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Rendre sa voix à la Gazelle{ (Radio Gazelle)}

Le 27 novembre 2007, le CSA annonçait la suppression d’une radio associative – Radio Gazelle - au profit d’une commerciale, France Maghreb 2. En dépit d’un soutien quasi-unanime à Marseille, d’une manifestation, d’une grève de la faim, le CSA a maintenu sa décision en multipliant les arguties. Le combat continue, comme en témoigne le communiqué de Radio Gazelle que nous publions ci-dessous (Acrimed)

Depuis le 7 février à 0 heure, Radio Gazelle a cessé d’émettre sur Marseille et la région. Elle a été remplacée sur sa fréquence, par un réseau national, dont le siège est à Paris, France Maghreb 2, et qui émet un programme robotisé constitué de musique et d’annonces publicitaires. Tout le monde peut le constater en écoutant cette fréquence. France Maghreb 2 a été autorisée en catégorie D, ce qui signifie qu’elle ne peut pas avoir de décrochages locaux, quand bien même elle le voudrait.


Bilan d’une substitution


Ce que nous disions, début décembre, dès que nous avons pris connaissance de ce mauvais coup du Csa, se révèle donc tout à fait exact et plus personne ne peut le contester :

Une radio marseillaise a été remplacée par une radio parisienne, un opérateur associatif a été chassé par un commercial, une équipe où on trouve toutes les diverses sensibilités politiques philosophiques et religieuses de la ville disparaît au profit de décideurs économiques au profil beaucoup plus restreint.


Marseille soutient sa radio

Pourtant, l’ensemble de la presse locale a manifesté son étonnement et même son hostilité à cette décision, tous les maires de secteurs, sauf un, ont écrit au Csa et adhéré au comité de soutien, toutes les sensibilités politiques, excepté l’extrême-droite, ont pris position contre cette décision. 65.000 personnes ont signé une pétition de soutien. Plusieurs milliers de personnes ont participé à une manifestation de rue pour protester contre cette censure. Les autres radios, notamment celles ayant une programmation religieuse, comme Dialogue ou JM, ont protesté elles aussi contre cette décision. Une grève de la faim, qui a reçu un très grand soutien en France et à l’étranger, a contraint le CSA à recevoir une délégation de Radio Gazelle. Bref, tout Marseille ou presque a manifesté son hostilité à la censure qui assassine une radio historique, celle des associatives qui est sans doute la plus écoutée dans ce bassin de population.


Pour tuer son chien on dit qu’il a la rage et, apparemment, ça marche !

Un certain nombre de diffamations, d’insultes et de fausses informations ont circulé, anonymement, sur le net et par la poste. Le Csa lui-même a prétendu aux journalistes qui le questionnaient, qu’il allait révéler de graves dysfonctionnements, voire des procédures judiciaires contre Radio Gazelle. Quand il a reçu les représentants de la station, accompagnés d’élus, ces fameuses informations se sont dégonflées en simples critiques à propos des disputes qui se sont déroulées au sein de l’équipe de Gazelle. Mais quelle structure, qui a plus de dix ans d’existence, n’a pas connu de contradictions et de polémiques ?

Aujourd’hui il est clair que les graves accusations portées contre Gazelle sont fausses et sans fondement. Il n’y a jamais eu de plainte mettant en cause le contenu des émissions de Radio Gazelle, et a fortiori, il n’y a jamais eu de condamnation. Il n’y jamais eu de condamnation pour détournements de fonds, escroquerie ou autre malversation financière. Il y a eu deux actions en justice qui se sont soldées par des non-lieux.


Voici les raisons que le Csa a données au Conseil d’Etat pour justifier la fermeture de Radio Gazelle :

« Ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a-t-il veillé, d’une part, à un juste équilibre entre les réseaux nationaux et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, et, d’autre part, à la diversité des catégories et des services.
La ressource en fréquences étant riche dans la zone de Marseille, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a privilégié des services de formats thématiques, s’adressant à des publics ciblés, notamment à des communautés spécifiques présentes à Marseille, le pluralisme résultant de la combinaison des différents services diffusés dans une zone.

Dans ce cadre, le service « Radio Gazelle », dont le dossier se caractérisait par une programmation destinée à toutes les communautés de Marseille, notamment à celles originaires du Maghreb et du Proche-Orient, mais aussi de l‘Afrique, des Comores, de l’Inde et de l’Océan Indien, répondait moins bien à l’intérêt du public de la zone qu’un ensemble de services s’adressant à des communautés en particulier, la ressource en fréquences étant suffisante pour autoriser un service pour chacune des principales communautés.

Ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la requérante au regard de l’intérêt du public et du pluralisme des courants d’expression socioculturels au profit de services s’adressant plus spécifiquement à certaines communautés présentes à Marseille, dont celles à qui s’adressait le service de la requérante, et qui bénéficient à l’issue de la procédure d’appel aux candidatures des services :

- un service généraliste confessionnel chrétien œcuménique (« Radio Dialogue ») ;
- un service communautaire franco-maghrébine (« Radio Soleil ») avec décrochages locaux ;
- un servi e communautaire dédié à l’Outre-mer et à l’Afrique (« Radio Culture Outre-mer ») ;
- un service dédié à la communauté juive (« Radio JM »)
- un service généraliste et laïc à destination des franco-maghrébins (« France
Maghreb 2 ») ;
- un service de proximité à caractère culturel et social (« Radio Galère »)
- un service culturel et étudiante (« Radio Grenouille »)

Pour toutes ces raisons, le service de la requérante répondait dans des conditions moins satisfaisante que les services susmentionnés à l’intérêt du public de Marseille. »

Le CSA et l’ouverture

Autrement dit, le Csa affirme préférer le communautarisme au métissage. Les diverses institutions qui ont toujours soutenu Radio Gazelle l’ont fait dans une politique d’ouverture et d’intégration. Aujourd’hui c’est parce qu’elle a réussi cette ouverture et pratiqué ce métissage qu’on la ferme. Chacun appréciera la qualité des arguments du Csa. En outre, le Csa ne cite que des radios associatives, sauf pour France Maghreb 2 qu’il appelle « service généraliste et laïc à destination des franco maghrébins », alors qu’il s’agit d’une radio commerciale musicale, prévoyant simplement des décrochages avec la radio nationale tunisienne.

Le CSA et la catégorie A

Notons aussi que le Csa indique avoir eu plus de fréquences que d’habitude. Pourtant, la catégorie A se retrouve avec trois fréquences de moins, alors que les catégories B et C en gagnent chacune une et la D voit son nombre doubler passant de 4 à 8 fréquences. Le directeur du CSA a prétendu que c’est parce que la catégorie A est plus fragile, moins bien financée et donc moins viable. Rappelons que Radio Gazelle, qui perdure depuis 27 ans, soutenue par les collectivités locales, avaient pu embaucher 6 personnes et avait un plan de financement tout à fait crédible.

Le CSA et l’égalité religieuse

Enfin, le Csa permet l’expression de deux des trois grandes religions présentes à Marseille mais n’autorise plus la troisième, ce qui constitue de toute évidence un déni de justice et une atteinte à la liberté religieuse.

Un nouveau référé contre la décision du CSA

En ce qui concerne le Conseil d’Etat, nous avions soutenu « une méconnaissance de la part du CSA des objectif qui lui sont fixés par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 », mais, le juge des référés a estimé que ces décisions ne sont pas « constitutives d’une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication et au caractère pluraliste des courants de pensée et d’opinion  », alors que c’était l’objet de la requête de Radio Gazelle dans le cadre de ce référé liberté. Cette décision du Conseil d’Etat contraint les représentants de la radio à demander à leur avocat, Maître Monod, de déposer auprès du Conseil d’Etat une requête en référé suspension de l’autorisation délivrée à France Maghreb 2 et du refus d’autorisation opposé à Radio Gazelle.

La justice n’a donc pas dit son dernier mot sur cette affaire.

Nous continuerons à nous battre pour que Marseille puisse retrouver sa radio et nous demandons à tous les amis de la liberté d’expression, des radios libres et du tiers secteur audiovisuel de nous soutenir.

Communiqué de Radio Gazelle, envoyé le 19 février 2008 à 13h

 
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