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Lu, vu, entendu : « Les sentiers de la gloire »

TF1 en tête de sondage - Namias, l’Audimat et les morts - Talents censurés, etc. Et aussi : des nouvelles des pollutions publicitaires, de Jean-Luc Mano et de Joseph Macé-Scaron.

I. Les sentiers de la gloire

 Le Journal Télévisé de TF1, c’est « le top » ! Sous le titre « Pourquoi le JT de TF1 cartonne », Stratégies (14 avril) déroule le commentaire du sondage TNS-Sofres acheté... pour pouvoir le commenter. On découvre une fois de plus que les sondés « apprécient » le J.T. qu’ils regardent le plus, sans que l’on sache s’ils disent l’apprécier parce qu’ils le regardent ou s’ils le regardent parce qu’ils « l’apprécient » [1].

Une petite différence qui n’importe pas aux sondomaniaques. Les chiffres leurs suffisent : « Ce qu’apprécient les Français dans le 20 h de TF1, par exemple, c’est sa clarté (37 %, soit + 15 points par rapport à France 2), sa capacité à proposer les meilleurs reportages (44 %, + 16 points), l’intérêt des informations (36 %, + 13 points) et la diversité des sujets (41 %, + 19 points). La chaîne se démarque notamment pour son traitement des événements à chaud (49 %, + 27 points), ses invités (53 %, + 20 points) et surtout ses présentateurs (63 %, + 36 points) et ses journalistes (49 %, + 27 points). »

Il paraît que c’est ce que pensent « les Français »... Comme si la quantité de cerveaux disponibles, mais sans doute plus rétifs que ne le laissent croire les sondages, avait valeur de test comparatif sur la qualité de l’information. Mais ne méprisons pas trop les indices, même s’il ne s’agit que de simples indices : ils incitent en tous cas les responsables de l’information à se conformer aux résultats des sondages.

Par exemple à favoriser l’identification aux présentateurs et à se plier aux effets de la notoriété. Notamment quand on lit ceci : « Le présentateur se substitue au téléspectateur en posant la bonne question avec le bon ton [...] La notoriété de stars de l’info - PPDA, Claire Chazal, Jean-Pierre Pernaut... - s’étend même à des grands reporters comme Marine Jacquemin. » [2]

Evidemment, la gloire de TF1 et de ses « stars » méritait un complément d’enquête auprès de Robert Namias (directeur général adjoint de TF1 chargé de l’information [3]). Le voici : « “ Il faut s’intéresser à la proximité où qu’elle soit dans le monde, de façon à être proche des centres d’intérêt des téléspectateurs ”, souligne Robert Namias, qui trouve les journaux de La Une encore " trop loin de ceux qui nous regardent ” et " peut-être trop abstraits, même quand nous faisons de la pédagogie et de l’explicatif ”. » [4]

Selon lui, il reste encore du travail à faire sur l’approche des sujets (« les informations purement régionales, peu fédératrices, sont à éliminer ») et sur la qualité du filmage en rapport avec le commentaire (« il faut trouver la mise en forme la plus séduisante en considérant que l’image est un spectacle  »).

Tout cela est très prometteur...

Dernières remarques. Stratégies livre, sans le moindre recul, ce résultat qui, pris au sérieux, pourrait inquiéter : « TF1 est également déclarée " la plus indépendante politiquement ” (22 %, contre 12 % pour France 2)  ». Mais, quand il est question du budget, on ne rigole plus : « TF1 s’impose ainsi comme la chaîne " qui a le plus de journalistes ” et qui “ consacre le plus de moyens à l’information ”. Pourtant, selon Robert Namias, son budget est proche de 100 millions d’euros (+ 18 millions d’euros avec les magazines), alors que France 2 consacre 135 millions d’euros à l’information. Cette dernière compte également 344 journalistes contre 150 à TF1 qui, il est vrai, bénéficie de moyens mutualisés avec LCI lui permettant de basculer son antenne en direct. »

 Robert Namias l’Audimat et les morts. C’est dramatique : « Vendredi 8 avril, TF1 était aux premières loges pour les obsèques de Jean-Paul II. Depuis six ans, la chaîne loue à Rome un appartement avec terrasse sur la place Saint-Pierre... [Un bien bel investissement...]. Surprise : la Une a réalisé une audience inférieure à celle de France 2, à 2 421 760 téléspectateurs (32,8 % de part d’audience) contre 2 586 880 pour sa concurrente (35,3 %). D’ordinaire, elle se taille pourtant la part du lion dans l’information »

Le commentaire de Namias est assez confondant : « Avec des cadavres à l’antenne [comme lors du tsunami], TF1 fait 11 millions de téléspectateurs », lance-t-il ». Si confondant, que le directeur de l’information apporte un « démenti » dans le Stratégies suivant (22 avril), sans préciser quels cadavres il déplore.

 Discrète censure. L’Express (18 avril 2005, dans son supplément L’ExpressMag) se penche sur les artistes qui ne passent pas à la télévision. « Même des artistes talentueux et réputés ont parfois du mal à trouver leur place à la télévision » : « " Aujourd’hui, ce qui donne le ticket d’entrée sur un plateau, c’est d’être capable de raconter sa vie privée, de préférence salace ", s’agace Marc Thonon [du label Atmosphériques]. « Pour son dernier album, Fogiel n’a pas voulu de Louis Chedid : on m’a laissé comprendre qu’il était trop "plan-plan". Faut-il qu’il divorce pour qu’on l’invite ? " » La presse a volontiers rapporté que Chedid avait été « lâché » par sa maison de disques, mais elle a été beaucoup plus discrète sur cette censure des plateaux télé.

 Airbus, héros malchanceux. Dans Le Figaro (23 avril), on apprend en creux et en clair que le retard qui rend fou « d’impatience  » est tel que « certains professionnels s’interrogent sur le véritable calendrier de vol de l’A 380 » : « il est possible que l’encombrement de l’agenda médiatique lié aux décès du pape et du prince Rainier ait eu un impact sur la fenêtre de tir d’Airbus », remarque Jean-Christophe Alquier, délégué général de l’agence Harrison and Wolf.

II. Pollutions publicitaires

 Quand Le Monde fait la com’ de la com’. Etrange article paru dans le Monde du 20 avril et titré : "Première campagne publicitaire institutionnelle depuis 2000, Total veut tourner la page de l’Erika".

Faut-il que l’actualité dans le domaine des médias soit bien morne pour que l’on consacre un article aussi neutre à la campagne de publicité d’un pétrolier (au fait, Le Monde a-t-il été inclus dans le plan média ?).

Les 20 millions dépensés dans cette campagne qui, selon le dircom de Total, M. Dalibard, est « sensible, au ton modeste et recherche une empathie avec le public » auraient été efficacement employés à indemniser les gens qui ont subi la pollution de l’Erika. Et l’effet en matière de communication aurait été tout aussi positif.

 SFR « exploite », Les Echos font la promo. « De la beauté aux jouets en passant par la téléphonie, les entreprises exploitent le ressort des relations familiales avec des offres couplées  » [5], notent Les Echos du 22 avril, sans trop s’inquiéter du sens des mots. De quoi s’agit-il ? De ceci : « L’opérateur de téléphonie mobile SFR a conçu une formule avec des avantages spécifiques, permettant à ses abonnés d’ouvrir une ligne de mobile à leurs proches, dont ils pensent qu’ils seront de faibles consommateurs ». Les relations familiales sont aussi un marché...

 Lagardère récupère les cerveaux non disponibles. Quand on disait que la déclaration de Le Lay [6] risquait de devenir la tarte à la crème de la critique des médias [7]. La focalisation exclusive sur TF1 (et sur la préparation des cerveaux, plutôt que sur l’aveu de la dépendance vis-à-vis des publicitaires généralisée à la plupart des médias) s’inscrit d’ailleurs dans le glissement habituel de la critique politique vers le jugement de goût, et ceux qui y sombrent sont plus poussés par les logiques classiques de distinction que par une volonté réelle de remise en cause de l’ordre établi.

Le martelage de cette déclaration est tellement subversif... que même Lagardère en profite, sans état d’âme, pour flatter les téléspectateurs d’Arte. Pourtant, mieux vaut parfois un spectateur du « Bigdil » conscient de son désintérêt pour la « haute culture » qu’un fidèle des soirées Thema orchestrées par Daniel Leconte [8] et qui se croirait informé...

III. Jours agités dans le microcosme

 Jean-Luc « multicasquettes » Mano (Le Gri-Gri international). Faure Gnassingbé, vainqueur proclamé - et contesté - des présidentielles au Togo, avait recruté comme conseiller en communication, par l’entremise du député UMP Richard Cazenave, Jean-Luc Mano, un de ces journalistes qui coiffent plusieurs casquettes (lien vers Le Gri-Gri international périmé. Acrimed, 13 avril 2009).

Coach de Michèle Alliot-Marie, soutien moral de trois autres ministres du gouvernement, journaliste au Nouvel économiste... Monsieur « Multicasquettes » n’a pas le temps de faire beaucoup de lobbying pour son employeur africain. Mais ne soyons pas mauvaise langue, il a déjà réussi à obtenir à son client une belle interview dans France Soir, le 8 mars dernier, intitulée « Renforcer la démocratie au Togo » (sic). Ancien directeur de cette rédaction, Jean-Luc Mano a mis un point d’honneur à accompagner lui-même le journaliste Yves Derai à Lomé pour l’occasion. Il faut dire que « Multicasquettes » aime beaucoup aller en Afrique. Le continent serait l’un des derniers endroits où « il y a de la fraîche », a-t-il expliqué lors d’un déjeuner. On appréciera le côté Audiard, le cynisme et l’humour de cet ancien journaliste à L’Humanité, qui se plaît à se présenter depuis toujours comme un homme de gauche... MAM [9] et ses amis de droite seraient-ils chiches avec leur coach ?

- Article d’Anna Borel paru dans Le Gri-Gri international, n°32, 7 avril 2005 (reproduction autorisée).

(Lire Françafrique : les médias complices ? (2), par François-Xavier Verschave, de l’association Survie - Acrimed).

  Fig-Mag : Macé-Scaron « craque » ? Sous le titre « Ceux qui croquent et ceux qui craquent », Joseph Macé-Scaron commence ainsi son éditorial, dans le Figaro Magazine du 29 avril 2005 : « L’argent va à l’argent. Voilà une de ces "idées saines" que défendent, aujourd’hui, ceux que Bernanos appelait les "petits mufles réalistes". » Rappelons qu’un certain Serge Dassault avait déclenché un certain émoi en déclarant, le 10 décembre 2004, que posséder un journal « permet de faire passer un certain nombre d’idées saines » (lire La presse selon Dassault (4) : les « idées saines »), alors qu’il était il y a peu devenu propriétaire du groupe Socpresse, et donc patron du Figaro et du Figaro Magazine ! Or, Joseph Macé-Scaron est directeur de la rédaction du Figaro Magazine [10].

Une révolte ? Un monôme ? Cette maison n’est plus tenue ! [11].

 
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Notes

[1Sur les sondages prétendant rendre compte de l’opinion " des Français " sur les médias, lire L’arroseur arrosé (1) : le "baromètre" sur les Français et les médias, par Patrick Champagne, et L’arroseur arrosé (2) : le "baromètre" sur les Français et les médias , par Henri Maler (note d’Acrimed).

[2Si la notoriété est un argument suffisant, c’est une chance pour l’animateur-producteur Marc-Olivier Fogiel, qui aime à brandir sa carte de presse comme d’autres chauffards leur permis de conduire et se verrait bien présenter un jour le journal télévisé (TV magazine, 14 avril). A propos de la carte de presse, lire Déontologie des journalistes : une polémique révélatrice (note d’Acrimed).

[5En gras : souligné par nous.

[9Surnom affectueux de Michèle Alliot-Marie (note d’Acrimed).

[10La suite de son édito ne laisse pas place à l’ambiguïté : « Qu’un ex-directeur d’un grand groupe, par ailleurs tout à fait méritant, reçoive comme cadeau de départ non pas une photo de groupe avec ses salariés mais 38 millions d’euros relève, selon eux [les « petits mufles réalistes »], de l’ordinaire. Il est sûr que cette coquette somme assurera l’ordinaire et même l’extra-ordinaire de ce sémillant retraité. Pour autant, faut-il que toute critique de la somme allouée soit aussitôt interprétée comme une défense et une illustration de l’égalitarisme niveleur ? Est-il nécessaire de brandir les fantômes du collectivisme toujours prêts à saigner "ceux qui réussissent" ? Rappelons que dans la devise de la République, il y a aussi le mot"égalité". »

[11Michel Schifres va remplacer Joseph Macé-Scaron à la direction de la rédaction du Figaro Magazine, apprend-on le 6 juin 2005 [lien périmé, juin 2010]. Titre de l’éditorial de Macé-Scaron dans le Fig-Mag du 6 juin : " Quand les élites se délitent "... (note d’Acrimed, 10 juin 2005).

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