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Lu, vu, entendu : « Grandes leçons des maîtres-journalistes »

Leçons de maîtres aux lycéens, leçons de syndicalisme aux syndicalistes et... leçons de journalisme.

I. Leçons de maîtres aux lycéens

 Assistance à Ministre en difficulté. Le 9 février 2005, au moment où la contestation lycéenne commençait à émoustiller nos médias (c’est-à-dire avant la journée de mobilisation qualifiée de « test »), Libération (qui vraisemblablement n’est pas - plus ? - lu par les lycéens) envoyait le signal avec une interview de contre-information de Fillon. Titre : « Les lycéens ont été au minimum mal informés ». Question, pas vraiment dérangeante, malgré les guillemets : « Quelles “caricatures” vous choquent le plus ? ».

Après la reculade du ministre, ce que le Figaro désigne perfidement comme de « concessions  », c’est au tour du Parisien (12 février 2005) de consacrer trois pages d’interview à Fillon (« Face aux lycéens, Fillon s’explique sur le bac »). Une interview-fleuve par des élèves qui, évidemment, sont interrogés sur leur perception de Fillon (« Ce que les lycéens ont pensé du ministre de l’Education nationale »).

Or, le « panel » choisi par Parisien se révèle, par sa composition et la sélection des réponses, aussi pertinent et constructif que l’est l’eau à couper le beurre normand (ni oui, ni non) ... Ceux de banlieue (3) ne sont pas convaincus par Fillon. Quant à ceux de Paris (dont un du privé) ou des Hauts-de-Seine (3 pour ces deux derniers), c’est plutôt “bingo” : « J’étais plutôt pour la manif, même si je n’y suis pas allée. Mais j’ai lu le texte de loi et, franchement, je trouvais que certaines revendications lycéennes tapaient un peu à côté. Il y a quand même pas mal d’irrationnel. Il m’a rassurée » ; « Globalement, j’ai été convaincu. J’avais l’intention d’aller manifester mardi. Après cet entretien, j’hésite beaucoup plus. » ; « Je crois qu’il m’a convaincu que cela pouvait être bien. Le ministre prévoit d’améliorer le système éducatif, j’attends quand même de voir si tout ce qu’il dit se réalisera vraiment » ; « Je le crois sincère quand il dit qu’il veut notre bien, il a fait un gros effort d’explication.  »

 Des gamins « manipulés », « noyautés », « dépolitisés » (ou pas)

Le Figaro (9 février 2005) dans « Rumeurs et manipulations agitent les lycéens » « informe » : « Certains enseignants montent leurs élèves contre la réforme. “Il y a ces enseignants ici ou là, véritables boutefeux qui n’hésitent pas à expliquer à leurs élèves que les réformes en cours représentent une menace pour leur avenir. Il y a ces partis politiques qui encouragent les jeunes à dire tout le mal qu’ils pensent de la loi Fillon ».

Le 11, on retrouve les lycéens, aux dires de celui qui se présente comme le spécialiste de l’extrême gauche, dans les mêmes colonnes (rubrique politique du Figaro, donc) noyautés par l’extrême-gauche ! « Bourseiller : “Les Jeunesses socialistes et communistes au coeur de l’action” » [1].

Les lycéens persistent malgré tout... Alors, Le Figaro n’en finit pas de revenir sur ces jeunes et vire sa cuti. Fini les manipulés, place à la génération spontanée... Le 15 février 2005, il livre une « enquête » (annoncée comme telle) sur « ces lycéens qui ont fait trébucher le ministre  ». Et ça donne : « Cette “génération du 21 avril” qui a découvert la politique en protestant contre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002 ». Or, cette génération rejetterait « les classiques mouvements et associations qui surfent sur les colères lycéennes ont été pris de court. » Pas « manipulables » ou « manipulés », donc ? En tout cas, naïfs, puisque leurs « craintes [...] paraissent fort éloignées des articles du projet de loi Fillon en discussion à partir de cet après-midi à l’Assemblée nationale ».

Fillon a « cédé » (Les Echos du 15 février 2005) et certains médias l’ont mauvaise car il a « trébuché » (Le Figaro du 15 février 2005) devant un mouvement immature et apolitique - voilà la version du Figaro.

Le 16 février 2005, Le Figaro mandate Bernard Debré (député UMP des beau quartiers - 16e arrondissement...), qui tente le ton « sympa » dans une « lettre à un jeune manifestant ». Mais qui lit le Figaro parmi les manifestants ? Et surtout « le jeune » est-il prêt à entendre ce prêche moralisateur qui risque de provoquer plus que de le calmer ? « Toi qui n’as pas 20 ans, tu es une proie facile pour les syndicats politisés ». Ridicule.

Après le ridicule, le mépris ou le dépit. Alexis Brezet pose la question : « Reculer, une fois encore, face au mammouth, parce qu’il pousse devant lui la piétaille lycéenne ? » (Le Figaro du 16 février 2005).

A noter, Le Parisien (15 février), qui adopte un autre ton : « Manipulés ? Politisés, plutôt. A gauche, pour la plupart. Au nom d’une certaine idée de “l’éducation” et de “l’égalité”, deux mots qui reviennent constamment dans leurs discours parfois maladroits et fiévreux. Tout au long de l’année, ils sont quasi invisibles dans le petit paysage lycéen. Le nombre de leurs adhérents, tous syndicats confondus, ne dépasse pas les 6 000 dans toute la France. Et pourtant, les voilà devenus porte-parole surexposés de plus de 100 000 gamins qui ignorent, pour la plupart, que des élections lycéennes se déroulent dans un mois. » Ah ! ces « gamins » !

Vive le pluralisme de l’information...

 « Qui manipule qui ? »

Un correspondant nous écrit :

« France 2, jeudi soir, journal de 20 heures. A propos des manifestations lycéennes. J’aperçois une de mes élèves de Terminale tenir les propos suivants : “Bien sûr que les profs nous soutiennent, et la principale aussi”. Conclusion nécessaire dans l’esprit du téléspectateur : ils sont manipulés !
Revoyant cette élève, je lui demande, en privé et après la classe, si elle a conscience de la portée de ses propos. Il s’avère que ces paroles n’étaient qu’une concession extraite d’un discours dont le propos était en substance qu’elle avait 18 ans et qu’elle n’attendait pas les conseils de quiconque pour descendre dans la rue, ce qui n’empêchait pas les personnels d’éducation d’être en accord avec leurs revendications. Le journaliste, en coupant ses propos au montage, lui a donc fait dire l’inverse de ce qu’elle voulait dire.
Qui manipule ?
 »

Pierre-Louis SALLES,
Enseignant (95).

A propos de « manipulation » :

 L’altermondialisme fait tanguer le bateau Livre. Le dimanche 13 février 2005, l’émission “ Le Bateau livre ” (France 5, 13.02.2005, 10h17), présentée par Frédéric Ferney et Géraldine Muhlmann, est consacrée au thème : « Altermondialisme, les acteurs ». S’adressant à la chercheuse Nonna Mayer, l’animateur Frédéric Ferney évoque ainsi une crainte concernant l’altermondialisme : « Question : vous dites que c’est pas un mouvement à recrutement direct, hein ; que c’est plutôt une “mobilisation de mobilisations” - je vous cite. [...] Est-ce que c’est pas un risque ça - ce que vous dites - de manipulation. [...] il n’y a pas de chef, tout ça se fait par réseau. Certains des “entrepreneurs sociaux”, comme vous les appelez dans votre beau langage ne seraient pas tentés de manipuler, d’instrumentaliser tel ou tel sous groupe ?... ». Comme on peut le constater une fois de plus, la rhétorique de la « manipulation » - plus ou moins conspirationniste - mobilisée pour disqualifier les contestataires, n’émeut les journalistes dominants (et leurs séides...) que lorsqu’ils croient la deviner... chez les contestataires eux-mêmes.

Un peu plus tard, sous couvert de questionnement philosophique, l’animateur, décidément très en forme, se sent obligé de décocher cette perfidie : « Est-ce que c’est un mouvement d’avenir ou est-ce que c’est le sursaut ultime et désespéré d’une arrière garde ? »

 Moralité : il faudra bien que jeunesse se passe. Le Figaro du 9 février 2005 condescendait : « Mais les vacances devraient provisoirement calmer les esprits ». Et moralisait sur l’air « il faut bien que jeunesse se passe » : « Il y a évidemment des projets qui, loin de toute influence, provoquent des réactions épidermiques des élèves. Il y a enfin ces envies régulières d’aller battre le pavé, certains défilés ressemblant parfois plus à de véritables kermesses qu’à des coups de poing contestataires. »

Une idée reprise, sur un mode mineur, par La Croix le lendemain (10 février 2005) « Manifester, une tradition lycéenne ». Où comment, déplacer le motif sur la tradition (« il faut se méfier du lycéen qui dort ») en rappelant les grèves depuis 68 avec une discrétion remarquable sur leurs issues...

... Peut-être parce que comme le remarque Pierre Biancone dans sa revue de presse sur RFI (10 fév. 05) : « Depuis toujours, la révolte de la jeunesse est une clé de la révolte sociale ». Avec cette synthèse : « Nombreux sont les Premiers ministres qui ont pu en faire la douloureuse expérience. Nombreux sont ceux qui ont dû reculer devant ces mouvements qui surviennent souvent au printemps, quelquefois au cours de l’hiver, mais toujours de façon spontanée même si inévitablement des rumeurs de manipulations accompagnent les défilés qui sont organisés à Paris ou dans les grandes villes de province. »

II. Leçons de syndicalisme aux syndicalistes

  Le Quotidien du Médecin soigne la « réforme ». Parce que le président d’un syndicat, « certes minoritaire » (sic), de médecins se maintient dans son refus de ne rien lâcher, l’éditorial du Quotidien du Médecin pousse les généralistes à accepter la réforme. Une affirmation vraiment martiale, suivie d’une question faussement naîve : « La réforme passera, la convention aussi. En définitive, les généralistes sont-ils mieux protégés par un front du refus que par une attitude plus conciliante qui aurait peut-être préservé une partie des acquis du médecin référent ? » (9 février 2005).

  Prise d’otage syndicale des Jeux Olympiques ? Catastrophisme et poussée de fièvre : les syndicats appellent à manifester le jour ou le « Comité » vient visiter la capitale candidate. C’est certain : ils vont faire foirer la candidature de Paris.

Le Figaro (24 février), naturellement, s’en donne à coeur joie en brandissant la « menace syndicale », notamment dans son éditorial, intitulé comme à la parade : « Irresponsables et maladroits ».

D’abord un rappel historique d’une hallucinante mauvaise foi : « En juin 2003, alors que Marseille rêvait encore de la Coupe de l’America, une grève de dix jours des éboueurs avait permis à la ville de Jean-Claude Gaudin de donner l’image d’une cité propre et nette, comme les aiment les Suisses de la Société nautique de Genève. On connaît le résultat : c’est Valence et Juan Carlos qui l’ont emporté. »

Puis une accusation, faussement interrogative, de tentative intentionnelle de sabotage : « A vrai dire, on peut s’interroger sur le choix initial de la date du 10 mars par les organisations syndicales. La visite de la délégation du CIO est connue de longue date et les syndicats clament haut et fort qu’ils sont “associés à l’élaboration du dossier de candidature”. »

Et enfin une crise d’amertume patriotique contre la perfide Albion : « Les concurrents peuvent se réjouir. Michael Bloomberg, le maire de New York, qui n’était pourtant guère menacé par des débordements syndicaux, a conclu une trêve sociale. Les Espagnols espèrent rééditer l’exploit de la Coupe de l’America. Quant aux tabloïds britanniques, très fair-play comme à l’accoutumée, ils annoncent déjà un Waterloo français. »

Libération, de son côté, joue les innocents : « Délibérément ou pas, la controverse est lancée ». Et de sermonner, après un article plutôt apaisant : « Mais les villes concurrentes de Paris pour 2012, Londres et Madrid en particulier, ne se priveront pas en douce de se gausser du goût des Français pour les grèves et les manifs Nation-République ». Qui se gausse ?

La moralité de cette histoire revient au Parisien qui place en “Une” (bandeau au dessus du "logo”) : « La menace ». L’article correspondant en fait des tonnes, avant de glisser : « Pas de panique cependant... les manifestants et les officiels ne devraient pas se croiser ».

Ouf !

III. Leçons de journalisme

 La formation des moutons. La création d’une école de journalisme par l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris, dit « Sciences Po » (à laquelle nous avons déjà fait écho ici : lire notamment « De la noblesse médiatique : la formation des journalistes selon Sciences Po  » et la fin de « L’actualité des médias n°35 (6 déc. - 31 déc. 2004) »), s’est appuyée notamment sur le rapport d’une commission de « professionnels ». Y était prévu « l’apprentissage de ce qu’on peut appeler la distance critique, une sorte d’introduction philosophique à l’esprit critique, sans laquelle l’exercice du métier de journaliste est réduit au panurgisme » [2].

Lors de sa visite en France, Condoleezza Rice avait choisi d’intervenir à Sciences Po, le 8 février. Le public était trié sur le volet, mais parmi les quelques étudiants restants, il était prévu que deux d’entre eux seraient autorisés à poser une question à la secrétaire d’Etat étatsunienne. Or la question qu’il souhaitait poser initialement, « soumise, comme les autres questions, à l’approbation de l’école et du département d’Etat », a été écartée (elle portait sur l’impopularité de Bush dans le monde) [3]. Un certificat de « distance critique » pour les premiers pas de l’école de journalisme de Sciences Po.

 Déontologie intermittente au Figaro. Le 15 février, on lisait ceci dans Le Figaro : « Après l’Airbus A 380 le mois dernier, la deuxième nouveauté aéronautique mondiale de 2005 est française. Présenté ce matin à Bordeaux chez Dassault Aviation (Dassault Aviation, comme la Socpresse, appartient au groupe Dassault) ». Ce rappel entre parenthèses mérite d’être salué... Mais les bonnes résolutions ne durent qu’un temps... car, surprise (?), la précision disparaît dans le Magazine du samedi (19) qui glorifie ledit Falcon « Du neuf dans le ciel ! Le numérique “made in France” s’impose aussi dans la construction des avions. Sa dernière contribution ? Le Falcon 7X, qui sera le premier avion d’affaires à commandes de vol électriques. »

 L’ “innocence” des journalistes économiques. Vincent Beaufils, rédacteur en chef de Challenges (17 février), la main sur le coeur et la bonne conscience sous la plume fait part : « de notre désaccord profond avec ce constat de Régis Debray, dans Le Pouvoir intellectuel en France, et repris dans le dernier livre de Jean Daniel : “Le journaliste reste le seul homme en position d’humilier, moquer ou dénigrer un quelconque de ses concitoyens sans que ce dernier puisse répliquer avec les mêmes armes”. »

Une affirmation peu contestable, pourtant. Mais qui souffrirait d’une exception notable : « Ce n’est ni la réalité de l’exercice du journalisme économique, ni surtout le mode de travail et de pensée des journalistes de Challenges. » C’est sûr aucun abus de position n’est pensable de ce côté-là ! Jamais, ni individuellement ni collectivement, le journaliste et le journalisme économique n’est en mesure d’humilier sans réplique possible à armes égales les chômeurs, rmistes, précaires, salariés de toutes catégories dont ils parlent comme des variables d’ajustement soumises aux prétendues lois naturelles de l’économie ! Et surtout pas à Challenges.

Et puisque nous évoquons des abus de position, c’est l’occasion de rappeler une autre « réalité de l’exercice du journalisme économique », que l’on pouvait lire (entre autres...) dans un article pourtant édulcoré du Nouvel Observateur (même groupe que Challenges), le 10 mars 2003, sous le titre « Les dix secrets des journalistes » : Olivier Toscer écrivait ceci :
« Dans le domaine économique, les “pantouflages” de journalistes sont nécessairement un peu plus ambigus. Surtout si le choix entre information et communication devient une question de carrière plus qu’une affaire de vocation. On ne compte plus les journalistes devenus papes de la com, à l’instar de Jean-Pierre Joulin (ex-“Obs” et Europe 1), responsable de l’image de Jean-Luc puis d’Arnaud Lagardère. Ou Gilles Legendre, ancien patron de rédaction de plusieurs journaux économiques, qui a pris la direction du service communication de la Fnac après une vaine recherche de poste dans la presse. Quant à Renaud Belleville, il a été journaliste financier puis attaché de presse dans une grande compagnie d’assurances, avant de revenir dans la profession comme éditorialiste aux “Echos”... »

 L’ “innocence” des journalistes économiques (suite). La réalité du journalisme économique, c’est notamment ceci...

L’éventualité d’une augmentation des salaires ayant été suggérée par les médias généralistes à l’annonce des profits records des entreprises, les quotidiens économiques lèvent les boucliers face à cette revendication, à grand renfort d’arguments sans doute destinés aux dirigeants et cadres qui lisent cette presse et qui pourraient avoir à négocier les augmentations.

D’abord, la question des augmentations de salaires est « complexe » et « lourde ». Surtout que le politique ne s’en mêle pas : « Le sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Sur le fond, chacun sait que si la hausse du salaire reste, le bénéfice de l’entreprise n’est évidemment pas pérenne. Jusqu’où faut-il partager, pour soutenir le pouvoir d’achat et donc la demande, sans perdre la compétitivité ? Le curseur n’est pas simple à placer, et en tout état de cause on voit mal comment, dans une économie ouverte, une décision aussi lourde pourrait être commandée par le politique » (La Tribune, 21 février).

Ensuite, il ne faut pas exagérer l’importance accorder aux profits : « Les profits records des grands groupes donnent une image déformée des la marge des entreprises », laquelle ne devrait « avoir gagné que quelques dixièmes de points de point l’an dernier » (Les Echos, 21 février).

Conclusion : «  Le débat sur les salaires n’a pas lieu d’être. Tel est le sentiment général dans les entreprises, alors que les profits 2004 affichés par les grands groupes relancent la polémique sur le pouvoir d’achat des Français. Et sur le rapport entre les salaires perçus et les dividendes distribués » (Les Echos, 22 février) [4]. Le débat est clos, puisque tel est « le sentiment général dans les entreprises ». Un « sentiment » que Les Echos partagent, puisqu’ils n’y opposent aucun autre « sentiment », à commencer par celui des salariés qui ne sont sans doute pas « dans les entreprises » !

Quand on vous disait que le journalisme économique n’était pas en mesure de moquer, dénigrer ou... de mépriser.

 L’ "innocence” des journalistes économiques (suite, suite). Pourtant Les Echos du 16 février dans la rubrique “Enquête” (qui prétend “coller” à l’actualité de façon plus approfondie que factuelle) titraient « Foyers : ces immigrés qui vieillissent dans l’oubli » et soulignaient : « Précarité, difficultés d’accès aux droits sociaux ». Mais quand Les Echos se “penchent” sur un problème social, ils ne peuvent s’empêcher, ne serait-ce que dans la présentation des articles, de rester... Les Echos : « Des retraités qui restent en France par peur de perdre leurs droits » ; « A Saint-Denis, de vieux travailleurs algériens refusent d’être relogés ». Quelle mauvaise volonté !

La semaine suivante, dans la même rubrique, Les Echos proposaient un autre dossier. Sur la pauvreté. Titres : « 55 millions de pauvres dans l’Europe des riches » et « Pauvreté, une bataille à recommencer ». Le jour même où Le Parisien faisait sa “Une” (saluons le fait...) sur les SDF qui « dorment dehors ». Le jour même où Les Echos expliquaient doctement que, sur les augmentations de salaire, le « sentiment général dans les entreprises » est que « le débat n’a pas lieu d’être ». Compassion d’un côté, cynisme de l’autre ?

Et puisqu’on parle de cynisme...

 Leçon de liberté. D’après un correspondant...

Lu dans Le Midi Libre du mardi 22 février 2005. En très gros titre de couverture : « A Vias, victimes d’un choix de vie ». Avec un filet dessous qui dit : « Deux retraités ont été trouvés morts dans leur mobil-home, asphyxiés par une chauffage défectueux. La "cabanisation" du littoral en question. Midi infos 15 ». Page 15 donc : « Deux retraités victimes du Monoxyde de carbone. Nadine et Alain Saintard habitaient dans leur mobile-home sur la côte » [5].

« Victimes d’un choix de vie » ou « victimes du Monoxyde de carbone » ?

Extrait de l’article : « Sans être des marginaux, les époux Saintard vivaient dans un habitat précaire. Sur le littoral languedocien, nombreux sont ceux qui, pour échapper à la hausse des prix du logement et fuir les impôts fonciers et taxes d’habitation, optent pour l’habitat informel. »

« Echapper », « fuir » : des verbes biens choisis, mais qui apparemment ne s’appliquent pas aux « époux Saintard » : « Eux, avaient délibérément choisi de vivre dans ce secteur... »

Ils sont donc responsables de leur propre mort ?

 
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Notes

[1Christophe Bourseiller est sollicité assez régulièrement. Lire Acrimed répond à "L’Evénement" et RER D - 2. Des « pitbulls aveugles » à l’assaut d’une dépêche ? (note d’Acrimed).

[2« Sans laquelle » et non « sans lequel ».

[3En raison d’une homonymie, ce participant - Benjamin Barnier-, avait été présenté comme le fils du ministre des Affaires étrangères sur la foi d’une « révélation » du Washington Post (voir, dans Le Monde (10/02/05), " La question écartée d’un fils de ministre "), corrigée depuis (y compris ici-même, après la mise en ligne de cet article).

[4En gras : souligné par nous

[5En gras : souligné par nous.

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