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Les sondages et les municipales de 2001 (2) : Arrêts sur sondages

A l’occasion des élections municipales de 2001, les sondeurs s’en donnent à cœur joie. Le scénario est invariable : multiplication des sondages et des commentaires des sondages, suivis - après les résultats des élections - des « débats » sur la valeur des sondages. On a relevé ici quelques réflexions et quelques références.

Ipsos, c’est près de Delphes ? - (Erwan, de Paris

1/ Sur le site Internet de Canal Ipsos, une analyse suite à la polémique qui est née avec les résultats des Municipales 2001 [lien périmé, mars 2010].

2/ ... et leurs réponses à une liste de questions sur les sondages.

Bien entendu, leur propos n’est pas neutre. Toutefois, on peut déceler certaines ’failles’ de dimensions variables dans la présentation du métier et de ses méthodes. Celles-ci apparaissent suffisamment importantes pour qu’un sondage s’avère trompeur. Ci-dessous, pour se détendre, des extraits commentés de la première page mentionnée :

 " L’inconvénient majeur de la méthode des quotas est de ne pas permettre de calculer scientifiquement la marge d’erreur du sondage. Les lois statistiques qui permettent de la déterminer ne valent théoriquement que pour les sondages aléatoires. En pratique, on considère cependant que la marge d’erreur des sondages par quotas est égale ou inférieure à celle des sondages aléatoires. " (et plus bas :) " En théorie, on ne peut pas connaître scientifiquement la marge d’erreur d’un sondage réalisé par quotas (voir question 2). En pratique, on estime que cette marge est du même ordre que celle que la loi de Gauss permet de calculer dans le cas des sondages aléatoires. "

Du même ordre, égale ou inférieur, bonnet blanc pour blancs benêts... C’est tellement plus commode, d’estimer ou de considérer. D’ailleurs c’est leur métier ; comment leur reprocher leurs approximations, surtout dans la recherche de leurs erreurs ?

 " La qualité du ’ terrain ’ est, après celle du questionnaire, la deuxième condition d’une bonne enquête. (...) les enquêteurs doivent respecter des règles précises et ne pas tricher en remplissant les questionnaires obtenus. Comment éviter que des enquêteurs indélicats (...) ne remplissent les questionnaires eux-mêmes (...), ou attribuent aux personnes interrogées des caractéristiques fausses par commodité ? "

Ainsi, les sondeurs de terrain auraient aussi une fâcheuse tendance à se simplifier la vie. Par ailleurs, limiter la source de bidonnages au panel des seuls sondeurs me paraît bien réducteur. Par exemple, même scrupuleusement soumises au principe des quotas, d’où viennent les listes de personnes à sonder ? Une question subsidiaire à laquelle on a pu prendre le temps d’apporter une réponse personnalisée, dans les quartiers généraux de certains partis.

 " (...) Il est très fréquemment demandé à la personne interrogée d’indiquer son nom et son numéro de téléphone. L’institut peut alors, de temps à autre, vérifier que cette personne a effectivement été interrogée et que l’identité socio-démographique indiquée dans la questionnaire est exacte. "

À combien estime-t-on l’écart entre les demandes de numéros de téléphone et les éventuels rappels effectifs de l’institut ? On est tenté de se méfier, dans ces boîtes de apparemment peuplée de sondeurs fainéants et un tantinet naïfs...

 " La France est sans doute le pays qui publie le plus de sondages au monde. On compte, en moyenne, près de 500 enquêtes publiées par an. "

... Il faut les comprendre, ils ont du boulot chez Ipsos...

Je vous recommande également de découvrir la " technique du redressement ", qui présente l’intérêt ludique de truquer ce qui est intrinsèquement faussé, avec des formules simples, rapides.

Blague à part, la page incriminée est assez ’ édifiante ’ pour le béotien. À lire avant de lire tout et n’importe quoi sur le sondage !

Erwan de Paris

"Municipales : une déroute des sondages" ?

"Arrêt sur Image" (La Cinquième, Dimanche 25 mars à 12 h 30)

Invité(es) : Gilles Leclerc, éditorialiste et rédacteur en chef à France 3, Alain Garrigou, professeur de Science Politique à l’université de Paris X-Nanterre, Pierre Giacometti, directeur général d’IPSOS France.

L’Hebdo du médiateur, F2, samedi 24 mars 13h20


D’abord, on a entendu ça :

" A chaque élection tout le monde se met d’accord pour tomber à bras raccourci sur les sondages. " Jean-Claude Alanic, Médiateur.

Etrange vision des choses : l’événement n’est plus les erreurs flagrantes et répétées des sondages mais la réprobation qu’elle suscite.

Et encore, ces deux arguments : (c’est le biographe de Jospin qui le dit ;-)

1. " Si la presse fait beaucoup de sondages, c’est précisément parce que les lecteurs les demandent, les lecteurs aiment les sondages " Gérard Leclerc, chef du service politique de F2
2. Les critiques des hommes politiques, ça " me fait sourire parce que tous les hommes politiques sont très très très attentifs aux sondages " Gérard Leclerc, chef du service politique de F2.

Le premier argument est un grand classique qui est utilisé aussi pour justifier la dégradation des programmes du service public : " ça fait de l’audimat, ce qui montre bien que les téléspectateurs en veulent ". On continue donc de faire les mêmes médiocrités que le privé, avant de privatiser officiellement comme le projet n’en est même plus dissimulé. En attendant on " privatise de l’intérieur ", comme l’a remarqué un journaliste de la chaîne après une énième embauche d’un professionnel du privé pour diriger la rédaction.

Or, le principal intérêt de la publication des " résultats " d’un sondage pour un organe de presse, c’est qu’il suscite des "reprises" par les confrères et donc de la publicité clandestine. Qui engendre une augmentation de la diffusion. Pour Leclerc, ça veut dire : "les lecteurs les demandent".

En outre, pour affirmer que les lecteurs " demandent " des sondages, il faudrait pouvoir comparer : est-ce que le rapport d’audience entre deux médias comparables mais dont l’un cesserait tout à coup de publier des sondages varierait, toute choses égales par ailleurs ? Je ne me souviens pas que cette situation soit un jour survenue. Enfin, sans prendre la défense des hommes politiques, ils sont attentifs à tout ce que répercutent les grands médias, donc aussi les sondages.

Après les vastes débats, retour à la tambouille habituelle :

{{}} Le Monde sonde les Verts


 

Le Monde propose dans son édition datée du 31.03.01, une analyse du vote Vert. L’introduction est assez curieuse puisque (voir ci-dessous) à l’appui de l’affirmation selon laquelle les Verts "consolident leurs fondations", l’auteur avance D’ABORD l’appréciation " des Français " selon un sondage (du Monde), PUIS les résultats des élections !

" Un électorat flottant LES VERTS en ont assez du camping sauvage. Ils entendent s’installer durablement dans le paysage politique et comptaient sur les scrutins des 11 et 18 mars pour consolider leurs fondations. D’un point de vue psychologique, ils approchent du but, la moitié des Français les créditant d’un succès électoral, selon le sondage d’Ipsos pour Le Monde (daté 28 mars). Ce succès est réel : dans les vingt villes où ils se présentaient de façon autonome en 1995 et en 2001 (communes de plus de 15 000 habitants en Ile-de-France et dans le Nord et de plus de 10 000 ailleurs), les Verts ont progressé partout. "

Sur le même sujet : Les sondages et les municipales de 2001(1) : Lendemains qui déchantent ? (Henri Maler, mars 2001)

 
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