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Renaud Revel, de L’Express, appelle à censurer Mélenchon

par Henri Maler,

Le temps des médias n’est pas le nôtre ; celui des réactions des responsables politiques non plus. C’est pourquoi il faudra attendre quelques jours encore avant que, avec le recul nécessaire, nous disions notre mot sur le concert médiatique qui a accompagné la fin de la manifestation du 1er décembre organisée par le Front de gauche. En revanche, la péroraison d’un article appelant au boycott médiatique de Jean-Luc Mélenchon mérite qu’on s’y arrête sans délai.

Nous avions déjà entendu les pleurnicheries des responsables de l’audiovisuel contre l’égalité des temps de parole concédée pendant quelques temps à tous les candidats à la présidence de la République (« Temps de parole et élection présidentielle : les médiateurs montent au créneau »). Nous avions suivi avec consternation la confrontation entre Patrick Cohen et Frédéric Taddeï sur les limites arbitraires que le premier nommé entend fixer à la liberté d’expression (« Liberté d’expression et service public : Frédéric Taddeï face à Patrick Cohen »). Et plus largement nous observons de longue date toutes les entraves au pluralisme auxquelles, par temps d’élection et par tous les temps, tentent de nous habituer nombre de patrons et de chefferies des entreprises médiatiques. Mais nous n’avions pas encore lu ou entendu un appel au boycott, équivalant à un appel à la censure.

C’est pourtant ce qui est arrivé avec un article de Renaud Revel, journaliste à L’Express, publié sur son blog, sous le titre « Claire Chazal « abasourdie » par l’affaire Mélenchon. Après une longue déclaration d’hostilité à la personne de Jean-Luc Mélenchon et de défense de TF1, on peut lire ceci :

« En vérité, TF1 n’a commis qu’une seule erreur : donner la parole à un hurluberlu, dont les charges contre les médias constituent, à force, une ignominie.

Pourquoi aller tendre le micro à un homme qui constitue, par ses propos répétés, un danger pour la démocratie ? Question : que donnerait l’intéressé s’il était à la tête d’un ministère de la Communication ? Forcément, le pire.

Mélenchon n’amuse plus et nous lasse : ses sorties vociférantes, ses menaces contre les journalistes, ses oukases à répétition à l’intention de la profession, ajouté à sa fatuité ventripotente, en font un personnage devenu détestable.

Bref, ce responsable politique, vivant au crochet de médias qu’il piétine, mériterait d’être mis tout simplement au piquet : boycotté, le temps qu’il apprenne à respecter ceux qui mieux que personne ont contribué à forger, au fil des ans, à la fois son image et sa carrière.

Boycotter Mélenchon ? C’est ce qu’ont fait les français, qui ne sont pas descendus en masse dans la rue, dimanche. Des français qui n’ont pas répondu à son appel. »

Libre à chacun d’évaluer comme il l’entend les positions politiques et les prestations médiatiques de Jean-Luc Mélenchon. Renaud Revel ne s’en prive pas et c’est son droit le plus strict. Mais que l’on n’attende de nous ni déclaration d’amour ou d’allégeance, ni déclaration de haine ou de désaccord à l’égard du porte-parole du Front de gauche : c’est la critique des médias qui nous importe et c’est à ce titre que, le cas échéant nous avons notre mot à dire sur la forme et le fond des positions qu’il exprime ou qu’il prend.

C’est au titre de la défense de la liberté d’expression et du pluralisme politique que nous trouvons intolérable l’arrogance avec laquelle quelques gardiens du temple médiatique définissent les limites du pluralisme. Surtout lorsque sont prononcés des oukases qui reposent presque exclusivement sur le traitement insuffisamment déférent qui serait réservé à ces mêmes gardiens, indifférents à la violence sourde qu’ils exercent contre quiconque ose les contester. La violence sourde, la censure à peine masquée (comme celle qui frappe la diffusion du film Les Nouveaux chiens de garde, par la télévision publique) ou la censure ouvertement réclamée. Dans ce cas par Renaud Revel.

 
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