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En bref

Les médias français complaisants avec Michel Platini ?

par David Garcia,

La protection médiatique dont bénéficie le président de la fédération européenne de football, Michel Platini, remonte à sa carrière flamboyante de joueur, amorcée dans les années 70 (comme nous l’avions relevé dans un précédent article).

Rien de très étonnant par conséquent si les journalistes spécialisés regardent à côté... quand Michel Platini admoneste les Brésiliens tentés de gâcher le Mondial en manifestant pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

« Le Brésil, faites un effort pendant un mois, calmez-vous ! Il faut dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du monde et qu’ils sont là pour montrer la beauté de leur pays et leur passion pour leur football. S’ils peuvent attendre au moins un mois avant de faire des éclats sociaux, ça serait bien pour l’ensemble du Brésil et la planète football », a finement ordonné Platini vendredi 25 avril, en marge de l’annonce des pays et villes candidats pour accueillir l’Euro 2020.

Une fois n’est pas coutume, le silence habituel des médias a fait réagir deux animateurs audiovisuels éminents.

 Présentateur d’émissions sur RTL et i>Télé, Pascal Praud fustige le premier l’attitude générale de la profession :

« Michel Platini a raison. Qui sont ces gueux qui menacent la compétition ? Qu’ils retournent dans leur bidonville ! Et s’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche. Rio vaut bien une messe, ironise-t-il dans un billet du Point.fr posté le lendemain. « Le poste de président de l’UEFA n’est soumis à aucun contrôle de l’opinion. Pas un mot dans la presse ce samedi pour commenter son hallucinante sortie. Bien avant Jean-Paul II ou Jean XXIII, les médias français ont canonisé saint Michel. Son passé de footballeur justifie cette clémence, mais pas seulement. Platini est craint. Peur des représailles. Peur d’être mis à l’index. Plus d’interviews. Plus de rendez-vous. Platini déteste la contradiction. Il n’oublie rien. Il est puissant. On le dit rancunier. Autant de raisons de faire profil bas. La bien-pensance a des indignations sélectives. »

 Épinglé ici pour pour un accès de beaufitude sexiste, Pierre Ménès approuve l’analyse de Praud. D’abord sur son compte twitter : « Et Platini qui pète un plomb avec toute la bienveillance des médias.  » Puis sur le site puremedias.com : « Il y a des grâces », explique-t-il, relevant le côté « cocardier  » de la presse française. Et de souligner fort justement : « On protège le président de l’UEFA parce qu’il est français et aussi parce que ce n’est pas n’importe quel Français ».

Jusqu’où iront-ils dans cette très opportune critique des médias ? Pas trop loin, quand même. Interrogé le 28 avril par le site du Point, Pascal Praud édulcore quelque peu sa charge subversive et minimise : « Je dois reconnaître que 90 % des lecteurs considèrent que ces propos sont, au mieux, une maladresse ou, au pire, scandaleux, même s’il ne faut pas surinterpréter cette sortie de Michel Platini. J’ai simplement voulu la relever dans un billet d’humeur et d’humour » . Ce n’était donc que cela ? La canonisation de saint Platini peut se poursuivre. Au moins jusqu’à la Coupe du monde...

David Garcia

P.S. Un « Vite dit » d’Arrêt sur images (que nous a signalé un correspondant) nous avait échappé. On peut y lire :

Le soir même [de la déclaration de Platini], dans son émission 20h foot sur i>Télé, Pascal Praud diffusait la séquence. Il accueillait ces paroles avec enthousiasme : « Ce qui est formidable avec Platini, c’est qu’il a toujours son franc-parler, il dit ce qu’il veut comme il veut  ».

La séquence passée, son collègue, le journaliste François Pinet, lui fait remarquer que « c’est un peu honteux quand même, personnellement, de demander aux gens de ne pas manifester juste pendant la Coupe du monde, alors que les Brésiliens on sait pourquoi ils manifestent, pour une bonne raison ». Ce à quoi Praud rétorque, tout sourire : « C’est votre avis, mais il y a une forme de bon sens dans ce qu’il dit, François, qu’il faut entendre  ». « Ah bon ? » s’étonne Pinet, avant que Praud passe rapidement au sujet suivant.

Le lendemain, Pascal Praud publiait sa tribune indignée dans Le Point, avant de « nuancer » son indignation dans l’entretien que nous avons mentionné.

Si le Grand Prix du contorsionnisme n’existe pas, il faut, de toute urgence, l’inventer !

 Vidéo d’@si

 
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