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Lu, vu, entendu : « Conseillers en consommation et en altermondialisme »

I. Conseillers en consommation

 Noël approche. Et nos articles de presse sur la consommation, les tendances se transforment en catalogue de loisirs tendances : « La vie en numérique  » (Enjeux-les Echos, octobre) ; « L’explosion des loisirs numériques  » (Le Figaro, 12 octobre), ou Le Parisien (15 octobre) jouant les marchands de tapis pour les fournisseurs d’accès Internet, comme en témoignent le titre de « Une » qui ressemble à une publicité : « Profitez de la guerre CanalSat - TPS  » (15 octobre), et à l’intérieur, ce qui ressemble à du publi-redactionnel : « Les deux bouquets au banc d’essai  », avec fiche technique « Avec l’ADSL, plus besoin de parabole  »...

 Pour les lecteurs inquiets du Figaro (Socpresse). « PIF n’a plus le gadget entre les dents !  » se croit obligé de titrer Le Figaro Littéraire du 21 octobre qui, ponctuant l’interview de François Corteggiani (rédacteur en chef de la BD), pose cette question angoissée : « Le succès de pif gadget finance-t-il toujours le PC  ? »

 Pour les lecteurs inquiets de L’Expansion (Socpresse). On pouvait lire, dans « Idées Reçues" (à savoir cette fois-ci, sous le titre : « Le business équitable n’est pas rentable ») : « Tout compte fait, acheter plus cher au producteur peut se révéler une très bonne affaire ». A bon entendeur salut.

 Pour les lecteurs inquiets du Point (pas Socpresse). En « Une » du supplément « Le Point des connaissances » refourgué avec Le Point (28 octobre), et consacré au cholestérol (où plutôt à la communication des laboratoires pharmaceutiques sur le cholestérol) : « L’amas graisseux situé à l’angle de la paupière de Monna (sic) Lisa, saisi par le pinceau de Léonard de Vinci, a révélé aux historiens l’hypercholestérolémie du modèle ».

 Pour les lecteurs avides du Nouvel Observateur (pas Socpresse). Le Nouvel Observateur (28 octobre) qui se plaît tant fustiger la société de consommation sait pourtant, sans peur du ridicule, s’enthousiasmer pour une grosse niche juteuse en citant un à un bon nombre de protagonistes des majors du disques, des constructeurs de portables, etc. dans un secteur représentant « 10% du marché de la musique » qui ciblent la jeunesse.

Mais le ridicule ne tue pas du premier coup. Le Nouvel Observateur peut donc écrire également, plus loin, dans un autre article consacré au même secteur, sans le scrupule du reniement  : « C’est un secret de Polichinelle dans le métier. Le grand sauveur de l’industrie du disque s’appelle... Marc Dutroux (sic). « Lorsque les enfants entrent en sixième, ils vont seuls au collège, alors les parents leur offrent un téléphone portable, par peur des mauvaises rencontres pédophiles », explique un responsable de Virgin. Le cœur de cible, donc, c’est le préadolescent-adolescent.  »

Le Nouvel Observateur a aussi du cœur (de cible), et ne se contente pas d’illustrer sa schizophrénie ou servir la soupe, il passe également à l’action en agissant de même que ceux qu’il critique, en misant sur l’argent de poches des jeunes. Après TéléCinéObs et Paris Obs il s’apprête en effet à publier un nouveau supplément, Paris Obs Junior. Les annonceurs ont un nouveau filet.

II. Conseillers en altermondialisme

 Forum Social Européen : à bout de souffle ? A l’occasion du Forum Social Européen qui se tenait à Londres (du 15 au 17 octobre), nos médias ont fait moins de zèle sur le volume que l’année précédente (à Saint-Denis, en France, il est vrai ...) [1]. Si l’on excepte, parmi les quotidiens, L’Humanité et, à un moindre degré, Libération, fort peu d’informations et encore moins d’enquêtes. Mais une avalanche de commentaires, apitoyés ou revanchards, sur les difficultés du mouvement. Voici la chronologie, avec des titres choisis, du drame :

Un « autre monde » mais avec qui ?  » (Libération, 14 octobre) ; « Attac en plein doute » (Le Parisien, 14 octobre) ; « L’altermondialisme craint d’être victime de son propre succès » (La Tribune, 15 octobre) : « Londres. L’altermondialisme en quête d’un second souffle » (Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, 16 octobre) ; « Mondialisation. Les alter-mondialistes s’essoufflent. » (La Croix, 18 octobre) ; « A Londres, les altermondialistes se cherchent un nouveau combat » (Le Monde, 19 octobre) ; Le blues des « alter » (Le Point, 21 octobre)

 Forum Social Européen : gagné par « l’islamisme ?

Autre sujet venu opportunément parasiter les maigres espoirs de comptes-rendus factuels du Forum : la rumeur empoisonnante, balancée par Charlie Hebdo sur la présence de Youssef al-Qaradhawi « le théologien qui approuve les attentats kamikazes » [2]. Charlie a fini par se rendre compte que c’était faux, ... mais n’en démord pas : c’était presque vrai puisqu’il y a avait ... Tariq Ramadan. On reviendra sur ce morceau de bravoure !

Et Tariq Ramadan, objet d’un livre de Caroline Foures), donne l’occasion à Bernard-Henri Lévy de sonner la charge. Contre qui et pourquoi ? La cible est identifiée dans le titre de son bloc-notes de Bernard-Henri Lévy » du Point (22 octobre) : « Les altermondialistes et Le Monde Diplo (sic) peuvent-ils encore soutenir Tariq Ramadan ?  » Extrait  : « S’ajoutent à ce tableau les complicités que cet homme a su nouer, sur fond d’antisionisme et d’antiaméricanisme, avec une partie de l’extrême gauche européenne. S’ajoute l’histoire, racontée par le menu, du piège tendu à des organisations comme la Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’homme ou le Forum social européen, confondant son plaidoyer pour une adaptation de la laïcité à l’islam avec un laïcisme authentique. [...] Qui, à gauche et à l’extrême gauche, voudra appareiller pour ce drôle de voyage dans les mots, parfois cocasse, parfois terrifiant, où l’on voit l’ami d’Alain Gresh, au moment où le GIA découpait en rondelles les bébés algériens, pleurer, non les bébés, mais les « martyrs » du GIA ? C’est l’une des questions les plus brûlantes du moment. » Question moins « brûlante » : pourquoi tant de calomnies et fureur mensongère ?

 Altermondialistes, touchez pas à mon BHL ! Pourquoi tant de fureur ? La réponse est en partie (mais en partie seulement) livrée par Jean-Paul Enthoven. Interrogé par Le Parisien, 27 octobre 2004, Jean-Paul Enthoven, directeur éditorial des Editions Grasset et présenté comme l’ « ami de toujours de Bernard-Henri Lévy » analyse ainsi les ouvrages parus ou à paraître contre son ami (l’objet de la double page du Parisien) : « J’observe qu’il y a une provenance d’une sensibilité idéologico-politique particulière : il y a les composantes altermondialistes, du " Monde diplomatique ", des " Inrockuptibles ", les bourdieusiens, l’antiaméricanisme et la composante du Moyen-Orient concernant l’affaire israélo-palestinienne. Une zone de sensibilité idéologique que Bernard, par ses écrits, a toujours combattue. » Encore une « théorie du complot » que vont s’empresser de pourfendre ses spécialistes...

III. Fragments de clairvoyance

 Slama traduit Derrida. Après sa mort, Jacques Derrida est devenu la proie des commentateurs un philosophe médiatique (cf. toutes ces Unes, articles et commentaires de ces dernières semaines qui le découvrent et le sanctifient). Alain - Gérard Slama a évidemment senti qu’il devait participer au concert en rendant obèse, une idée plate : « Si le dogmatisme aveugle la raison, le relativisme la paralyse. Nous subissons aujourd’hui l’un et l’autre. L’aveugle et le paralytique se soutiennent mutuellement, comme dans la fable de Florian, et, par définition, ne mènent nulle part. L’oeuvre de Derrida peut se comprendre comme une tentative de dépasser ce dilemme, au prix d’une interrogation ardue, presque insoutenable, des incertitudes, glissements et au-delà du langage. » Où est passé l’oeuvre de Derrida dans cette bouillie ?

Eclair de lucidité sur lui-même et ses partenaires ? Slama poursuit : « Cela suppose, comme dirait Kundera, une lenteur, un ruminement dans la durée qui s’accorde mal avec la logique des médias, dont les intellectuels et même les philosophes subissent de plus en plus l’influence. » (Le Figaro Magazine, 16 octobre). Un aveu de faiblesse.

 Sic(k). « La filiale britannique d’Orange va supprimer « un petit nombre » d’emplois », nous apprennent Les Echos du 12 octobre, ... guillemets compris.

 Etat compassionnel et victimisation. AZF, Canicule, RER D font l’objet de l’article de Télérama du 27 octobre qui charge « l’Etat ambulance - quand les pouvoirs publics n’ont plus qu’une arme : la compassion ». Un « Etat ambulance » qui, selon l’historien Olivier Christin « se substitue à l’Etat social. Par son hyperactivisme, l’Etat accompagne ce qu’il ne peut ni empêcher ni contrôler : la fatalité économique  ».

Intéressant mais incomplet, les médias étant incroyablement les rescapés de cet article avec une seule allusion sur ces derniers « qui perdent la tête ». Pour compléter, donc, notre dossier : « La fausse agression du RER D : un journalisme de meute ? »

 Éclair de lucidité ? Lu dans Le Parisien du 19 octobre. Bertrand Delanoë de passage chez France 3, pour vendre son livre, chez Marc-Olivier Fogiel (« On ne peut pas plaire à tout le monde ») regrette : « J’ai eu tort d’y aller. J’aime beaucoup Fogiel. C’est un type bien, mais je dois éviter de me mettre dans ce genre de situation. ». Le maire de Paris a « découvert (sic) qu’on ne peut pas, dans ce cadre, parler du fond ». Aimer beaucoup Fogiel est une chose, le dire, une autre, mais y aller, par contre, achève de préoccuper sur la clairvoyance de l’édile.

 Bonne nouvelle ? On a lu ça dans Le Monde du 13-10-2003 dans une article signé Isabelle Mandraud et intitulé « Le PS réfléchit à son projet pour 2007 » : « [...] le PS organisera, en y associant des chercheurs, plusieurs colloques. L’un d’entre eux sera consacré, le 17 novembre, à l’emploi et à la politique industrielle, un autre aux médias . La phase "diagnostic" s’achèvera en février sur une première synthèse. » (Souligné par nous).

IV. Puisqu’on en a déjà parlé, on continue

 Opération Sarkozy (suite). L’activiste médiatique multi-angulaire sévit dans Paris-Match (28 octobre). Sarkozy quitte les rubriques politiques comme il en pris l’habitude pour s’improviser, cette fois, critique musical d’un autre copain de Neuilly-Sur-Seine (Sardou) : « Mon ami Michel  ». Il se fait cajoler, par ailleurs, après Le Figaro Magazine (23 octobre) dans Le Point (28 octobre) avec « L’autre Sarko ». En effet, ce dernier veut que « sa vie d’homme public ne [soit] surtout pas un mystère ». Et Catherine Pegard de s’exécuter en ... 7 pages sur cet homme qui veut « être à la fois différent des autres hommes politiques et semblable aux Français ». Lesquels aiment tant Michel Sardou.

Lire notamment VLE n°3

 Constitution Européenne et temps d’antenne. Dans l’émission du 9 octobre 2004 d’« Arrêt sur images » (France 5,), l’équipe de l’émission a présenté comme chaque mois « l’info-chronométrage réalisé par une membre de l’équipe. Nombre d’invités dans les JT et les émission politiques (« Mots croisés », « France Europe express »...) ? 18 invités pour le oui, 6 invités pour le non. Temps d’antennes ? 17mn45 pour TF1 (13 sujets), 16mn 26pour France 2 (10 sujets) et 17mn18 pour France 3 (8 sujets) soit en tout 51mn29 consacré à la constitution européenne.

Lire dans VLE n°1 et n°2 : « L’Europe des éditorialistes »

 Syndicalisme pas mort ? Dans la famille libérale, je voudrais La Tribune ! Le quotidien économique titre « Les syndicats de plus en plus présents dans l’entreprise » (27 octobre). Le concurrent - Les Échos - relaie la même étude de la Dares (« Mythes et réalités de la syndicalisation en France »), et observe une baisse de la syndicalisation qui semble « belle et bien endiguée », mais il précise - pour se rassurer ? - que « cette stabilisation n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les confédérations  » en titrant que « Les syndicats peinent à séduire les salariés du privé  ». Tout rentre dans l’ordre.

Ne faisons pas la fine bouche, vue la sécheresse sur le sujet par ailleurs (excepté L’Humanité, une petite brève), Les Échos et La Tribune n’étaient pas obligés de consacrer un article à cette étude pour leurs lecteurs soient mieux informés que les autres sur ces sujets. ...

V. Dans notre courrier

 Un « flash » comme tant d’autres sur France Inter. Le journal de 14 heures sur France Inter, le 25 octobre 2004 a valu à la rédaction de la station un courrier que nous reproduisons ici avec l’accord de son auteur.

« Bonjour,
Alors qu’il y a encore cinq ans, j’écoutais France Inter du lever au coucher, j’ai aujourd’hui compris, en entendant votre flash de 14 heures, pourquoi je ne parviens plus aujourd’hui à vous écouter plus des 30 minutes de Patrice Gélinet, des 45 de Mermet et de Garcin.
Vos informations me semblent suivre la ligne populiste et irréfléchie de TF1, tellement aveuglément qu’on en viendrait presque à préférer la chaîne marchande de cerveau....
Je me permets de faire la liste des éléments qui m’ont choqué dans ces trois minutes.

- Les explosifs disparus en Irak sont si dangereux qu’ils sont susceptibles d’armer "le détonateur d’une bombe nucléaire". Il n’est pas besoin d’être un grand scientifique pour savoir que ce qui compte, dans une bombe nucléaire, c’est la réaction de fission ou de fusion d’atomes radioactifs, et non le détonateur. Et que le plus difficile est de se procurer de quoi produire cette réaction, et non de mettre le feu aux poudres. Quel intérêt alors de nous annoncer cela, sinon pour participer aux terrorismes journalistiques qui consiste à effrayer les foules le plus possibles ?

- Autre information essentielle : une jeune femme blessée à la cuisse dans une altercation nocturne en banlieue parisienne. Si on n’avait déjà vécu la campagne massive sur le thème de l’insécurité en 2001, on croirait rêver, et on se dirait que ce genre de nouvelles a sa place dans les pages centrales de la PQR.

- Enfin, on apprend que le tireur n’a pas été arrêté, et que 4 jeunes "d’origine zaïroise" ont été mis en garde à vue. S’ils avaient été "d’origine italienne" ou "biélorusse", cela aurait-il été précisé par la journaliste ? Cette information donne-t-elle une dimension de symbole à l’agression : une gentille blanche qui faisait innocemment la fête victime de la rage barbare des nouveaux envahisseurs ?
Ce genre de précisions, apparemment anodine, vous rend responsables, par bêtise et irresponsabilité, malgré vos dénégations et vos "téléphone sonne", de beaucoup des maux qui affectent notre société.

En vous remerciant de votre attention.
Pierre-Louis Salles ».

 
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