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Timor : lendemains d’amnésie

L’audace de PPDA

Un soir, évoquant sur TF1 la situation à Timor, Patrick Poivre d’Arvor laissa échapper " Il faut bien dire que ni les médias ni les dirigeants occidentaux ne se sont vraiment souciés de ce qui se passait là-bas ..."
Quelques jours plus tard, Paul Amar, qui interrogeait Mme Danièle Mitterrand sur France 2, dans sa nouvelle émission modestement intitulée " Dimanche Midi Amar ", lui concéda que c’était " dans l’indifférence générale " qu’elle avait essayé d’alerter l’opinion des massacres perpétrés dans l’île par l’armée indonésienne depuis 1975. Puis, sans doute effrayé par l’esquisse d’autocritique qu’une telle remarque suggérait, il précisa : " Aujourd’hui, grâce aux médias et grâce à nous - on a tendance à diaboliser les médias... - on voit ce qui se passe au Timor "

Patrick Poivre d’Arvor est l’un des responsables de l’information française depuis 1974. Sur TF1, il présente le principal journal du soir depuis plus de dix ans. La carrière de journaliste de son confrère Paul Amar est presque aussi longue, et ses responsabilités à l’antenne à peine moins écrasantes. Nous dévoilera-t-on donc un jour la violence qu’ils subissaient quand, à Timor, " ni les médias ni les dirigeants occidentaux " ne se souciaient de ces tueries commises, de ces tueries qu’ils voulaient dénoncer et qui pourtant se déroulaient " dans l’indifférence générale " ?

A TF1, cela devait être particulièrement insupportable. Une remarquable enquête publiée il y a deux ans a en effet établi que, sur cette antenne, " un pays occupé depuis 1975 par une armée étrangère, ayant subi un génocide au cours duquel près de la moitié de la population fut assassinée, l’autre moitié déportée, n’a fait l’objet que d’un seul sujet en vingt ans : il s’agit de Timor, victime de l’armée indonésienne, qui eut droit aux honneurs de TF1 le 12 octobre 1989, parce que le Pape Jean Paul II y faisait escale " [1].

Les bonnes questions d’Alain Rollat

Sous le titre "Les barbelés de Timor", dans Le Monde du mercredi 8 septembre 1999, Alain Rollat s’interroge sur l’absence d’informations et d’images en provenance de Timor :
"Comment expliquer cette pénurie d’images ? Où sont passés les équipes d’envoyés spéciaux qui se marchaient sur les pieds au Kosovo ? Qui dira, surtout, l’aveuglement collectif du système médiatique ? Qui expliquera son refus de voir ? Le syndrome rwandais serait-il devenu universel ? Le Kosovo ne serait-il que l’exeption confirmant la règle ? (...) Existerait-il un rapport entre les oublis de CNN et le fait que le régime de Djakarta n’a massacré, pendant longtemps que des communistes ? (...)".

Mais ces questions prennent appui sur une déclaration de Patrick Poivre d’Arvor - "Il faut bien dire que ni les médias et ni dirigeants occidentaux ne se sont pas vraiment souciés de ce qui se passait là-bas" - qui vaut à leur auteur cet étonnant éloge : "Patrick Poivre d’Arvor a été d’une parfaite honnêteté intellectuelle". Alors que le minimum d’honnêteté intellectuelle oblige à dire que Patrick Poivre d’Arvor se dédouane à peu de frais.

 Question : combien d’informations (même sous forme de "brèves") sur la situation à Timor dans le journal de TF1 dans le cours des deux dernières années ?

 
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Notes

[1Pierre Péan et Christophe Nick, TF1, un pouvoir, Fayard, 1997, p. 670-671. Ce sont les auteurs qui soulignent.

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