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Tribune

Proche-Orient : l’Agence Reuters communique (2000)

par Bb),

Une dépêche de l’agence Reuters résume le communiqué de presse du ministère des affaires étrangères d’Israël. Le correspondant d’Acrimed qui nous a transmis cette dépêche la commente dans cette tribune libre [*].

 Reuters - Proche-Orient : "la logique de guerre s’installe aussi sur le web"

« Plusieurs milliers d’internautes pro-palestiniens ont lancé une attaque concertée contre le site officiel du ministère israélien des Affaires étrangères et sont parvenus à bloquer totalement le service. "Le site en lui-même n’a pas subi de dégâts, mais, pour le moment, personne ne peut y accéder", a déclaré à la radio de l’armée israélienne le responsable de l’information au ministère. "Il s’agit d’une tentative visant à nous bannir du web menée par des milliers de visiteurs qui se sont connectés simultanément (...). On peut comparer cela à une foule s’efforçant de passer à travers une porte étroite dans un même mouvement ; en fin de compte personne ne peut passer", a expliqué Uri Noy. Selon lui, l’initiative de cette attaque serait à chercher du côté d’un site "pro-palestinien et pro-chiite" hébergé aux Etats-Unis dont les auteurs auraient appelé les internautes à se joindre en masse à leur action. »

Autrement dit, Reuters résume le communiqué de presse du ministère des affaires étrangères. Déclaration officielle dont Reuters a pris connaissance sur la radio de l’armée israélienne. Ça, c’est d’ l’ info ! Y’a qu’à voir le titre : "la logique de guerre s’installe sur le web"... En fait de "logique de guerre", il s’agit de ce qu’on appelle une manifestation virtuelle : des gens décident de cliquer tout plein de fois, ensemble, pour charger une page, un site. Ils peuvent aussi être aidés en cela par un petit programme, somme toute inoffensif, qui charge les pages à leur place. Au final, la charge de cette brigade somme toute légère (face au pouvoir d’un ministère des affaires étrangères et d’une radio militaire, en temps de guerre) peut bloquer un site web, exactement comme quand des grévistes, ou des manifestants, ou des forces de l’ordre, ou bien l’armée, peuvent bloquer "physiquement" tel ou tel site "réel". Sans pour autant que cela soit de l’ordre de la "guerre", en tout cas pas pour les manifestants. Au pire, c’est de la résistance, mais il n’y a ni violence ni dégât physiques. Tout au plus faudra-t-il investir quelque argent par la suite pour améliorer le système informatique, ou encore engager un responsable sécurité … Quant à l’idée de "bannir du web" qui que ce soit, c’est proprement impossible... Contrairement à l’espace physique, l ’internet ne connaît pas de frontières, elles sont en tout cas toutes franchissables à l’envi, et la censure ne peut y exister.

Reste qu’il aurait été intéressant que Reuters en dise plus sur ces "milliers de visiteurs" : quelles sont leurs motivations, techniques, modes d’organisation … A tout le moins, quand on donne une information qui émane d’un responsable officiel qui s’exprime sur une radio militaire, ce qu’on appelle aussi de la propagande, on prend la peine d’interroger le parti pris d’un tel point de vue, voire d’aller interroger le parti d’en face. Surtout en cas de guerre. En l’occurrence, il nous a été possible d’en savoir plus. En allant consulter la dépêche originale de Reuters... sur le site américain de Yahoo. On y lit que "les officiels palestiniens n’ont pas commenté immédiatement les remarques de Noy, qui s’inscrivent dans la féroce guerre de propagande que se sont lancées les deux parties depuis les premiers conflits israelo palestiniens d’il y a presque 4 semaines. Au moins 131 personnes ont été tués dans ces violences, presque tous arabes." Le correspondant de Reuters à Jerusalem donne aussi l’URL du site bloqué, qui était inaccessible à l’heure où il a lancé la dépêche, et l’est encore : www.mfa.gov.il. Ce correspondant semble en tout cas mieux faire son boulot que le service de traduction de Reuters.

Sur le site israélien d’IndyMedia, aucune info concernant cette manif’ virtuelle, bien qu’IndyMedia soit, en pareil cas, réputé pour apporter des informations moins idéologiquement sécuritaires, émanant qui plus est du terrain même où se trame ce dont il est question, et non de telle ou telle personne recopiant bêtement un communiqué de presse dans sa salle de rédaction climatisée. On y apprend néanmoins, entre autres (beaucoup de textes sont en hébreu), la tenue d’une manifestation conjointe d’arabes et de Palestiniens, les 28 jours de prison d’un jeune Israélien qui a refusé d’aller se battre, on peut aussi prendre connaissance des rapports établis par les associations de défense des droits de l’homme, etc. Il y est question, effectivement, d’une logique de guerre. Qui s’installe sur le web. Mais pas forcément là où on l’attend. En tout cas, si elle émane aussi de manifestants, en butte à des militaires armés, ceux qui protestent virtuellement ne risquent ni de tuer, ni de se faire tuer. En l’espèce, les rapports attestent surtout de violences faites aux manifestants, les militaires ne pâtissant guère de cette guerre.

Pour finir, on rappellera cette autre dépêche (toujours de Reuters …), datant d’il y a 6 jours : "Le Hezbollah affirme que des pro-israéliens ont endommagés son site web. Le site du groupe de guérilla aurait crashé après avoir été pris pour cible par des millions de requêtes et d’e-mails hostiles (certains contenant des virus) venant d’ Israël et des Etats-Unis. L’attaque aurait eu lieu suite à l’enlèvement des trois soldats israéliens au Liban. " Nous avons les noms de 8521 serveurs qui ont saboté notre serveur " a déclaré à Reuters le webmaster de hizbollah.org, qui parle d’ "e-mail bombing". Le site recueille normalement entre 100 et 300 000 requêtes quotidiennes, et aurait enregistré jusqu’à 9 millions de hits au moment fort de l’attaque. Il est, à ce jour, toujours indisponible. Israël est par ailleurs connu pour être l’un des pays les plus en pointe en matière de nouvelles technologies et d’internet. C’est aussi l’un des rares pays où les forces de l’ordre, et les services de renseignement, n’hésitent pas à engager des hackers pour mener à bien leurs missions.

Reuters- Proche-Orient : la logique de guerre s’installe aussi sur le web (25/10/2000 - lien périmé)

IndyMedia Israel
(lien éprimé)

URL de l’article en question
http://www.bugbrother.com/archives/2000_10_22_bigband.html#1179726

Bb)

 
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Notes

[*Les articles présentés comme des tribunes n’engagent pas nécessairement la responsabilité d’Acrimed

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