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Procès : Faut-il sauver le petit soldat Fakir ?

« Chien de garde de la mairie. » Le Courrier picard, et son chef de locale, n’ont pas apprécié le compliment. Ils intentent donc deux plaintes en diffamation contre le journal alternatif Fakir. Les procès se tiendront le vendredi 27 juin à 13 h 30, à la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. 160.000 F sont réclamés au canard alternatif de la Somme. De quoi l’abattre en plein vol.

En février 2002, le journal associatif Fakir publiait une lettre parodique : le premier adjoint de la ville d’Amiens, également ténor de la Chambre de Commerce, y remerciait (fictivement) Michel Maïenfisch, journaliste du Courrier picard, pour son excellent travail comme « chien de garde » à la tête de la locale Amiens. Ce dernier apprécia peu cet éloge, et intenta, badaboum, une première plainte « pour diffamation » : 80.000 F réclamés. Fakir en remit une louche, précisant : « Un chien de garde (qui mord) ». Le quotidien régional n’hésita pas : re-badaboum, re-plainte, re-80.000 F réclamés. On s’amuse comme on peut en Picardie...

Ces poursuites sont une aubaine. Si si.

La réputation de la presse régionale n’est plus à faire : « Misère du journalisme de province [1] », titrait un article du Monde diplomatique. Jean-Pierre Tailleur, dans Bévues de presse, a réglé le triste sort de ces quotidiens. Même les Suisses se moquent de nous, de cette « presse de province (...) souvent peu ouverte sur le monde et consacrant le gros de ses efforts à un travail de communication, plus que de journalisme [2]. »

Les procès offriront l’occasion de détailler, en public, un cas d’école : celui du Courrier picard. Un journal financé par le Crédit Agricole, « principal établissement financier de la Somme », et lié à la Chambre de Commerce et d’Industrie, qui rassemble les patrons du coin. Un journal qui, comme l’avoue un ancien rédacteur en chef, et comme le confirme le syndicat SNJ-CGT, « n’a plus d’autre consistance que de ne pas faire de vagues, quand ce n’est pas de complaire aux puissants [3] ». Un journal dont les cadres, devenus des notables parmi les notables, se chargent de protéger l’establishment local plus que de le malmener [4].

Articles et preuves à l’appui, ces connivences seront mises à nu.

D’autres questions, subsidiaires, seront également soulevées : une information, décapante et dissidente, est-elle tolérée dans des régions dépourvues de contre-pouvoir ? Peut-on critiquer, avec acidité, la presse dans la presse ? Comment peut survivre un journal alternatif à travers tempêtes judiciaires et bourrasques financières ?

Des journalistes, des universitaires ont apporté leur soutien à Fakir et à François Ruffin, son animateur, auteur de Les petits Soldats du journalisme : Louis-Marie Horeau du Canard enchaîné, Serge Halimi du Monde diplomatique, Christian Duplan de Marianne, Gilles Balbastre et Christophe d’Hallivilée réalisateurs de documentaires, François Brune, auteur de Les Médias pensent comme moi, Alain Accardo, auteur de Journalistes au quotidien et Journalistes précaires, ainsi que Henri Maler d’Action Critique Médias. Certains témoigneront lors de l’audience vendredi 27 juin à 13 h 30, à la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Contact pour l’association Fakir : ruffinfr@yahoo.com

Pour s’abonner à Fakir (10 numéros) :
15 euros, abonnement simple.
25 euros, soutien.
40 euros, militant.
75 euros, passion.
150 euros, à vie.
750 euros, héritable.

à envoyer au 34, rue Pierre Lefort 80000 Amiens

 
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Notes

[1Titre d’un article de Philippe Descamps, dans Le Monde diplomatique de novembre 1996.

[2Le Journal de Genève, repris par Courrier international, 18 janvier 1996.

[3Tract du SNJ-CGT, 4 juillet 2002, interne au Courrier picard.

[4A lire absolument : un dossier du journal Fakir sur Le Courrier picard. (Note d’Acrimed)

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