Accueil > Critiques > (...) > L’invasion de l’Irak [2003 : L’Irak et la guerre américaine]

Guerre contre l’Irak

TF1, 19 mars 2003 : PPDA prépare la guerre

par Henri Maler,

Le journal de 20 heures sur TF1, présenté par Patrick Poivre d’Arvor, le 19 mars 2003, peut devenir désormais un exemple de référence de l’information soigneusement dépolitisée [1].

Après l’annonce des titres du Journal, PPDA, « pour vous informer au mieux, au cours de cette session  », passe en revue les reporters qui seront sollicités : une mise en scène préalable de l’importance de la « couverture » effectuée par TF1 qui prépare une information qui nous promet une quasi-exhaustivité.

Un premier décryptage - provisoire - permet de se faire une idée.

Du côté militaire

1. L’imminence de la guerre dont « les premiers signes ont été détectés par nos envoyés spéciaux », nous vaut, pour commencer une reportage de Denis Brunetti en provenance du Koweit qui fait le point des déplacements des troupes américaines.

2. Un second reportage dresse un état de difficultés auxquelles doit faire face l’armée américaine : la tempête, l’opposition de la Turquie au libre passage de l’aviation et des troupes, le « problème » que soulève les risques de conflit entre l’armée turque et les Kurdes. En dépit de ces « facteurs contrariants », comme les désigne PPDA pour parler des tempêtes de sable, « le dispositif opérationnel est en place ».

3. C’est maintenant au tour de Loïc Béroud d’expliquer, doctement, « comment devraient se dérouler les opérations ».

4. Puis Philippe Morand tente de dresser la liste des pays qui soutiennent les Etats-Unis d’Amérique. Une liste baptisée par TF1 « Coalition pour le désarmement de l’Irak ». De quoi séduire les Etats qui se sont donné ledit désarmement pour objectif, sans préconiser le recours à la guerre.

5. A quoi succède, sans raison apparente, un reportage de Gilles Boulot à la base militaire de Fairford (Grande-Bretagne), destiné à nous « informer » de la préparation des troupes britanniques.

6. Une préparation qui est aussi celle de la 82e division aéroportée, qui prépare à la guérilla urbaine sous le regard de Michel Floquet, journaliste incorporé à cette division, pour la plus grande fierté de la rédaction de TF1.

7. La 101e division aéroportée est également prête, malgré le vent de sable, nous assure Isabelle Baillancourt.

8. Avant que Sylvie Pinatel ne nous décrive avec émotion, dans un reportage sur les Fusillers marins britanniques, l’attente anxieuse d’Adam Cook, 19 ans.

9. Le moment est venu, pour Patricia Allémonière, en direct du Qatar où siège le Quartier général américain, de nous donner des détails sans intérêt, mais en direct, sur le calme qui règne du côté de l’Etat-major.

10. Et pour finir cette revue des troupes, un reportage de F. Collard sur « l’arsenal technologique » informe les téléspectateur sur le rôle que jouent et que doivent jouer les satellites.

Dix reportages, en ouverture du journal, sur les préparatifs militaires de la guerre. Et au mieux, un intense bavardage et une profusion d’images complaisantes, … des informations effectives qui auraient pu être résumées en quelques minutes. On se doute que cette construction, qu’elle soit machinale ou intentionnelle, n’est pas sans effets.

Vient alors cet enchaînement : « Du côté irakien ». Ce qui nous vaut, après une information sur l’appui du Parlement irakien à Saddam Hussein :

11. Un reportage de Jean-Pierre Abou sur le climat qui règne à Bagdad. Les partisans armés du régime se préparent à une « défense bien sûr totalement illusoire ». Les habitants sont à la « recherche désespérée d’abris » et la visite d’un femme seule avec ses trois enfants, permet de conclure : « Ici tout le monde espère être épargné par les bombardements ».
Le direct - « dernière intervention en direct du centre de presse » - nous permet d’apprendre que « l’ambiance est bien sûr très, très lourde ».

Du côté humanitaire

12. Un reportage à Amman de Naida Nakab fait très précisément le point, avec l’aide de l’UNICEF, sur les risques sanitaires encourus par la population, et en particulier par les enfants.
Le direct qui suit permet de souligner que les américains sont « honnis par l’opinion publique arabe » et que la France est « respectée et admirée ».

13. Un reportage de Michel Scott est consacré aux risques d’un afflux massif de réfugié vers le Kurdistan.

14. Un reportage de M. Pasinetti est consacré aux risques d’afflux des réfugiés tout autour de l’Irak.

15. Un reportage d’Isabelle Marque sur les troupes massées par la Turquie à la frontière avec l’Irak souligne les risques d’une offensive contre les Kurdes.

4 ou 5 reportages sur les effets possibles ou probables de la guerre sur les populations civiles : la dimension « humaine » du conflit n’a pas été oubliée. Mais, justement, c’est dans leur version strictement humanitaire que les effets de la guerre sur les populations civiles ont été évoqués.

Fin de la revue

Pour achever cette revue d’avant-guerre :

16. Un bref sujet de Bertrand Aguirre sur les dernières débats au Conseil de sécurité (en l’absence des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne).

17. Un bref sujet sur les difficultés politiques rencontrées par sur Tony Blair

18. Un reportage de F. Buch sur les opposants irakiens au sein de la communauté irakienne en France.

19. Un reportage de N. Ruelle en Arabie Saoudite permet d’apprendre que l’opinion saoudienne n’est pas franchement favorable à la guerre.

20. Un reportage de Michèle Fins au Pakistan permet de donner la parole à une représentante de l’Association révolutionnaires des femmes afghanes (RAWA) et de faire état de leur inquiétude.

21. Et pour finir, un reportage sur … les « perturbations de trafic aérien ».

Ce simulacre d’exhaustivité, consacré pour moitié aux préparatifs anglo-américains, met bout à bout le militaire et l’humanitaire, sans que les enjeux soient distinctement exposés. Quelques reportages honorables (et parfois mieux) dans une coulée informe et insidieusement orientée…

 
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Notes

[1Version provisoire.

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