues dans le projet de loi ciblant les ingénieurs, cadres et techniciens. Elle a ainsi appelé dès le 25 février au retrait du projet de loi, et a travaillé durant 4 mois en cohérence et cohésion avec la confédération CGT pour mobiliser les ingénieurs cadres et techniciens en mettant à disposition des analyses, tracts et initiatives, et notamment la votation citoyenne.

En vertu de l’article 13 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, l’Ugict-CGT demande au JDD de publier sous 3 jours, le droit de réponse suivant :

L’UGICT-CGT dénonce l’instrumentalisation du sens et du contenu de la tribune, signée par 55 entrepreneurs, cadres dirigeants et supérieurs sur la loi Travail, relayée par le Journal Du Dimanche et qui a fait l’objet d’un article dans l’édition du dimanche 3 juillet 2016. Cette tribune n’est pas une tribune de cadres CGT. L’essentiel des signataires n’est pas syndiqué et leur liberté d’expression est très contrainte par leurs responsabilités. La tribune appelle le gouvernement au dialogue, considérant qu’il est responsable du blocage et doit garantir un débat serein à l’Assemblée Nationale, sans utiliser le 49-3. Les signataires de la tribune sont, comme la CGT, très critiques sur la loi Travail, estimant qu’elle risque d’amplifier le dumping social, économique et les logiques courtermistes et que ses potentialités de création d’emploi sont plus qu’hypothétiques. Contrairement aux affirmations du Journal Du Dimanche, la tribune ne porte absolument pas sur les positions prises par Philippe Martinez, qui, depuis le début, aux côtés de l’intersyndicale, appelle d’ailleurs le gouvernement au dialogue.

D’avance, nous vous prions d’agréer, Monsieur le rédacteur en chef, l’expression de nos sentiments les meilleurs.


Marie José Kotlicki, Secrétaire Générale de l’Ugict-CGT


Le courrier en PDF :


Post-Scriptum (12 juillet 2016) :

Dans son édition du dimanche 10 juillet, le « JDD » a publié ce qui suit :



On appréciera la taille et l’emplacement de la « précision » :


 
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Notes

[1On peut retrouver l’article sur le site du Journal du Dimanche. Notons que la tribune a bien été publiée sur le site, mais à la suite de cet article dont le titre est en contradiction avec le contenu de la tribune (note d’Acrimed).

[2Dans l’article publié sur le site internet (note d’Acrimed).

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