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Actualité des médias (n°8 - septembre 2017)

par Benjamin Lagues, Jérémie Fabre,

Avec cet article, nous poursuivons notre série d’information mensuelle sur l’actualité des médias [1].

I. Du côté des journalistes, des médiacrates et de leurs œuvres

  Le Ravi traîné devant la justice pour diffamation - Le mensuel régional associatif Le Ravi, diffusé en région PACA, a dû faire face à la justice fin septembre pour diffamation. Cela fait suite à une enquête intitulée « Odel Var : les élus d’abord, les enfants après » publié en mai 2017, qui dénonçait des conflits d’intérêt au sein de l’Office départemental d’éducation et de loisirs (Odel Var). D’après Le Ravi, « Cette citation directe fait suite à une plainte de Marc Lauriol, conseiller départemental LR du Var et candidat malheureux à la députation en juin dernier (éliminé au premier tour), de Josette Pons, ex-députée LR du Var, ex-maire de Brignoles (depuis juillet elle a passé la main à son premier adjoint) et actuelle présidente de la communauté d’agglomération de la Provence verte, ainsi que par l’Odel (Office départemental d’éducation et de loisirs), dont Lauriol est le directeur et que préside Pons. » À Brignoles justement, le mensuel était introuvable à sa sortie, comme le rapportait alors Politis : « Des exemplaires auraient été “renvoyés” sans même avoir été proposés à la vente. » Journal indépendant d’enquêtes politiques et sociales, Le Ravi fait partie de ces médias du tiers secteur au financement fragile auxquels nous apportons notre soutien.

 Le bilan d’Arthur à la tête de Oüi FM est désastreux - Lorsque l’ancien animateur a racheté la radio rock Oüi FM en 2008 (pour 5 millions d’euros), cette dernière rassemblait 2,3 % des parts d’audience selon Médiamétrie. D’après les derniers chiffres, révélés par Le Canard enchaîné du 6 septembre, cette part est depuis tombée à 1 %. Cette chute a entraîné le départ de plusieurs annonceurs importants. Conséquence directe : treize animateurs et réalisateurs ont été renvoyés et sept émissions ont été supprimées… « Au total, près de la moitié du personnel de [Oüi FM] est partie ou a été dégagée avec classe. Plusieurs animateurs intermittents, qui cumulaient les CDD de grille depuis huit ans, n’ont tout simplement pas été rappelés pour la rentrée. » Interrogé par Capital, un ancien employé de la radio explique que « l’équipe qui a racheté Oüi FM a bien travaillé sur l’exposition, le nombre de fréquences mais a vraiment cassé l’élan de cette radio. Elle adoptait une gouvernance à vue, qui changeait de cap tous les six mois. On se heurtait à une direction qui n’écoutait pas nos revendications et ne connaissait pas bien le public [...] La radio est surtout un média d’habitude, pourquoi ne pas avoir laissé plus longtemps des équipes s’installer ? » Pour tenter de redresser les audiences, Arthur n’a pour l’instant pas trouvé mieux que de prendre lui-même le micro pour une émission aux heures de grande écoute.

 Bagarre au Parisien autour d’un édito favorable à la loi travail - Une déclaration d’amour qui ne passe pas. Fin août, en pleine présentation des ordonnances de la loi travail par Emmanuel Macron, Le Parisien-Aujourd’hui en France fait paraître un editorial qui dit tout le bien qu’il convient de penser de cette réforme. Or, selon la société des journalistes (SDJ) du quotidien, ce type de prise de position est incompatible avec la ligne éditoriale du journal lequel est censé être « fédérateur, neutre et non partisan » selon un communiqué interne obtenu par Libération. La SDJ du Parisien-Aujourd’hui en France se déclare pour la suppression de l’éditorial dans le journal. De son côté, la rédaction en chef aurait maintenu son choix en expliquant que « la très saine objectivité du journal n’empêche pas d’avoir des prises de position. Je n’ai pas de problème avec le fait que ça suscite des débats au sein de la rédaction, c’est la vie d’une rédaction ». Après ce bottage en touche, la direction de la rédaction a cru bon ajouter : «  On ne peut pas être tiède. L’édito est là pour piquer dans un sens ou dans l’autre.  » Mais plus souvent dans un sens que dans l’autre…

 La police française s’attaque à son tour au média alternatif Indymedia - Après l’Allemagne qui a fait fermer, en août dernier, le site Indymedia Linksunten, la police française fait pression sur les antennes locales, en l’occurrence Indymedia Nantes et Grenoble. Ainsi, relate un texte commun de Rebellyon, La rotative, Paris-Luttes, Expansive, Renversé et CQFD (entre autres), « après la publication d’un communiqué revendiquant l’incendie d’un garage de la gendarmerie de Grenoble dans la nuit du 20 au 21 septembre, Indymedia Grenoble et Indymedia Nantes ont été menacés par la police française. Les équipes qui administrent ces sites ont reçu des courriels de l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication (OCLCTIC) exigeant la dépublication sous vingt-quatre heures des articles concernés, sous peine de blocage et déréférencement des sites.  » D’après le communiqué d’Indymedia Grenoble, publié après ces menaces policières, les antennes françaises se sont «  pliées à cette demande directe des bureaux de police  ». De son côté, CQFD explique que «  c’est la notion de “terrorisme” qui est mobilisée par les gouvernements pour censurer des médias libres (...). Alors que les notions de terrorisme et de provocation ne sont pas définies, la loi française permet depuis février 2015 de faire disparaître des sites ou des textes sans recours au juge, sur simple requête de l’administration policière.  »

 Elise Lucet et Laurent Richard traînés devant la justice par l’Azerbaïdjan - Les deux journalistes de Cash investigation (France 2) ont comparu début septembre devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour diffamation. En cause, leur affirmation que l’Azerbaïdjan est une « dictature parmi les plus féroces au monde ». D’après Le Monde, qui raconte une journée de procès virant parfois à l’absurde, la constitution de partie civile de l’Azerbaïdjan devrait finalement être jugée irrecevable car il s’agit d’un État et non d’un particulier. Autre problème soulevé par Le Monde, le « danger pour la liberté de la presse que constituerait le fait qu’un État étranger puisse poursuivre un journaliste en diffamation sur le sol français, alors même que l’État français ne dispose pas lui-même de ce droit. » Une affaire à suivre…

II. Du côté des entreprises médiatiques et de leurs propriétaires

 Altice média regroupe ses activités dans un même immeuble - Les grandes manoeuvres continuent à Altice. Le groupe détenu par le milliardaire Patrick Drahi a annoncé vouloir regrouper ses activités audiovisuelles (BFMTV, RMC…) dans un même immeuble du XVe arrondissement où l’opérateur SFR serait déjà en train d’emménager. D’après CBNews, « les nouveaux locaux accueilleront un millier de salariés et seront dotés de sept studios de tournage ». La médias de presse écrite détenus par le groupe (Libération et l’Express) ne semblent pas concernés par ce rapprochement.

 L’audiovisuel public en surchauffe - Le gouvernement d’Édouard Philippe a annoncé une baisse de budget pour l’audiovisuel public de 80 millions d’euros. D’après Le Monde, ces coupes seront inégalement réparties : « 50 millions d’euros pour France Télévisions, 20 millions environ pour Radio France, 5 millions pour Arte et quelques millions d’euros pour France Médias Monde. » À France Télévisions, ces sommes ne seront pas compensées par la publicité. Selon CBNews, le CSA s’est en effet prononcé contre le retour de la publicité après 20h, ce que demandait la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte. Quoi qu’il en soit, l’importante baisse de budget imposée à l’audiovisuel public apparaît comme une étape supplémentaire du démantèlement du secteur public audiovisuel [2]. Cet serrage de ceinture budgétaire a lieu dans un contexte déjà tendu dans l’audiovisuel public. Des grèves ont éclaté en septembre à France culture, France inter et France 3. Après la fermeture des éditions de Mulhouse et du Mans, la direction de France Télévisions a en effet annoncé vouloir supprimer la totalité des éditions locales du journal télévisé (JT) de France 3 d’ici à la fin de l’année 2018. Actuellement, un JT local de sept minutes est diffusé tous les jours à 19h15 sur les différentes antennes du réseau France 3. La direction affirme qu’il n’y aura pas de conséquence sur l’emploi, ce que le syndicat SNJ-CGT dément, ironisant sur le motif de cette suppression : « La direction de France Télévisions martèle que les éditions locales ne sont plus vues. À qui la faute ? Elle a toujours refusé de les diffuser sur les box. Elle se sert aujourd’hui de l’argument de la visibilité pour trancher dans le vif. » Une journée de grève a été menée en conséquence le mercredi 27 septembre.

 Les hebdomadaires français se vendent de moins en moins - Afficher Emmanuel Macron en Une ne suffit plus : les hebdomadaires sont à la peine. D’après France Inter, qui revient sur les derniers chiffres de ventes des magazines français d’informations, le résultat est mauvais. Ainsi, «  L’année présidentielle écoulée n’a pas suffi à les ramener dans le vert. C’est Le Point qui paie le prix le plus fort, avec un repli de 6,44%, suivi par L’Obs, à -4,65% et Paris Match, qui perd de son côté 4,35%. »

 Décès de Pierre Bergé et changement dans l’actionnariat du Monde - Co-propriétaire du Groupe Le Monde depuis 2010, l’homme d’affaires Pierre Bergé est décédé le 8 septembre. Le Monde lui a rendu un hommage appuyé dans un article, parlant de « défenseur du journalisme de qualité ». On apprend dans ce même article que les prises de position publiques de Pierre Bergé contre des décisions de la rédaction de son journal « ont parfois pu troubler nos lecteurs ou alimenter les thèses des complotistes. » Au nombre desquels, sans doute, Acrimed ! En effet, nous avions relevé en 2015 des déclarations incendiaires de Pierre Bergé contre une enquête de son journal, et dénoncé les manigances des actionnaires du Monde contre les décisions de la rédaction. Xavier Niel et Matthieu Pigasse, les deux autres actionnaires majoritaires du Groupe Le Monde, se sont engagés à reprendre les parts de Pierre Bergé. Ils possèderont donc à eux deux 80 % du Groupe Le Monde.

 SFR et Bouygues rattrapés par l’État - Début septembre, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin a demandé aux deux opérateurs de mettre fin à un montage fiscal très coûteux pour le trésor public. Dans ce montage qui utilise les projets de kiosque en ligne proposant des journaux en version numérique lancés par SFR et Bouygues pour leurs abonnés, comme l’explique BusinessInsider, « SFR et Bouygues ont décidé d’appliquer à une partie significative de l’abonnement global d’un utilisateur un taux super réduit de TVA de 2,1% — qui est pourtant réservée aux éditeurs de presse. Par comparaison, la télévision est taxée à 10% et la téléphonie à 20%. Avec sa combine fiscale, SFR s’applique ce taux même si le service n’est pas utilisé, comme le détaille le site Nextinpact. Résultat, SFR et Bouygues réduisent le montant de TVA dû à l’État. » Une méthode douteuse qui a finalement fait réagir Bercy.

Jérémie Fabre et Benjamin Lagues

 
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Notes

[2Un démantèlement progressif sur lequel nous sommes récemment revenus dans notre article « Pour une refondation de l’audiovisuel public : histoire, diagnostic et propositions ». Quant à la publicité sur le secteur public, nous expliquions à quel point il pouvait être pervers dans notre article « Pour une refondation de l’audiovisuel public - La question du financement ».

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