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Vers un référendum interne sur la révision du statut de l’AFP ?

Nous publions ci-dessous un communiqué de Sud-AFP originellement intitulé « Le PDG fait sa com’, préparons le référendum ! ». (Acrimed)

Après avoir bénéficié d’une rafale de publi-reportages écrits par des journalistes amis, Pierre Louette s’invite dans différents services du siège pour promouvoir le projet de réforme du statut. Projet qui, décidément, est loin de faire l’unanimité et qui visiblement échappe de plus en plus au PDG.

La voix de son maître

Rappel historique :

- 2006. Interrogé par le blogueur Loïc Le Meur, le PDG rend un vibrant hommage au statut de 1957 : « Ce qui est bien, c’est que personne ne peut dire qu’il est propriétaire de l’agence. L’agence n’a pas de capital. Elle n’est véritablement aux mains de quiconque. C’est une garantie supplémentaire d’indépendance. C’est inscrit dans la loi fondamentale de l’agence. Cela nous donne cette capacité à être indépendant, à parler de ce dont on veut parler, tout le temps. »

- Décembre 2007. M. Louette annonce, dans une interview à la radio BFM, son souhait de « préparer une évolution du statut » d’ici à cinq ans « pour permettre à l’agence d’asseoir complètement son développement, peut-être avec un actionnaire très solide à déterminer, peut-être dans un contexte européen. » Quel événement a bien pu motiver ce revirement ? La révolution multimédia ? Internet ? La crise du modèle économique des médias de masse ? Aucun de ces éléments n’est intervenu entre 2006 et 2007. Hypothèse : et si la volte-face du PDG était due… au changement d’hôte de l’Elysée, en mai 2007 ?

- Fin 2008. Hypothèse confirmée ! La lettre de mission, envoyée à M. Louette par trois ministres (Christine Lagarde, Christine Albanel, Eric Woerth) consacre la tutelle du pouvoir politique sur l’actuel PDG de l’AFP : « (…) nous souhaiterions que vous puissiez nous faire des propositions en vue d’une modernisation du statut et de la gouvernance de l’Agence. (…) Vos propositions devront (sic !) être remises le 31 mars 2009 au plus tard. » [1] Au lieu de dénoncer cette mainmise sans précédent du pouvoir politique sur l’AFP, M. Louette s’exécute en signant le Contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013, qui précise le projet de révision du statut. Et, en brave exécutant, il remplit sa « mission » en remettant ses conclusions à ses donneurs d’ordre fin mars 2009. [2]

Lors de sa tournée promotionnelle dans les services rédactionnels, Pierre Louette réaffirmera sans doute que la réforme du statut permettrait à l’AFP de disposer de moyens nouveaux pour se développer et pour embaucher des jeunes. Mais il ne pourra pas faire oublier que ces promesses sont en contradiction flagrante avec les pratiques qu’il a lui-même laissées s’installer et avec les choix stratégiques qu’il a faits, sans s’opposer à sa tutelle :

- Le Contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013 envisage non pas des créations d’emplois, mais des suppressions, y compris dans la rédaction. [3]

- Le PDG veut « faire passer la part des recettes provenant de l’Etat (aujourd’hui de l’ordre de 40%) à 30% en 2013 », en s’appuyant sur la « croissance externe », la diversification via des activités « satellites », la création de nouvelles filiales, l’acquisition de sociétés de contenus et/ou de sociétés technologiques. Donc, en créant encore davantage d’emplois précaires pour des salariés sans droits.

M. Louette ne pourra pas non plus faire oublier ses propres échecs en matière de produits « hi-tech » censés fournir à l’avenir un nouveau modèle économique à l’AFP. Comme par exemple la filiale Newzwag et son jeu « Deadline », retiré discrètement en juin dernier du site Facebook pour cause d’échec cuisant. Coût initial de ce projet : au moins 500.000 euros.

Pour un référendum !

Après avoir fait la sourde oreille aux arguments des représentants du personnel, le PDG cherche à les contourner en s’adressant directement aux journalistes de différents services en sa qualité de chef d’entreprise. Ces réunions n’ont rien à voir avec le dialogue social et le débat démocratique entre acteurs intervenant sur un pied d’égalité.

Faisons vivre la démocratie à l’intérieur de l’entreprise ! En septembre dernier, la SdJ a réclamé que le projet de révision du statut soit soumis à un référendum, à l’instar de celui organisé en 1956 [4] SUD propose à l’Intersyndicale d’organiser ce référendum au plus vite (avant Noël 2009), en posant la question sans équivoque : « Etes-vous en faveur de la transformation de l’AFP en société anonyme à capitaux publics ? »

Paris, le 10 novembre 2009
SUD-AFP (SUD Culture Solidaires)

 
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Notes

[1Voir la lettre de mission.

[2« Faire de l’AFP un des leaders mondiaux de l’information à l’ère numérique », consultable ici (lien périmé ; janvier 2013 - voir sur le même site l’article suivant]

La machine s’emballe

2009. Sur fond de crise financière et économique mondiale, les projets de privatisation n’ont plus le vent en poupe. Pour La Poste comme pour l’AFP, le pouvoir politique invente une nouvelle stratégie : faire sauter les verrous contre la privatisation en passant par une étape intermédiaire, la transformation en société anonyme à capitaux publics. Quand M. Louette précise cette perspective pour l’AFP, les syndicats dénoncent un projet d’étatisation et de transformation en agence gouvernementale. « Faux ! », répond le PDG, invoquant les « garanties » prévues : maintien de l’article 2 du statut, charte rédactionnelle, transformation du Conseil supérieur en Fondation à pouvoirs renforcés, définition de missions d’intérêt général…

Et puis, patatras ! En l’espace de deux semaines, les belles assurances du PDG font pschitt :

- 2 septembre 2009. M. Louette publie une réaction à un article du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung qui affirmait que la révision du statut était un projet de « transformation en agence d’Etat ». Le PDG dément cette affirmation avec l’argument suivant : « Dans le conseil d’administration, les clients médias auront, comme aujourd’hui, la grande majorité. »

- 17 septembre 2009. Le PDG dit exactement le contraire, lors de la réunion du Comité d’entreprise qui se déroule pendant un arrêt de travail du personnel : il s’agit désormais de couper le lien structurel historique entre l’agence et les groupes de presse français qui ne seraient plus directement représentés au Conseil d’administration. L’AFP aura désormais un propriétaire, et ce propriétaire, c’est l’Etat (via la Caisse des dépôts ou l’Agence des participations de l’Etat). Sur neuf administrateurs, il en désignerait trois directement et en choisirait trois autres parmi des personnalités proposées par la Fondation.

Passage en force ?

M. Louette n’est plus maître du contenu de ce projet, ni de son calendrier. De plus, s’il avait pu penser début 2009 qu’il bénéficiait de l’appui d’une majorité de la rédaction, séduite par le discours moderniste, les derniers mois ont montré le contraire : succès de la pétition intersyndicale SOS-AFP (voir ici), en interne et à l’extérieur (plus de 20.000 signatures) ; mobilisation du personnel autour des syndicats unis qui réclament « le retrait » du projet ; la Société des journalistes (SdJ) se faisant l’écho de l’« inquiétude sur les conséquences d’une "étatisation" » …

Seul le ministre Frédéric Mitterrand peut croire – ou feindre de croire – qu’il existe « un certain nombre de convergences entre la direction et les partenaires sociaux » sur la question du statut.

Quant au mouvement contre la précarité, qui couvait depuis des mois avant d’éclater de façon spectaculaire et spontanée en octobre 2009, il aura montré à tous que sous la direction actuelle, l’AFP moderne avance… en développant la précarité. Y compris dans les services phares de sa modernisation, qui ne fonctionnent que grâce à l’apport essentiel de journalistes précaires : pigistes et CDD pour la vidéo, CDD et salariés à statut local pour le multimédia. [[Voir ici-même.

[3Voir ici-même.

[4Voir AFP, Une histoire de l’Agence France Presse 1944-1990 (Robert Laffont), de Jean Huteau et Bernard Ullmann, p. 148. Voir des extraits ici-même.

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