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Quand le Crédit Mutuel verrouille… l’information. (SNJ)

Nous publions, sous son titre original, un communiqué du SNJ concernant les fuites informatiques au Crédit Mutuel et la tentative de censure dans les journaux détenus par la banque. (Acrimed)

Un incident mineur ? Un dysfonctionnement interne lié à un acte de malveillance ? Non, c’est bien un bug phénoménal qu’a révélé le Canard Enchaîné dans son édition du 28 décembre, provoquant une série de contrôles de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) au siège strasbourgeois d’Euro-Information, la filiale informatique du Crédit Mutuel, ainsi qu’au siège du Républicain Lorrain à Woippy, dans la banlieue de Metz.

De quoi s’agit-il ? Si la majeure partie des journalistes des titres détenus par le Crédit Mutuel n’en avaient pas conscience, il se trouve que nombre d’entre eux avaient accès à des informations bancaires de toutes sortes, simplement en ouvrant des dossiers via leur boîte mail Outlook Express. Une « navigation » rendue possible par le fait que les activités presse et celles de la banque sont installées sur la même plateforme informatique, qui n’était plus, ou pas, ou pas encore, verrouillée. Une situation qui durait en réalité depuis de longs mois, ayant même fait l’objet de questions tout à fait officielles, de la part de représentants du personnel, dans les instances d’un de ces journaux.

Voilà qui vient démontrer par l’absurde que lorsque le Syndicat National des Journalistes, première organisation de la profession, se bat contre la mutualisation et la concentration à tous crins des moyens, ce n’est pas sans fondement. En l’espèce, avoir les économies d’échelle pour seul horizon va manifestement à l’encontre des libertés individuelles et de la confidentialité des données personnelles. Car si les journalistes avaient accès à des informations bancaires, comment ne pas imaginer que l’inverse était également vrai ? Big Brother n’est pas uniquement de la science-fiction.

Il aurait fallu colmater ces tuyaux percés, c’est désormais chose faite, mais par la même occasion, la banque fédérative a fait la démonstration qu’elle pouvait très bien verrouiller… l’information, en interdisant la parution dans « ses » journaux de la dépêche AFP résumant l’affaire. Information dérangeante s’il en est pour un banquier, censé assurer la sécurité des données personnelles de ses clients. Au Progrès, à Lyon, la brève n’est restée sur le site internet du journal que quelques heures. Un acte de censure ou d’auto-censure de la part de rédacteurs en chef zélés. Pas un mot, pas une ligne dans les autres quotidiens, à l’exception notable des sites internet du Journal de Saône-et-Loire et du Bien Public, passés entre les mailles de la censure. Comme si, à l’heure d’internet, l’information circulait encore par un canal unique et qu’il suffisait de l’obstruer pour que le citoyen n’en sache rien.

Le SNJ condamne vigoureusement cette atteinte à la liberté d’informer, qui porte en elle les germes de dérives futures gravissimes. Que se passera-t-il le jour où la banque devra affronter des difficultés importantes, voire un scandale de l’ampleur du dossier Kerviel ? Faut-il croire sur parole Michel Lucas, le banquier papivore, lorsqu’il prétend n’avoir jamais fait preuve d’interventionnisme dans les journaux détenus par le Crédit Mutuel ?

A quelques mois de la Présidentielle, cette affaire démontre l’urgence pour le législateur de reconnaître l’indépendance juridique des rédactions qui permettrait de découpler le pouvoir éditorial de celles-ci du pouvoir économique des actionnaires et de certains annonceurs, comme le revendique le SNJ.

Paris, jeudi 5 janvier 2012

Communiqué publié [sur le site du SNJ [1]

 
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Notes

[1Lien périmé, février 2015.

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