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Journée d’action des intermittents : France Inter « équilibre » les points de vue

par Michel Ducrot,

A l’occasion de la journée d’action des intermittents, France Inter offre son plus beau micro … au meilleur défenseur de la CFDT, Patrice Chéreau.

« Je ne suis pas un spécialiste des intermittents ». C’est ainsi que Patrice Chéreau a commencé son intervention, jeudi 4 septembre, à l’issue du journal de 8 H de France Inter, lors de l’émission « Question directe ». Manque de bol de ne pas avoir trouvé un vrai connaisseur de cette question complexe qu’est le protocole concernant les annexes 8 et 10 de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle !

D’autant que cette émission d’information, suivie de questions d’auditeurs en direct, se justifiait par la journée nationale d’action des intermittents, à l’appel de la CGT-spectacle et des coordinations, à l’occasion d’une réunion du CNPS (Conseil national des professions du
spectacle), présidée par Jean-Jacques Aillagon. Lors de cette réunion, la plupart des professionnels du spectacles, salariés comme employeurs, devaient demander au ministre de revenir sur l’agrément donné au protocole visant à réformer l’assurance chômage des intermittents.

Stéphane Paoli aurait pu, au moins, inviter un représentant des intermittents en lutte. Plus tard, interpellé par un auditeur (Nicolas, technicien en Dordogne), il aura cette réponse d’une incommensurable mauvaise foi : « J’ai invité Chéreau parce qu’il a pris une position différente cet été. Mais, rassurez-vous, vous entendrez d’autres points de vue. »

On aurait aimé, lors du mouvement social contre la "réforme" des retraites, que soit invité à la même place que les Raymond Soubie et consort quelqu’un qui aurait eu "une position différente". Il ne manquait pas pourtant de défenseurs d’une politique alternative aux choix libéraux imposés.

En cette journée de luttes, Patrice Chéreau, l’homme qui pense différemment, a ainsi pu défendre, pendant 20 minutes, les positions de la CFDT, reprenant tout d’abord l’antienne mille fois répétée par les dirigeants de la CFDT : le Medef voulait faire sauter les annexes, elles ont été sauvées. « Le principe a été sauvé. Il est moins favorable, certes, mais il faut
s’habituer à ce que ce soit moins favorable
. »

Oui, vous avez bien entendu : « Il faut s’habituer à ce que ce soit moins favorable »

Autre perle, lorsqu’il fut question d’un moratoire réclamé par des opposants à cette réforme des annexes 8 et 10 et suggéré par la très raisonnable Corinne Audoin, journaliste à France Inter. Pour Patrice Chéreau, « Il n’y aura pas de moratoire, c’est illusoire. C’est à l’expérience qu’on verra s’il y a beaucoup d’exclus ou pas. »

Voici donc les intermittents transformés en cobayes des pratiques sociales du Medef et de la CFDT.

Stéphane Paoli l’avait promis, France Inter fera entendre d’autres points de vue. Aussi, en fin de journal du 13 heures, nous aurons droit à l’intermittent de service, Antoine Mathieu, de la coordination parisienne. Très calme dans ses interventions, connaissant bien son sujet, le malheureux n’aura droit qu’à 5 minutes (à comparer aux 20 minutes de Chéreau) pour essayer de placer quelques arguments face à un journaliste speedé (Fabrice Drouelle), qui lui fait bien comprendre qu’il y a d’autres invités qui attendent derrière.

D’entrée, ledit Drouelle réclame du spectaculaire : « Vous repartez au combat ? On va avoir droit, de nouveau, à une série de grèves, des annulations de spectacle ? ". Puis assène "sa" vérité : "Vous avez conscience que le gouvernement ne reviendra pas sur le protocole signé le 26 juin par les partenaires sociaux ! »

Avant d’en appeler aux consciences morales que sont Patrice Chéreau, Ariane Mnouchkine, Jérôme Savary : « Ce sont des figures emblématiques. Ils savent de quoi ils parlent. Ils disent que le régime a été sauvé par l’accord du 26 juin  ».

Le temps de réfuter ces arguments d’autorité, il n’en est pas resté beaucoup à Antoine Mathieu, malgré son talent de pédagogue, pour expliquer que du côté des intermittents un travail sérieux avait été fait, que le protocole avait été décortiqué et que des propositions alternatives crédibles avaient été élaborées, financement compris. Tout au plus a-t-il pu donner les têtes de chapitre de son argumentaire. Il lui aurait fallu au moins le même temps que Patrice Chéreau pour expliquer sérieusement un seul de ces points.

Michel Ducrot

 
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