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Le Monde en Bourse n’est plus " à l’ordre du jour "

par Patrick Lemaire,

L’introduction en Bourse du Monde est reportée, indique Jean-Marie-Colombani au quotidien La Tribune (1er octobre 2003), confirmant les informations auxquelles nous faisions écho début juillet (lire Le Monde revoit ses ambitions à la baisse). La Tribune donne par ailleurs quelques indications sur la situation économique du quotidien. Extraits (les passages en gras sont soulignés par nous) et brefs commentaires.

La Tribune.- Quelle est la situation financière de votre groupe ?
J.-M. C. - Notre maison est en transition. En 2003, notre compte d’exploitation sera positif. En ligne avec nos prévisions, nous enregistrerons moins de 10 millions d’euros de pertes nettes du fait de charges exceptionnelles liées à notre réorganisation. La baisse des recettes de publicité et de diffusion sera compensée par la réduction de nos coûts. En 2003, les économies dégagées seront supérieures à 5 % de nos charges. La maison sera en position de force dès que la reprise s’annoncera.

(Ça ira mieux quand ça ira mieux…)

La Tribune.- L’introduction en Bourse est-elle encore programmée ?
J.-M. C. - L’introduction en Bourse n’est pas à l’ordre du jour, dès lors que nous avons pu financer notre croissance externe. De plus et surtout, la conjoncture est très défavorable.
La Tribune.- Ne redoutez-vous pas en fait un vote négatif de la Société des rédacteurs du Monde  ?
J.-M. C. - Il n’est pas question de fuir le débat. Il viendra simplement en son temps.

(Demain, il fera jour… [1])

D’autant que la perspective d’introduction devra rester ouverte. C’est en effet elle qui nous a permis de lever de l’argent sans lequel nous n’aurions pas pu nous développer.

(Si l’on comprend bien, l’important, n’est pas que Le Monde soit un jour ou l’autre introduit en Bourse, mais de faire croire que cela arrivera. La priorité étant de " lever de l’argent " grâce à cette croyance, pardon ! " perspective ". Curieuse conception, de surcroît de la part d’un journaliste, où l’intérêt financier du journal semble primer sur la fiabilité de l’information. Et qui pourrait faire penser aux pratiques d’une certaine presse (en d’autres temps, évidemment) qui ajustait ses informations et commentaires selon le profit sonnant et trébuchant qu’elle pouvait en tirer… [2])

La Tribune.- Votre tour de table est donc stabilisé...
J.-M. C. - Notre système va bouger dès le début 2004. Car les personnels de PVC puis ceux du Groupe des Journaux du Midi ont vocation à être assis à la table commune, au côté des personnels du Monde qui ont aujourd’hui 40 % du capital. Pour maintenir nos lois fondamentales qui confient à 48 % à nos partenaires externes dont la Société des lecteurs, nous allons ouvrir une discussion pour leur proposer de monter au capital, soit par souscription nouvelle, soit par conversion des ORA qu’ils détiennent.

(En d’autres termes, il s’agit d’éviter que la part des personnels dans le capital - diminuée sous le " règne " de Colombani - s’accroisse au détriment de celle des actionnaires extérieurs, c’est-à-dire d’industriels et de financiers aux côtés desquels la Société des lecteurs, seule citée ici (et présidée par Alain Minc), n’a guère de poids réel. Le 1er juillet, Alain Minc - qui n’est ici pas cité par Colombani - signalait l’abandon de la " solution " des ORA (obligations remboursables en actions) et reconnaissait qu’aujourd’hui, la conversion des ORA permettrait à leurs détenteurs de posséder 40% du capital. " A mots couverts, Alain Minc reconnaît que la marge de manoeuvre du groupe Le Monde est provisoirement limitée ", commentait Le Figaro [3]).

Un article contigu de La Tribune permet de prendre un peu de recul par rapport à cette opération de communication. Annonçant dans le titre " un supplément magazine pour le week-end ", il est surtitré " Le journal s’organise pour faire face à l’érosion des ventes ". L’article révèle en effet que " le quotidien lui-même devrait enregistrer une baisse de deux points de ses ventes en 2003. " Pour tenter de redresser la diffusion, le patron du Monde annonce donc " un supplément magazine, qui viendra s’ajouter au Monde Argent, le samedi ", et pour lequel seront investis 5 millions d’euros. Mais la direction du Monde compte aussi sur la réforme (en cours) du système de distribution de la presse : " Paris est la seule grande capitale où il faut marcher dix minutes pour acheter son quotidien, dit Colombani [4]. La nouvelle direction des NMPP doit s’attaquer de toute urgence à ce problème "

(Le Monde peut se targuer d’une relation privilégiée avec les NMPP - Nouvelles messageries de la presse parisienne. Simultanément à la parution du livre La Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen, Le Canard enchaîné (19 février 2003) révélait que Le Monde avait réclamé et obtenu des NMPP un million de francs " pour prix de ses interventions auprès du gouvernement Jospin ". Interventions qui avaient abouti au versement par les pouvoirs publics aux NMPP d’une subvention de 80 millions de francs. Cette révélation a chagriné les autres journaux parties prenantes dans la gestion des NMPP, et Le Monde a remboursé, tandis que le Président des NMPP était débarqué…)

Enfin, note La Tribune, " plutôt que de nier l’existence des gratuits, il préconise leur intégration dans le système de distribution, afin de leur en faire partager les coûts ".

(Comme pour les NMPP, la direction du Monde tente-t-elle ainsi de " normaliser " sa position, dont la duplicité a été mise en évidence par La Face cachée ? [5])

 
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