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La guerre en direct (1)

Télévisions des premiers jours

7 octobre 2001, vers 18h30. La guerre commence.

Télévisions du 7 octobre

7 octobre, vers18h30. La guerre commence. Les télévisions lui consacrent des émissions spéciales. Evidemment, le discours de Georges Bush passe et repasse. Evidemment, les informations consistent à commenter les communiqués militaires. Evidemment, on ne se lassera pas de nous montrer, mais fugitivement, car elles sont peu nombreuses, des "images de Kaboul en direct" : un écran vert où brillent quelques points blancs.

Sur France 2, Olivier Mazerolle souligne (vers 19h20) que les américains sont "anxieux de ne pas provoquer trop de dégâts dans la population afghane". Et Daniel Bilalian ne manque pas de se pâmer devant "l’émotion et la retenue du discours de Georges Bush", et, à nouveau, de nous dire que ce dernier était "très ému dans son intervention". Car si le gouvernement des USA a déclenché la guerre c’est "pour essayer de sauver cette liberté à laquelle tiennent tant les américains" : cette "opinion publique américaine", dont Daniel Bilalian se fait le porte-parole.

Comme il faut bien tenir l’antenne, même quand il n’y rien à dire ou à montrer, et que, manifestement, c’est aux attentats du 11 septembre (et à eux seulement) qu’il faut remonter pour saisir l’enchaînement des causes et des effets, France 2 nous propose - entre 19h35 et 19h43 - un "retour sur les événements" qui n’est, pour l’essentiel, qu’un montage des images et des commentaires cent fois diffusés. Au passage on apprendra cependant que "même les assurances n’avaient pas prévu un tel scénario". C’est dire...
Sur TF1, même mise en scène. Les informations nouvelles sont étoffées par la rediffusion d’images ou de fragments de reportages déjà plusieurs fois diffusés. On jongle avec les correspondants dans tous les pays, même quand ils n’ont rien de précis à dire, on meuble, on tient l’antenne, on mobilise l’audimat...

(Première publication : 08-10-2001)

Télévisions du 8 octobre, mi-journée

En zappant d’un chaîne à l’autre (TF1, France 2, LCI), on retient l’impression que les journalistes sont ballotés entre le soutien (quasiment) inconditionnel à la guerre et le souci d’une indépendance (au moins) formelle. Si LCI reprend sans grand recul les informations en provenance du Pentagone, cette même chaîne difuse un bref entretien avec Rony Braumann où ce dernier dénonce comme une opération de propagande le largage par l’aviation US de ... 37000 rations de vivres : l’habillage "humanitaire" de l’action militaire.

Si sur TF1, Jean-Pierre Pernaut rend presque futile tout ce dont il parle, il prend cependant soin de dire qu’il s’agit d’une "guerre sans témoins et sans images" et que tout doit être mis au conditionnel. Comme
si cette précaution suffisait…

Isabelle Marque, de son côté, souligne que la prétendue aide humanitaire est une "aide plus symbolique qu’efficace, très critiquée par les organisations humanitaires". Timides manifestations d’indépendance neutralisée par un suivisme à peine inquiet.

Ce qui nous vaut, sur France 2, un commentaire de Daniel Bilalian sur - l’expression est de lui - le "numéro d’équilibriste" auquel serait contraint Georges Bush.

(Première publication : 08-10-2001)


Télévisions du 8 octobre, après midi et soirée
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Impossible, même en zappant, de suivre exactement les principales chaînes. Mais en passant de l’une à l’autre, on peut retenir quelques faits :

 le recours aux experts : après les islamologues, chargés pendant près d’un mois de nous expliquer "l’islamisme", sans que nous ayons besoin de connaître l’Islam et les pays où cette religion est majoritaire, voici venu le temps des stratèges, anciens militaires de préférence. On a pu ainsi voir et entendre le même officier de réserve [nom à vérifier] tour à tour sur LCI, i-Télévision et France 2, nous expliquer d’un air gourmant et entendu, qu’il ne pouvait pas tout dire mais que les forces spéciales françaises étaient spécialement préparées pour des actions spéciales ; ou l’amiral Lanxade asséner quelques fortes vérités géostratégiques ou diplomatiques que n’importe quel journaliste pouvait avoir découvertes sans son aide. Les experts-alibis sont invités pour conforter le bon sens journalistique, qui veut qu’en pleine guerre on ne pense pas plus loin que le bout du fusil ;

 Le recours aux témoins : après les américains invités à nous faire partager leurs souffrances, voici venu le temps des communautés. Mais là où les présentateurs mettaient en scène leur compassion, ils s’emploient à effacer ce qu’ils donnent à entendre. Ainsi, sur France 2, des représentants de la communauté afghane en France qui s’inquiètent sur sort réservé à la poluation civile, ou, pis encore, qui dénoncent l"injustice" faite au peuple afghan, cyniquement livré aux talibans, avant d’être prise en otage dans une guerre qui n’est pas la sienne. Cela a été dit à l’antenne, mais sans le moindre commentaire. Cela a été dit, mais il n’y a rien à entendre. Ou encore, toujours sur France 2, ce reportage sur quelques réactions de jeunes, interviewés dans une cité, qui disent qu’ils ont été choqués par les minutes de silence imposées en hommage aux victimes américaines, à côté de tant de silence sans hommage pour des milliers de victimes innocentes en Irak ou au Zaïre. Cela a été dit, mais cela ne se traite pas avec la déférence que mérite le propos d’un quelconque expert ;

 Les leçons de la guerre du Golfe. D’une chaîne à l’autre, diverses façons d’exprimer la même réserve à l’égard des images et des communiqués officiels. C’est juré, on ne nous y reprendra plus... Mais en même temps, le conditionnel occupe l’antenne, au point que le possible, le probable et le réel se confondent à nouveau. Mais en même temps, on diffuse, en prenant des gants, des images qui ne montrent rien (le ciel de Bagdad, vu du Pentagone) et des images qui risquent de montrer trop (les dégats civils, filmés sous contrôle des autorités talibanes). Du coup la "guerre sans témoins et sans images" est prodigue en témoins officiels et images mensongères au moment même où on nous dit que celles-ci sont peut être mensongères. C’est qu’il faut bien - nous sommes à la télé - occuper l’écran.

(Première publication : 09-10-2001)

PPDA découvre les talibans

Journal de 20 heures sur TF1. PPDA a vite épuisé le réservoir des informations nouvelles, quand, brutalement tirés de notre torpeur, nous avons pu entendre ceci, en guise d’introduction d’un bref reportage sur le régime des talibans : "Le régime des talibans dont on n’avait guère entendu parler que pour la destruction des Bouddhas…"

C’est évidemmment faux, même en ce qui concerne TF1, en dépit de la maigre importance concédée aux souffrances du peuple afghan avant la guerre actuelle, comparée à celle que l’on accorde aux accidents de la route par temps médiatiquement calme. Mais PPDA avait besoin de laisser croire à l’originalité du reportage et à la sincérité d’une autocritique en trompe l’oeil qui ne trompe personne.

(Première publication : 10-10-2001)

 
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