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Lu : Les écoles du journalisme, d’Ivan Chupin

par Maxime Friot,

Le politiste Ivan Chupin publie aux Presses Universitaires de Rennes Les écoles du journalisme. Les enjeux de la scolarisation d’une profession (1899-2018).

Dans son ouvrage, Ivan Chupin revient sur l’émergence et les dynamiques de la scolarisation de la profession de journaliste, et montre les logiques qui ont sous tendu depuis un siècle la construction d’un espace de formation au journalisme.



L’ouvrage retrace les processus par lesquels « le journalisme est parvenu à se scolariser alors même que la plupart des professionnels considéraient à la fin du XIXe siècle qu’il était possible de l’apprendre directement « sur le tas » (…). À l’époque, le journalisme est principalement littéraire et l’apprentissage du métier ne constitue pas un enjeu car il repose avant tout sur des dispositions sociales. Comment le journalisme est-il parvenu à s’imposer comme une pédagogie pratique qui pouvait s’apprendre via des écoles ? » Et il s’agit d’un enjeu décisif dans la mesure où « ces écoles du journalisme constituent un des lieux de formation et de transmission des pratiques. Et, tout autant que des compétences, c’est aussi une vision du métier qui s’enseigne là et, se transmet. »

La première moitié du livre est consacrée principalement à retracer dans le détail la création et la consolidation de l’École Supérieure de Journalisme de Lille (marquée lors de sa fondation en 1924 par son inscription dans les réseaux catholiques) et du Centre de Formation des Journalistes à Paris. Et il apparaît que « ce n’est qu’à la Libération, dans une conjoncture très particulière de refonte de la presse, et de renouvellement des élites que la scolarisation au journalisme parvient à s’imposer effectivement dans l’espace professionnel du fait de la mobilisation de quelques entrepreneurs de cette cause bien postés au sein des réseaux résistants promus au sein de l’appareil d’État et dans quelques entreprises de presse. » Ivan Chupin parle alors d’un « duopole d’écoles privées » qui parvient à « résister face à la concurrence de l’université qui se lance, à son tour, après mai 1968 dans des formations professionnalisantes. »

À partir des années 1970, les évolutions qui traversent le champ journalistique et ses logiques économiques se répercutent dans l’« espace des écoles » qui se constitue progressivement. Un espace qui connaît dans les années 1990 de grands problèmes de financement. C’est le cas notamment du CFPJ, qui « rencontre, à partir du milieu des années 1990, d’importantes crises financières provoquées par les politiques immobilières. À deux reprises, le Centre dépose le bilan en 1998 et en 2003 ce qui le conduit à modifier profondément ses logiques de fonctionnement. En l’espace de ces cinq années, le CFPJ passe d’un statut d’organisme paritaire autogéré de la profession journalistique à celui de structure rattachée à une entreprise de formation professionnelle. »

L’arrivée en parallèle de nouveaux concurrents (en particulier les IEP) contribue à « une renégociation générale de la place des savoirs techniques et fondamentaux », et pose la question de la « reconnaissance par la profession » des formations. C’est la Commission paritaire nationale de l’Emploi des journalistes (CPNEJ) qui octroie (ou non !) un agrément : ainsi quatorze formations sont reconnues aujourd’hui (contre neuf en 2001) : l’ESJ de Lille, le CFJ (Paris), le CUEJ (Strasbourg), le CELSA (Neuilly), l’EJCM (Marseille), l’ICM (Grenoble), l’IPJ (Paris), l’IFP (Paris), l’IJBA (Bordeaux), l’EJT (Toulouse), l’école de journalisme de Tours, l’IUT de journalisme de Lannion, et celui de Cannes, et l’école de journalisme de Sciences-Po Paris, alors même que des dizaines de formations ne le sont pas.


***


Cet ouvrage, tiré de la thèse de sociologie soutenue par Ivan Chupin en 2008, restitue avec une grande précision les dynamiques qui depuis plus d’un siècle façonnent la scolarisation progressive de la profession journalistique, les logiques de concurrence et de coopération entre les écoles, les stratégies et les intérêts des différents acteurs mobilisés (journalistes, chercheurs, patrons de presse, État, syndicats...). Un travail de référence pour qui veut acquérir une connaissance approfondie de l’histoire des écoles de journalisme en France.


Maxime Friot

 
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