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Valeurs Actuelles « pris en otage » par un lecteur

par Frédéric Maurin,

Juin 2003. Comme on l’a vu avec France Inter, dans la course au visible, à l’immédiateté au démonstratif, l’usager "pris en otage" est l’angle d’attaque le plus payant, le raccourci le plus facile. Que placer en 1 minute ? Au mieux, une remarque raisonnée sur le service minimum, au pire l’invective de la "France qui bosse, Elle !".

Juin 2003, toujours. J’avais tenté, dans le cadre d’un courrier des lecteurs, d’étendre la notion de prise d’otage à d’autres victimes de nuisances.

Voici mon courrier, suivi de la réponse de Valeurs Actuelles :

Otages de tous pays

« Otages de tous pays.

Le ressentiment à l’endroit des preneurs d’otages est inversement proportionnel à leur capacité de nuisance. Il se peut qu’un jour, un médiologue, sociologue des médias ou historien des idées établisse scientifiquement un tel axiome.

En effet, automobiliste, je suis otage d’un quarteron de multinationales qui, lorsqu’elles ne tuent pas, se contentent de corrompre, de polluer les mers ou d’avoir recours à l’esclavage.

Patron de PMI, je suis otage d’un quarteron de centrales d’achat qui fixent leurs conditions et me poussent à violer quotidiennement le droit du travail.

Salarié ou client de France Télécom, je suis otage d’un quarteron de spéculateurs, à la retraite bien assurée, qui ont plombé les comptes de ce qui fut la plus rentable des entreprises publiques. Salarié ou client du Crédit Lyonnais, de Vivendi, de... idem.

Commerçant, artisan, je suis doublement otage, pour ce qui touche à ma retraite, de l’irrésistible salarisation du monde du travail ajouté au refus de mes anciens représentants de me rattacher au régime général.

Malade, me voilà otage d’un quarteron d’entreprises du médicament qui consacrent plus de ressources en force de vente qu’en recherche-développement.

Téléspectateur, auditeur, lecteur, promeneur... je me retrouve otage de la pollution publicitaire diffusée par un quarteron d’agences de conditionnement.

Démuni de toute parole politique d’envergure contre ces quarterons de généraux de la guerre économique, je ne peux que m’en remettre aux vertus sécurisantes de la proximité.

Vous voyez, quand on subit ce que je subis chaque jour, eh bien pouvoir se défouler sur mon voisin postier ou cheminot, et sur ma voisine institutrice ou infirmière, eh bien... cela repose de beaucoup d’humiliations sans réponses. »

Et voici, in extenso, la réponse de François d’Orcival, président du comité éditorial de Valeurs Actuelles  :

La publicité ou le goulag

« Je vous remercie de votre courrier plein d’humour au sujet des "otages". Mais permettez-moi de vous mettre amicalement en garde : nous sommes encore dans un régime de liberté. Si la publicité vous paraît être un "conditionnement", que diriez-vous du régime soviétique qui interdisait la publicité ?

Encore merci.
Je vous prie de croire... »

Une réponse extraordinaire par sa spontanéité et sa densité.

Tu essaies de relativiser l’association « grévistes-preneurs d’otage », en trouvant des exemples tout aussi pertinents (allez, au point où on en est...) et te voilà sommé de te prononcer sur le régime soviétique (qui, soit dit au passage, interdisait les grèves et utilisait massivement la propagande, cette forme archaïque de la publicité). Par ailleurs, je ne peux évidemment qu’être un plaisantin. Il est aussi amusant de voir que, sur tout ce que j’incrimine dans ma lettre, Valeurs Actuelles réagit en associant la publicité à l’état de droit. Tout ça en 4 lignes. Quel talent ! Je n’ai aucune compétence en psychanalyse. A votre avis, il a un problème ce monsieur, non ?

Frédéric Maurin
38400 St Martin d’Hères

 Lire également : « Au choix : le capitalisme et la publicité ou Auschwitz et le Goulag ! » (Acrimed)

 
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