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« Pourquoi j’ai décidé de rejoindre Acrimed », par Michel Onfray

par Julien Salingue,

Michel Onfray a pris connaissance de la campagne d’adhésion lancée par Acrimed. Il a (presque) décidé de répondre favorablement à notre appel à « soutenir et développer la critique des médias » et nous a (presque) fait parvenir une tribune… que nous avons imaginée pour lui.

Censures

Cette fois, c’en est trop. Le pluralisme des opinions dans les médias est gravement menacé. La liberté d’expression est chaque jour un peu plus attaquée. Les mécanismes de censure et d’autocensure ont atteint des niveaux critiques. C’est la démocratie elle-même qui est en péril. Il est temps de réagir.

Avant qu’il ne soit trop tard.

L’exemple le plus spectaculaire et le plus révélateur de cette crise de la démocratie est sans aucun doute la chasse à l’homme qui est menée contre ma personne depuis de longs mois, voire même de longues années. Comme je l’ai en effet rappelé dans l’émission de Laurent Ruquier le 19 septembre, la traque ne date pas d’hier : « Depuis 2005, je crois que c’est depuis 2005, enfin depuis le [livre sur] Freud, je me suis fait assassiner, traiter de tous les noms, rouler dans la boue, enfin, je réhabilitais les thèses d’extrême-droite, j’étais un fasciste, j’étais un nazi… »

Mais je suis toujours là, debout.

Qu’importe si le livre sur Freud a été en réalité publié en 2010. Cela fait désormais plus de 10 ans que l’hydre bien-pensante gaucho-freudo-bobo-sartrienne tente de m’interdire de parler et use de redoutables stratagèmes pour organiser mon excommunication médiatique.

Je tiens d’ailleurs à rendre ici hommage aux rares médias audiovisuels alternatifs qui ont osé braver la censure et m’ont invité à m’exprimer dans leurs émissions dissidentes au cours de l’année écoulée :

« Les Grandes gueules » (RMC), « Des paroles et des actes » (France 2), « On n’est pas couché » (France 2), « La matinale » (France Inter), « Salut les terriens » (Canal +), « Bourdin Direct » (RMC), « Le Petit journal » (Canal +), « Vivement dimanche prochain » (France 2), « Le club de la presse » (Europe 1), « Ce soir ou jamais » (France 2), « Le Grand journal » (Canal +), « C à vous » (France 5), « Zemmour et Naulleau » (Paris première), « 28 minutes » (Arte), Interview par Ruth Elkrief (BFMTV), « La bande originale » (France Inter), « Qu’est-ce qui vous fait courir ? » (Sud Radio), Interview par Audrey Crespo-Mara (LCI), « La voix est libre » (France 3), « Les grandes questions » (France 5), « Le 360 » (BFMTV), « L’invité du soir » (Radio classique), « La grande librairie » (France 5), « Europe 1 week-end » (Europe 1), « Passion classique » (Radio classique), « Les menus plaisirs » (France musique), « Une fois pour toutes » (France culture), « Autour de la question » (RFI), « Partons en live » (France inter) [1].

Merci également à France Culture qui m’a accordé 50 heures d’antenne entre le 27 juillet et le 28 août, avec deux diffusions quotidiennes de mes cours de « Contre-histoire de la philosophie », et qui m’offre une chronique hebdomadaire (« Le monde selon Michel Onfray »).

Chacun peut ainsi mesurer, preuves à l’appui, l’ampleur de la censure. Or, comme le disait fort justement le grand Friedrich Nietzsche, « une société qui veut faire taire Michel Onfray est une société qui va mal ».


Résistances

Mais la résistance s’organise. Éric Zemmour, autre cible de la bien-pensance, m’a apporté son soutien dans Le Figaro Magazine du 19 septembre dernier, avec une chronique courageusement titrée « Lettre à Michel Onfray, mon nouvel ami ». Extrait : « Tu files un mauvais coton parce que tu lis ce que tu lis et que tu vois ce que tu vois. Parce que tu changes. Parce que tu acceptes la confrontation avec le réel, même s’il contredit tes a priori idéologiques. Or, tout cela est impardonnable aux yeux des sectaires de la bien-pensance. Et cela ne te sera pas pardonné ».

Il faut dire qu’Éric et moi, nous sommes, malgré certains désaccords, des frères d’armes, comme lorsque nous avions ensemble, en juin dernier, posé la question « Peut-on encore débattre en France ? », au cours d’une rencontre animée par le dissident Franz-Olivier Giesbert. Éric et moi, nous nous serrons les coudes face au tsunami de la bien-pensance. C’est pour cela que j’avais pris sa défense dans une interview accordée au Figaro en décembre 2014, en expliquant qu’il était victime du « totalitarisme intellectuel » [2].

Oui, la résistance s’organise. Marianne n’a d’ailleurs pas hésité à prendre le risque inconsidéré d’organiser un grand meeting de soutien à la Mutualité pour dénoncer la « chasse au Onfray ». Les dissidents Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, Jean-François Kahn, Régis Debray, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Le Goff, et bien d’autres, ont déjà annoncé leur participation. Une coalition des excommuniés, en somme, un rassemblement des mal-pensants privés d’accès aux médias, qui fera savoir aux maîtres censeurs qu’ils ne gagneront pas.


Une longue bataille s’annonce

Mais ces ripostes ponctuelles ne suffiront pas. Il est nécessaire de s’organiser durablement et de construire des outils permettant de comprendre, entre autres, ce déficit de pluralisme et ces mécanismes de censure, afin de mieux les combattre. Faute de quoi, nos critiques seront vaines, éparpillées, seulement réactives, et nos adversaires se riront de nous.

Contrairement à ce que laissent entendre certains mauvais esprits, je n’entends pas défendre ma seule personne et ce n’est pas seulement par opportunisme et volonté de me mettre en scène que je m’insurge contre les dérives en cours dans les médias : c’est pourquoi j’ai décidé de rejoindre Acrimed. Les buts de cet observatoire critique des médias me semblent en effet des plus louables :

Informer, critiquer, proposer, mobiliser. Informer sur l’information et les conditions de sa production. Critiquer la marchandisation de l’information, de la culture et du divertissement et les dérives du journalisme, en mettant ses idéaux – indépendance, pluralisme, objectivité – à l’épreuve de la réalité. Proposer, en s’appuyant sur une critique qui sait être virulente quand il le faut, les transformations indispensables du monde des médias. Et mobiliser pour tenter d’obtenir ces transformations.

Acrimed, née en 1996 – soit en 37 après Michel Onfray – se fixe la noble tâche de « contribuer à faire ou à refaire des médias une question démocratique, et donc politique, essentielle ». Voilà qui est bien dit, et qui me semble être aujourd’hui un projet indispensable nécessitant d’être porté par le plus grand nombre.

Alors à toutes celles et tous ceux qui s’indignent du manque de pluralisme dans les médias, qui refusent de considérer les mécanismes de censure et d’autocensure comme une fatalité, qui pensent que d’autres médias sont possibles (et nécessaires), et qui en ont assez de voir de pseudo-philosophes adopter des postures faussement subversives alors qu’ils participent pleinement au grand cirque médiatique et prétendent briser des « tabous » imaginaires, n’hésitez plus : rejoignez Acrimed !



Tribune (presque) imaginée par Julien Salingue

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1Liste (exhaustive ?) des interventions audiovisuelles de Michel Onfray depuis septembre 2014.

[2Le Figaro : Sommes-nous en train de basculer vers une forme de totalitarisme intellectuel ?
Michel Onfray : Nous y sommes, c’est évident ! Plus question de craindre le basculement, nous avons déjà basculé. Seules les idées politiquement correctes sont admises dans ce qui se présente comme un débat mais qui n’est qu’un salon mondain où l’on invite le marginal qui ne pense pas comme soi pour montrer sa grandeur d’âme, sa libéralité, sa tolérance. Mais dès que l’invité prend plus de place que prévu, qu’on ne parle plus que de lui, comme avec Zemmour, alors on disperse façon puzzle : on montre sa véritable nature. Inviter en bout de table, pour le dîner de con, oui, mais pas question que l’invité retourne la situation et montre à toute la tablée que le con ça n’est pas lui…

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