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Les télécrates s’expliquent (3) Pujadas

David Pujadas, interrogé par Laurent Neumann, de Marianne (6-12 mai 2002)

(Première version : 23 avril 2002. Mise à jour du 05 et du 12-05-2002)

(1) Robert Namias et Olivier Mazerolles (2) Etienne Mougeotte (3) David Pujadas (4) Patrick Poivre d’Arvor


La quasi-totalité de questions posées par Laurent Neumann portent sur la quantité d’informations sur l’insécurité et jamais sur leur contenu et sur leur forme : « (...) Les médias - et notamment la télévision - ont-ils trop insisté sur l’insécurité ? » - « (...) avez-vous le sentiment à France 2, d’en avoir trop parlé ? »- « Y a-t-il moins de faits divers dans les journaux télévisés depuis les résultats du premier tour ? »

A ces questions biaisées, réponses biaisées :

 qui attribuent à la "réalité" l’importance (et seulement l’importance quantitative) de la "couverture" de l’insécurité :

« Sur le fond, c’est vrai, il y a eu ces derniers mois une actualité forte liée à l’insécurité ».

 qui minimisent cette "couverture" en alignant des chiffres :

« Étude faite, sur 140 journaux télévisés depuis septembre 2001, j’ai ouvert 12 fois sur un sujet lié à l’insécurité (...) »

« La seul solution pour savoir si on en fait trop, c’est d’éplucher les "conducteurs" (liste des sujets). En février dernier sur 16 journaux télévisés, nous avons consacré 25 sujets à l’insécurité au sens large contre 41 sujets strictement politiques »

 qui contredisent le postulat d’une télévision-reflet :

« Lorsque les premiers chiffres sur l’augmentation de la délinquance ont commencé à "fuiter", les médias se sont mis à traiter le sujet sous tous les angles. Donc à entretenir le phénomène. Puis, logiquement, l’insécurité est devenu le thème central de la campagne électorale. Dès lors, c’est vrai le système s’est auto-alimenté. »

Ainsi David Pujadas identifie lui-même (assez lucidement) les mécanismes de ce qu’il nomme une « surmédicalisation ».

Mais que dit-il de ses effets ?

Les effets ?

Laurent Neumann lui demande-t-il - en substance - si les médias ont contribué à déterminer l’agenda des politiques, David Pujadas répond :

« Les médias sont rarement prescripteurs »

Mais c’est pour expliquer ensuite... comment se forme la boucle entre le rôle des médias et l’agenda des politiques.

Laurent Neumann lui demande-t-il si la télévision a alimenté le vote Le Pen, David Pujadas répond :

« Il est possible que cette sumédiatisation joue à la marge. Mais, honnêtement, je n’y crois pas ».

Comme si - mais la question induisait partiellement la réponse - le problème était seulement celui d’une détermination directe du vote par la télévision. Et que l’on pouvait, du même coup, conclure d’une détermination faible à une quasi-innocuité :

« J’ai le sentiment, au contraire que l’on surévalue le rôle de la télévision »

On l’a compris : sur le mode de construction médiatique du "problème de l’insécurité", sur les effets d’imposition de représentations dudit problème et sur les effets de légitimation de certains discours politiques, il ne sera pas dit un mot...

Si l’on peut concéder à David Pujadas une certaine probité candide, il n’en va pas de même de Patrick Poivre d’Arvor.

La suite (4) Patrick Poivre d’Arvor

 
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