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Le Point recycle les déchets de Charlie Hebdo

par Henri Maler,

Le Point est ce prodigieux hebdomadaire qui, en guise d’enquête, recycle les informations déjà publiées par ses confrères. Le Monde consacre-t-il un article venimeux à l’Observatoire français des médias ? Le Point traduit par une « brève » plus venimeuse encore (lire Sur l’Observatoire des médias, une leçon de stalinisme du Point). L’important Philippe Val propose-t-il d’exclure les maldisants de cet Observatoire ? Le Point surenchérit en « bidonnant » un peu plus que son maître à penser de circonstance...

Non ! Nous n’allons pas parler une fois encore de Val [1] : c’est Le Point qui mérite qu’on s’interroge sur certaines pratiques du journalisme.

La circulation circulaire de la désinformation

Dans le numéro daté du 9 janvier, en marge d’un dossier sur les « altermondialistes » qui mériterait un large détour, Le Point publie (page 26) un article de Charles Jaigu dont le titre même est un plagiat de Philippe Val : « La police des médias ». L’héroïque Charles Jaigu craignait sans doute la matraque. Il ne mérite que le chiffon dépoussiérant.

Il suffit de lire attentivement pour apprendre comment Charles Jaigu travaille.

« Créé en septembre dernier à l’initiative d’Attac, l’Observatoire français des médias est censé décrypter les connivences des journalistes trop souvent à la botte « des grands groupes médiatiques ». Emanation de l’observatoire, le « sardonique » bimestriel Pour Lire pas Lu, animé par Serge Halimi, journaliste au Monde diplomatique et auteur d’un pamphlet sur « Les nouveaux chiens de garde » ne ménage pas ses attaques ad hominem, accordant une « laisse d’or » au journaliste le plus aux ordres. Dernier récipiendaire : Jean-Luc Hesse, le directeur de France Inter [2]. Outré par le procédé, Philippe Val, l’éditorialiste de Charlie Hebdo, membre fondateur d’Attac qui tient également une chronique sur la radio publique, est monté au créneau, dénonçant « une machine à délation morbide qui se nourrit de la haine des journalistes » et mettant en cause Ignacio Ramonet, membre de l’observatoire et directeur de la rédaction du Monde diplomatique, cet « ami de Fidel Castro dont on ne voit pas ce qu’il pourrait apprendre à nos médias - si imparfaits soient-ils - en matière de liberté de la presse ». « Ils font de la dénonciation une politique, et du complot, une vision du monde », résume un autre membre du bureau politique d’Attac qui a préféré garder l’anonymat. Et qui regrette que la création de cet observatoire n’ait pas été débattue par les membres du conseil d’administration de l’association. »

Aux à-peu près polémiques de Philippe Val (lire Philippe Val se charge de l’épuration de l’Observatoire français des médias), Charles Jaigu a ajouté un chapelet d’erreurs de son propre cru, à raison d’une par phrase environ.

- L’observatoire n’a pas été « créé (...) à l’initiative d’Attac ».

- L’observatoire n’est pas « censé décrypter les connivences des journalistes trop souvent à la botte « des grands groupes médiatiques » ». Plus exactement, rien dans les textes publics jusqu’à présent ne dit cela.

- Pour Lire Pas lu n’est pas une « émanation de l’observatoire » ... et réciproquement.

- Un « autre membre du bureau politique d’Attac » renvoie sans doute à un premier qui n’existe pas dans l’article. A moins qu’il ne s’agisse de Philippe Val lui-même ou de l’un de ses conseillers.

- Attac n’est pas doté d’un bureau « politique », mais d’un simple... bureau.

- Le conseil d’administration d’Attac n’aurait pas eu à débattre de la création de l’Observatoire puisqu’il n’en est pas le créateur. En revanche, son CA a débattu du texte paru dans Lignes d’Attac et le bureau a décidé la participation d’Attac à l’Observatoire, cohérente avec le contenu de ce texte.

Ajoutons qu’il serait faux de croire que Charles Jaigu suit des cours de formation permanente dans une école de journalistes.

La propagation linéaire le la bêtise

Que Charles Jaigu se soit ainsi précipité sur l’article de Philippe Val suffit à leur discrédit commun.

Heureux Charles Jaigu qui s’émeut des critiques ad hominem... en citant la mise en cause d’Ignacio Ramonet par Philippe Val. Il est d’ailleurs exceptionnel que les médias se livrent à des attaques ad hominen !

Heureux Charles Jaigu qui cite un membre (réel ou imaginaire) du « bureau politique » d’Attac : voici un « enquêteur » qui nous gratifie régulièrement de citations anonymes dont il est impossible de vérifier si elles le sont pour sauvegarder le secret des sources ou pour protéger l’imagination du journaliste (Lire : « Quand Le Point s’inquiète pour le réalisme de gauche »). Au moindre doute, on est prié de faire confiance à ce dernier. ..

... Puisque celui-ci vient opportunément conforter la bêtise ambiante. Si vous voulez vous défendre de toute critique du journalisme, il suffit de l’attribuer à une fantomatique « théorie du complot » : rumeur faussement critique dont les auteurs sont, eux, parfaitement identifiables, puisque Philippe Corcuff et... Philippe Val, pour ne citer qu’eux, la ressassent obstinément.

Complot des conseillers des médias intéressés à protéger leur emploi ? Non... Complot concerté du Point et de Charlie Hebdo ? Que nenni... Rassurons Charles Jaigu : les inepties peuvent être convergentes sans être concertées.

 
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Notes

[1Voir les autres articles de cette rubrique Haro sur la critique des médias, et le thème associé "Philippe Val" en haut à gauche de cette page.

[2A l’issue d’un minutieux travail de recoupement, nous subodorons qu’il s’agit de Jean-Luc Hees (sans e final).

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