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Lu, vu, entendu : « Revues de presse »

Notre revue de presse et la revue de presse de France Inter.


I. Notre revue de presse

Lu dans Le Figaro :
Soudaine découverte en novembre 2004 d’un livre paru en février 2003.

Le 29 novembre 2004 à 12h50, une dépêche de l’agence France-Presse titrée « Edwy Plenel quitte ses fonctions de directeur de la rédaction du Monde », révèle que l’intéressé « a annoncé lundi sa “décision de ne plus assumer la responsabilité de directeur de la rédaction” du Monde qu’il assumait depuis 1996, par mail interne ensuite communiqué à l’extérieur du journal. »

Le lendemain, Le Figaro économie (30.11.2004) s’interroge : « Nul ne saura vraiment ce qui aura amené Edwy Plenel à démissionner, hier matin, de ses fonctions de directeur de la rédaction du Monde ; le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du “Monde”, mettant notamment en cause ses méthodes ou la chute des ventes du quotidien (- 10,2% sur les dix premiers mois de l’année). »

Et le quotidien consacre un court article (un corps de texte de 195 mots) au livre de Péan et Cohen (titré « Le livre qui l’avait condamné ») :

« Parce qu’il “fallait investiguer sur l’investigateur”. C’est la raison invoquée par Pierre Péan et Philippe Cohen pour justifier de la publication de leur livre, La Face cachée du Monde, en février 2003. Pour de nombreux observateurs, ce livre marquera la fin de l’ère Plenel. Le directeur de la rédaction du Monde que les auteurs désignent par l’appellation de “maître” Plenel, y est décrit comme un ancien trotskiste, un “Rastignac”, qui a instauré “un climat de peur”. Le Monde est devenu une “Pravda moderne”. La rédaction paraît, aux yeux des auteurs, “ectoplasmique et aux ordres”. “En introduisant, à l’instigation d’Edwy Plenel, le principe de la rotation des cadres, le journal brise l’un des piliers sur lesquels il aurait pu édifier sa réputation : l’expertise, la spécialisation.” Au fil des 25 chapitres, évoquant le traitement de grands sujets d’actualité - Rainbow Warrior, écoutes de l’Elysée, Corse -, l’ouvrage veut démontrer comment le quotidien de référence, né en 1944, “n’a plus de filiation morale, politique, culturelle avec le journal d’Hubert Beuve-Méry”, son fondateur. Dans le chapitre 3, “L’appel de Fouché”, les auteurs pointent la “relation privilégiée” du directeur général des rédactions Edwy Plenel avec le syndicaliste policier Bernard Deleplace. »

Commentaire de Pierre Marcelle le lendemain dans Libération (01.12.2004) dans sa chronique « Quotidienne » : « En l’attente des suites du feuilleton qu’ouvrit début 2003 la Face cachée du Monde, on se félicitera, pour la transparence et la liberté de la presse, de ce que le Figaro ait découvert hier l’existence de l’enquête de Péan et Cohen. Et lui ait, vingt mois après sa publication, consacré un épais feuillet. »

Lu dans Le Monde (1)
Le grand art du portrait

Le titre est à lui seul un poème : « Jean-Christophe Mitterrand, le fils perdu »

C’est dans Le Monde du 4 décembre 2004. Et le chapô donne le ton :

« Le fils aîné de l’ancien président de la République sera jugé, le 8 décembre, pour fraude fiscale. Dépressif, l’ancien conseiller aux affaires africaines de l’Elysée vit chez sa mère, rue de Bièvre. »

L’entame ne manque pas de charme non plus :

« Il faut imaginer Jean-Christophe Mitterrand heureux, et c’est difficile. Il faut se le représenter fêtard, bourlingueur, animé et en couleur, mais ce n’est pas évident. Le grand gaillard traîne sa tristesse nonchalante chez sa mère, au 22, rue de Bièvre, dans le 5e arrondissement de Paris. Au rez-de-chaussée de la maison, [...] il a installé une grande cage qui mange la moitié de la pièce. Dedans volette un toucan. Un toucan de compagnie, celui du fils de l’ancien président de la République française. C’est ici que Jean-Christophe Mitterrand attend le jugement du tribunal correctionnel de Paris, qui doit être rendu mercredi 8 décembre. »

On vous épargne la suite du récit de mésaventures de Jean-Christophe. Et voici la fin :

« En mars 2004, Danielle Mitterrand a contracté un prêt hypothéqué sur sa maison "pour 300 000 euros". Elle a vendu au su de tous les meubles - dont la table ronde - de la rue de Bièvre, comme le font les châtelains ruinés et les monarchies balayées. "Evidemment que je ne suis pas heureux", dit son fils. De longs hurlements s’échappent de la cage aux oiseaux. "C’est toujours comme ça quand je quitte la pièce", compatit Jean-Christophe Mitterrand. Les toucans, expliquent les dictionnaires spécialisés, ne supportent pas l’abandon. » [1].

Lu dans Le Parisien
Bien entendu, c’est pas « off »

Dans Le Parisien - Aujourd’hui en France du jeudi 9 décembre 2004, une double page sur « l’intégration des immigrés » [2]. Avec un portrait-interview (avec nom de famille et grande photo) de « Sabah, étudiante en maîtrise d’enseignement du français langue étrangère » [3]. Née de parents marocains, cette jeune femme de 27 ans parle du racisme, de ses relations avec ses amis « français blancs » (selon son expression), des difficultés de ses frères et copains, etc. Et, vers la fin de l’article, elle parle de sa logeuse qui a failli la virer. Après passage par le tribunal, elle a obtenu la signature de son bail.

Chute de l’article :
« Et la jeune femme de conclure : "Cette histoire, j’en ai pleuré. Mais ça, vous le marquez pas." ». Et pourtant, c’est marqué. Ça c’est du respect de l’interviewé...

Lu dans Le Monde (2)
Jean-Claude Casanova charmé par Alain Minc

Dans Le Monde des livres du 3 Décembre 2004, Jean-Claude Casanova chante les louanges d’un auteur « incisif » qui « manie le paradoxe » et « s’acharne à prendre le contre-pied des idées reçues ». Qui est donc cette perle rare ? La réponse ne se fait pas attendre : « Je conseille la lecture du dernier livre d’Alain Minc » prescrit Casanova.

Certes, il a un premier avantage : « il est bref ». Mais ce n’est pas tout. Il est incroyablement original : « L’argument central, résume Casanova, consiste à dire que notre pays est redevenu un “village gaulois”. C’est-à-dire un enclos dans lequel les querelles domestiques et les préjugés hérités rendent les habitants aveugles au monde extérieur. Les Français ne savent pas ce qu’ils font parce qu’ils ne savent pas ce qui se passe ailleurs. »

De plus assure Casanova, « Les opposants de droite, du centre et de gauche au gouvernement actuel pourront [...] se servir à profusion dans ce livre qui ne manque ni d’idées, ni d’aperçus ingénieux, ni de courage »

Et le coup de grâce : « Alain Minc pose enfin une question difficile. Pourquoi les Français se complaisent-ils dans leur “village gaulois” ? Sont-ils à ce point dépourvus de discernement et aveuglés par une idéologie molle ? Ou bien leurs dirigeants manquent-ils totalement de lucidité ou d’esprit de décision ? Selon qu’on est pessimiste ou optimiste, on choisira la première ou la seconde explication. »

Précisions, en guise de commentaires :

{}- Alain Minc est Président du conseil de surveillance du Monde et de la “Société des lecteurs” (actionnaire de la société “Le Monde SA” à hauteur de 10,43%) ;

- Jean-Claude Casanova est directeur de la revue Commentaire et éditorialiste associé au Monde (c’est ainsi qu’il est présenté par le journal à l’occasion d’un entretien avec Thomas Ferenczi dans l’édition datée du 05.11.2004). Il est également co-présentateur de l’émission La Rumeur du Monde (le samedi matin sur France Culture à 12h45) avec Jean-Marie Colombani (président du directoire et Directeur de la publication du Monde, et PDG du “Monde SA”).

Lu dans Le Point
Le « bourdivisme » ? Un néobabouvisme, un déguisement de l’antisémitisme.

Dans Le Point du 9 décembre 2004 Bernard-Henri Lévy, s’épanche. A propos d’un livre de Joseph Macé-Scaron (du Figaro Magazine) :

« [...] Je ne suis pas toujours d’accord avec Joseph Macé-Scaron («  L’homme libéré  », Plon). [...] Mais quand [...] il dépeint le bourdivisme comme un néobabouvisme mâtiné d’occultisme tendance “X-Files” et qu’il montre comment ce néoprogressisme peut reproduire, sur le dos, un jour, des “Palestiniens”, un autre des “jeunes des banlieues”, un autre encore des déshérités de la “mondialisation”, le dispositif historiciste que la réflexion antitotalitaire de la fin du dernier siècle pensait avoir démonté, alors, là, en revanche, je me sens soudain très proche. »

Et BHL-moi-je de confier après avoir fait ingurgiter au lecteur plusieurs cuillérées de sa soupe :

« Penser après Auschwitz ? Mais oui. Justement. C’est parce qu’il y a eu Auschwitz qu’il faut continuer de penser. [...] Il y a trente-cinq ans, l’admirable “nous sommes tous des juifs allemands” d’une extrême gauche qui savait encore à quelle dette elle était tenue. Aujourd’hui, chez les mêmes ou chez ceux qui, plus exactement, se croient leurs héritiers, cet antisémitisme à visage à peine déguisé en islamoprogressisme, altermondialisme, bourdivisme encore. Quelle régression ! »

C’est ce que BHL appelle « penser » !
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II. La revue de presse de France Inter

1. Vieille sociologie et jeune journalisme

Le jeudi 25 novembre la revue de presse d’Yves Decaens propulse brutalement les auditeurs de France-Inter vers les sommets de la spéculation ...

Elle s’ouvre par le commentaire inattendu d’un article de 945 mots publié par Bertrand Le Gendre dans Le Monde (sous le titre La culture, le numérique et le karaoké). Objet : utiliser un ouvrage de Bernard Lahire pour enterrer - une fois de plus - Pierre Bourdieu Sur France Inter, cela devient alors la petite revanche jubilatoire d’un journaliste (sans doute persuadé que sa profession a été injustement maltraitée par le sociologue) ; mais revanche dans laquelle les lecteurs de La Distinction pourront mesurer combien la caricature le dispute à l’inculture :

« Peut-être faut-il aussi revoir nos vieux schémas culturels : cette fois c’est Bertrand Le Gendre qui l’explique dans Le Monde en se référant au livre de Bernard Lahire intitulé La culture des individus où l’on constate combien - tout à coup - combien Pierre Bourdieu a vieilli. Le célèbre sociologue considérait - mais c’était dans les années 70 - que la consommation culturelle d’un individu était fonction de sa place dans la société, de son identité sociale, de la classe sociale à laquelle il appartient. Pour simplifier : aux ouvriers la pétanque et les films d’action ; aux cadres supérieurs le Parsifal de Wagner et la Recherche du temps perdu de Proust. Eh bien, là encore, que nenni ! Ce déterminisme manifestement n’est plus aussi pertinent. Aujourd’hui, souligne Bertrand Le Gendre, les cadres sont plus nombreux à s’adonner au karaoké que les ouvriers ; et on peut être intellectuel sans rater aucun épisode de la Star Academy. On peut être aussi une employée de bureau et fan de danse classique, pourquoi pas ? En fait - et c’est ce que démontre Bernard Lahire dans son livre - à cette époque d’Internet, du DVD, du numérique, de la télévision par satellite, la culture est devenue un vaste self-service où chacun butine selon ses goûts et son humeur, de manière totalement imprévisible . Le cadre qui continue à fréquenter l’Opéra peut aussi se changer les idées avec sa console de jeux ; et l’ouvrier qui continue d’aimer Michel Sardou peut être aussi un cinéphile averti. C’est pas simple, décidément ! Devant une telle inconstance, d’ailleurs, même les radios généralistes ont des difficultés puisque leur public cible menace à tout instant de leur faire des infidélités. Voilà, c’est dans l’air du temps  ! Et le tout - n’est-ce pas Stéphane ? - c’est de le savoir ! » [c’est nous qui soulignons]

Confondre déterminisme et fatalisme et attribuer cette confusion à Pierre Bourdieu, lire le très discutable Bernard Lahire par dessus l’épaule de Bertrand Le Gendre et en déduire que « la culture est devenue un vaste self-service où chacun butine selon ses goûts et son humeur », c’est démontrer sans le savoir que pour certains journalistes la sociologie ne présente d’intérêt qu’à condition d’être biodégradable : c’est-à-dire de pouvoir rabattre la tentative de savoir sur un bavardage sur l’air du temps.

2. Le « Diplo » change Decaens ?

Sans doute pour montrer la constance bienveillante de son souci pour la pensée critique, le même Yves Decaens, sur France Inter à 8h31 précises, ouvre sa revue de presse du vendredi 3 décembre par le commentaire inattendu de 2’17 (un luxe !) d’un article de Gilles Balbastre paru dans Le Monde diplomatique mois de décembre 2004 :

« Est-ce qu’on ne serait pas parfois à côté de la plaque ? C’est une question quotidienne pour les journalistes, qui se la posent sans avoir toujours le temps d’y répondre d’ailleurs. Et c’est ainsi - comme le démontre un réalisateur Gilles Balbastre, dans le Monde diplomatique - c’est ainsi que c’est développé ces dernières années dans les médias ce qu’il appelle une dérive “faits-diversière”. Une dérive qui contribuerait à focaliser l’attention sur des évènements dont l’importance est sans commune mesure avec la place qu’on leur consacre. On pourrait en faire un inventaire. » [c’est nous qui soulignons]

Et Yves Decaens de prélever quelques exemples dans l’article de Gilles Balbastre ... à défaut d’en restituer le sens. Avant de « résumer » :

« Bref, cette utilisation des faits divers, accidents et catastrophes par les médias, conclut le réalisateur-procureur (des médias) est caractéristique d’une certaine transformation du champ journalistique de ces vingt dernières années. Faire de ce type d’informations un produit d’appel, dit-il, abouti à brouiller l’essentiel. Et on se souvient également, de la dernière campagne présidentielle, et de tous ces reportages sur l’insécurité, qui avaient fini par occulter toute autre actualité. Voilà. C’est un jugement peut-être un peu sévère, mais au moins, au moins, donne-t-il à réfléchir, comme nous y convie aussi ce matin Daniel Schneidermann dans Libération (...) ». [toujours souligné par nous]

Manifestement, Yves Decaens a fait un grand effort pour restituer “objectivement” la critique de la dérive « fait-diversière » des médias. Mais, chassez le naturel, il revient au galop ; Yves Decaens ne peut s’empêcher de tenter de disqualifier Gilles Balbastre en le présentant comme un procureur. Exactement : un « réalisateur-procureur » ! [4]

III. Vite on est pressés...

Message reçu par Acrimed :

From : “XYZ”
To : <acrimed@wanadoo.fr>
Sent : Monday, November 29, 2004 7:04 PM
Subject : URGENT

Bonjour,
Je travaille pour l’émission "affaires de famille" sur M6 et pour notre prochaine émission nous aimerions faire un reportage sur des parents qui auraient un look original (punk par exemple).
Si vous vous sentez concerné ou si vous connaissez des personnes dans ce cas de figure, n’hésitez pas à me contacter. Je vous remercie d’avance pour votre aide.
XYZ 01 49 .. .. ..

En effet, c’était « URGENT »...

 
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Notes

[1Article signalé par Benjamin Marteau. Franz, un autre correspondant, nous single la phrase suivante, « Le 7 mai 1995, son père est battu par Jacques Chirac », et commente : « Ce qui sous entendrait que Jean-Christophe est en réalité le fils caché de Jospin. Le Monde, un journal de référence ? Allons ! ».

[2Il y aurait une thèse à faire sur le mot "immigrés" qui signifie à peu près systématiquement "Arabes". On n’a pas le souvenir que l’ex-ministre d’origine hongroise Sarkozy ait été présenté comme un exemple d’immigré de la seconde génération bien intégré.

[3Article de Philippe Baverel : [« Aujourd’hui je parle librement de mes différences »-http://www.leparisien.fr/societe/aujourd-hui-je-parle-librement-de-mes-differences-09-12-2004-2005522740.php>].

[4Yves Decaens recycle (sans le savoir), les oukases d’Elisabeth Lévy qui, sur France Culture, le 6.11.2004, introduisait l’émission qu’elle devait consacrer à la critique radicale des médias l’introduiisait ainsi : « Ils sont les impitoyables procureurs des médias, les adversaires déclarés de ce qu’ils appellent “l’ordre médiatique existant...” ».

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